Accéder au contenu principal

Cadeau Bonux

 C'est souvent sympa des petits bonus dans une BD. Je me suis livré à l'exercice pour mes propres albums (dans Tengu-Do, Crusades et l'Escouade des Ombres), d'autres s'en sont chargés pour moi (sur les Burton ou Saint Louis), j'ai eu droit à des préfaces (sur Celui qui écrivait dans les ténèbres et sur Deux frères à Hollywood) et j'en ai réalisé pour des collègues (sur Le Château des étoiles et sur Les chimères de Vénus).

Outre cela, j'en traduis régulièrement pour des comics, et il m'arrive même d'en produire plus ou moins. J'ai perdu le compte de ceux que j'ai faits, mais y en a une bonne quantité, pas toujours créditée d'ailleurs.


 Là, je suis en train d'en traduire un, un petit bonus d'un comics, et c'est précisément lui qui m'inspire la bafouille du jour. 

Il y a trois sortes de bonus de ce genre.

1- Les préfaces ou postfaces, où généralement un camarade recontextualise le bouquin, en dit du bien, donne ce qui lui semble être une clé de lecture, etc.

2- Les making of, où l'on case des pages inédites, des crayonnés, des bouts de scénar, des recherches de personnage. C'est toujours assez chouette à voir, si le matos est bien sélectionné.

3- Les éléments d'univers. Ça, c'est précisément ce que je fais pour Château des étoiles et son spin-off, en coopération étroite avec leurs auteurs. On s'est donné des règles de fonctionnement assez claire. Je ne dois pas faire double-emploi avec le contenu de l'histoire. Comme mes bonus n'apparaissent que dans certaines éditions (les Gazettes et les versions grand format), l'histoire est conçue pour se suffire à elle-même. Mes textes doivent être un plus. Donner des éléments supplémentaires sur les personnages historiques (Bismarck, Sissi, etc.), sur l'ambiance de l'époque, sur les techniques, le tout de façon amusante. C'est pour ça qu'on prend des chemins de traverse, qu'on éclaire certains événements des albums sous d'autres angles ou qu'on s'arrête sur le backstage de certains lieux (avec les notes aigre-douces sur la construction de la station balnéaire vénusienne, par exemple, ou avec la descente du fleuve par Joseph Conrad).

C'est à ce prix que les additions ne parasitent pas la lecture de l'album. Elles l'enrichissent, elles ont un côté amusant, elles permettent de menues tricheries (le personnage de J.D. apparaît dans les bonus bien avant d'être dans l'histoire) mais le lecteur de la version de base, qui n'a pas accès aux bonus, n'est pas lésé. Celui qui se régale de ces textes en plus n'a pas l'impression qu'on lui ressert deux fois le même plat. C'est un exercice particulier, mais pas si compliqué à l'arrivée.

Là, ce qui me fait grincer des dents aujourd'hui, ce sont les bonus publiés très tôt dans une nouvelle série en comics et qui, pour pas que le lecteur  soit perdu, mettent une carte des lieux de l'action (histoire qu'on comprenne comment des endroits connus de nous se sont transformés suite aux événements) et des fiches de personnage inspirée des vieux "Marvel Universe Handbook" des années 80. L'idée est marrante, mais c'est là que ça coince.

On sent bien qu'elles sont basées sur les notes du scénariste, qui a détaillé en profondeur le background de personnages histoire de pouvoir les écrire de façon crédible et efficace. Le problème, c'est que ça spoile à mort. Et pas seulement les événements des premiers épisodes, mais aussi des choses dont on voit bien qu'il les gardait pour plus tard.

Un certain nombre d'éléments donné dans ces fiches peuvent être inférés du comportement des personnages dans l'histoire. D'autres sont complètement superfétatoires, voire viennent donner les clés de menu mystères qui auraient pu faire l'objet d'épisodes ultérieures.

Dans tous les cas, ça rend ces bonus pénibles à lire et à traduire. Si ça me permet d'affiner la traduction de certaines pages de l'histoire, je ne crois pas que ça bénéficie aux lecteurs. C'est là qu'on s'en rend compte : un bon bonus doit être pensé, distillé, pesé. Sinon il tombe à plat.

Tiens, dans le genre bonus que je trouve réussi, ceux de Lazarus de Rucka et Lark (ça ressort ces temps-ci) sont franchement bien foutus. L'histoire est lisible sans, mais ceux, parfois très détaillés, qui sont sortis au fil du temps donnent pas mal de clés chronologiques et géographiques de l'univers.

Et on sent que, si certains viennent des fiches de travail de Rucka, il les a tous retravaillés en profondeur pour en doser l'effet, il ne les a pas utilisées telles quelles.

Bref, un bonus "univers" c'est toujours sympa. Mais ça ne devrait jamais être  conçu comme un bouche trou.


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Pourtant, que la montagne est belle

 Très vite fait, je signale en passant que je devrais passer demain, lundi, dans le Book Club de France Culture avec Christophe Thill. On y causera de l'édition du manuscrit des Montagnes Hallucinées chez les Saints Pères.   (Edit : ça demeure conditionnel, je suis là en remplacement de David Camus, au cas où son état ne lui permettrait pas d'assurer l'émission) Toujours fascinant de voir ce genre d'objet, surtout quand on connaît les pattes de mouches de Lovecraft (qui détestait cordialement taper à la machine). Mais, très souvent dans ce genre de cas, ce sont les ratures et les repentirs qui sont parlants : ils nous donnent accès aux processus de pensée d'un auteur. Bref, faut que je révise un peu. Fun fact, le texte a été publié à l'époque grâce à l'entregent de Julius Schwartz, qui était agent littéraire et qui a représenté les intérêts de Lovecraft pendant quelques mois. Ce même Julius Schwart qui, vingt ans plus tard, présidait en temps qu'éditeur

Back to back

 Et je sors d'une nouvelle panne de réseau, plus de 15 jours cette fois-ci. Il y a un moment où ça finit par torpiller le travail, l'écriture d'articles demandant à vérifier des référence, certaines traductions où il faut vérifier des citations, etc. Dans ce cas, plutôt que de glander, j'en profite pour avancer sur des projets moins dépendants de ma connexion, comme Mitan n°3, pour écrire une nouvelle à la volée, ou pour mettre de l'ordre dans de vieux trucs. Là, par exemple, j'ai ressorti tout plein de vieux scénarios de BD inédits. Certains demandaient à être complétés, c'est comme ça que j'ai fait un choix radical et terminé un script sur François Villon que je me traîne depuis des années parce que je ne parvenais pas à débusquer un élément précis dans la documentation, et du coup je l'ai bouclé en quelques jours. D'autres demandaient un coup de dépoussiérage, mais sont terminés depuis un bail et n'ont jamais trouvé de dessinateur ou d

L'Empereur-Dieu de Dune saga l'autre

Hop, suite et fin des redifs à propos de Dune. Si jamais je me fends d'un "les hérétiques", ce sera de l'inédit. Le précédent épisode de notre grande série sur la série de Frank Herbert avait évoqué l'aspect manipulatoire de la narration dans  Dune , cette façon d'arriver à créer dans l'esprit du lecteur des motifs qui ne sont pas dans le texte initial. La manipulation est patente dans le domaine du mysticisme. Demandez à dix lecteurs de  Dune  si  Dune  est une série mystique, au moins neuf vous répondront "oui" sans ambage, considérant que ça va de soi. Il y a même des bonnes sœurs. C'est à s'y tromper, forcément. Et, un fois encore, le vieil Herbert (on oubliera charitablement le jeune Herbert et son sbire Kevin J. en personne) les aura roulés dans la farine. Dune  est une série dont l'aspect mystique est une illusion habile, un savant effet de manche. Certains personnages de la série sont mystiques. Certaines

Nietzsche et les surhommes de papier

« Il y aura toujours des monstres. Mais je n'ai pas besoin d'en devenir un pour les combattre. » (Batman) Le premier des super-héros est, et reste, Superman. La coïncidence (intentionnelle ou non, c'est un autre débat) de nom en a fait dans l'esprit de beaucoup un avatar du Surhomme décrit par Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra . C'est devenu un lieu commun de faire de Superman l'incarnation de l' Übermensch , et c'est par là même un moyen facile de dénigrer le super-héros, de le renvoyer à une forme de l'imaginaire maladive et entachée par la mystique des Nazis, quand bien même Goebbels y voyait un Juif dont le S sur la poitrine signifiait le Dollar. Le super-héros devient, dans cette logique, un genre de fasciste en collants, un fantasme, une incarnation de la « volonté de puissance ».   Le surhomme comme héritier de l'Hercule de foire.   Ce n'est pas forcément toujours faux, mais c'est tout à fait réducteu

Défense d'afficher

 J'ai jamais été tellement lecteur des Defenders de Marvel. Je ne sais pas trop pourquoi, d'ailleurs. J'aime bien une partie des personnages, au premier chef Hulk, dont je cause souvent ici, ou Doctor Strange, mais... mais ça s'est pas trouvé comme ça. On peut pas tout lire non plus. Et puis le concept, plus jeune, m'avait semblé assez fumeux. De fait, j'ai toujours plus apprécié les Fantastic Four ou les X-Men, la réunion des personnages ayant quelque chose de moins artificiel que des groupes fourre-tout comme les Avengers, la JLA ou surtout les Defenders.   Pourtant, divers potes lecteurs de comics m'avaient dit aimer le côté foutraque du titre, à sa grande époque.   Pourtant, ces derniers temps, je me suis aperçu que j'avais quelques trucs dans mes étagères, et puis j'ai pris un album plus récent, et je m'aperçois que tout ça se lit ou se relit sans déplaisir, que c'est quand même assez sympa et bourré d'idées.   Last Defenders , de J

Edward Alexander Crowley, dit Aleister Crowley, dit Maître Thérion, dit Lord Boleskine, dit La Bête 666, dit Chioa Khan

" Le client a généralement tort, mais les statistiques démontrent qu'il n'est pas rentable d'aller le lui dire. " (Aleister Crowley, 1875-1947) S'il y a un exemple qui démontre le côté contre productif du bachotage religieux dans l'éducation des enfants, c'est bien Aleister Crowley. Bible en main, son père était un de ces protestants fanatiques que seul le monde anglo-saxon semble pouvoir produire, qui tentait d'endoctriner son entourage. Il est d'ailleurs à noter que papa Crowley ne commença à prêcher qu'après avoir pris sa retraite, alors qu'il avait fait une magnifique et lucrative carrière de brasseur. Comme quoi il n'y a rien de pire que les gens qui font leur retour à Dieu sur le tard, après une vie vouée à l'extension du péché. Le moins qu'on puisse dire, c'est que la greffe n'a pas pris. Même en laissant de côté l'autobiographie de Crowley, largement sujette à caution (comme toute autobiographie,

Hail to the Tao Te King, baby !

Dernièrement, dans l'article sur les Super Saiyan Irlandais , j'avais évoqué au passage, parmi les sources mythiques de Dragon Ball , le Voyage en Occident (ou Pérégrination vers l'Ouest ) (ou Pèlerinage au Couchant ) (ou Légende du Roi des Singes ) (faudrait qu'ils se mettent d'accord sur la traduction du titre de ce truc. C'est comme si le même personnage, chez nous, s'appelait Glouton, Serval ou Wolverine suivant les tra…) (…) (…Wait…). Ce titre, énigmatique (sauf quand il est remplacé par le plus banal «  Légende du Roi des Singes  »), est peut-être une référence à Lao Tseu. (vous savez, celui de Tintin et le Lotus Bleu , « alors je vais vous couper la tête », tout ça).    C'est à perdre la tête, quand on y pense. Car Lao Tseu, après une vie de méditation face à la folie du monde et des hommes, enfourcha un jour un buffle qui ne lui avait rien demandé et s'en fut vers l'Ouest, et on ne l'a plus jamais revu. En chemin,

Fais-le, ou ne le fais pas, mais il n'y a pas d'essai

 Retravailler un essai vieux de dix ans, c'est un exercice pas simple. Ça m'était déjà arrivé pour la réédition de Mythe & super-héros , et là c'est reparti pour un tour, sur un autre bouquin. Alors, ça fait toujours plaisir d'être réédité, mais ça implique aussi d'éplucher sa propre prose et avec le recul, ben... Bon, c'est l'occasion de juger des progrès qu'on a fait dans certains domaines. Bref, j'ai fait une repasse de réécriture de pas mal de passages. Ça, c'est pas si compliqué, c'est grosso modo ce que je fais une fois que j'ai bouclé un premier jet. J'ai aussi viré des trucs qui ne me semblaient plus aussi pertinents qu'à l'époque. Après, le sujet a pas mal évolué en dix ans. Solution simple : rajouter un chapitre correspondant à la période. En plus, elle se prête à pas mal d'analyses nouvelles. C'est toujours intéressant. La moitié du chapitre a été simple à écrire, l'autre a pris plus de temps parce q

Nettoyage de printemps

 Il y a plein de moyens de buter sur un obstacle lorsqu'on écrit. Parfois, on ne sait pas comment continuer, on a l'impression de s'être foutu dans une impasse. C'est à cause de problèmes du genre qu'il m'arrive d'écrire dans le désordre : si je cale à un endroit, je reprends le récit plus tard, sur un événement dont je sais qu'il doit arriver, ce qui me permet de solidifier la suite, puis de revenir en arrière et de corriger les passages problématiques jusqu'à créer le pont manquant.  D'autres tiennent à des mauvais choix antérieurs. Là, il faut aussi repartir en arrière, virer ce qui cloche, replâtrer puis repartir de l'avant. Souvent, ça ne tient qu'à quelques paragraphes. Il s'agit de supprimer l'élément litigieux et de trouver par quoi le remplacer qui ne représente pas une contrainte pour le reste du récit. Pas praticable tout le temps, ceci dit : j'en parlais dernièrement, mais dès lors qu'on est dans le cadre d'

Nécrologie ou résurrection

 Hasard du calendrier, voici que ressurgit d'outre-tombe un personnage mort-vivant apparu dans un récit de Spawn, le "Necrocop", créations frankensteinienne de savants fous cherchant à créer un Spawn qu'ils pouvaient contrôler. Ce qui était sans doute illusoire, vu que les créateurs du vrai Spawn n'ont jamais pu contrôler leur propre mort-vivant. Back to the retour (Dans Scorched : L'Escouade Infernale tome 3) Bref. Pourquoi j'en parle ? Parce que derrière les savants-fous, il y avait des auteurs. Les vrais créateurs du personnage, ce sont Jeff Porcherot (alias Arthur Clare) et... moi-même. Et c'était y a pile vingt ans, ce qui ne nous rajeunit pas. Spawn Simonie , où était apparu le personnage, était un beau projet, une coédition entre Semic, l'éditeur de Spawn en France à l'époque, et Todd McFarlane, créateur et éditeur du personnage, qui nous a prêté son jouet. C'était exactement ça, quelque chose de beaucoup plus détendu que ce à quoi n