Accéder au contenu principal

Ne rêvons pas

Comme superpouvoir.com est toujours en panne, j'ai décidé de reposter ici, histoire de, ma petite étude sur le cycle du monde du rêve de HP Lovecraft, et les rapports qu'il entretient avec l'autre cycle de cet auteur, celui dit du Mythe de Cthulhu.

L'horreur qui vient des rêves

L'œuvre d'Howard P. Lovecraft, étudiée depuis les années 1930 par des hordes de fans et autres exégètes, a souvent été classifiée et catégorisée y compris par son créateur lui-même. Les grandes subdivisions généralement acceptées sont :

- un cycle des rêves, se déroulant dans un monde onirique et tournant souvent autour d'un personnage nommé Randolph Carter
- le Mythe de Cthulhu, que Lovecraft qualifiait de "yog-sothoterie", qui est la partie de son œuvre généralement la plus connue
- et un groupe plus flou de récits d'horreur, parfois appelé cycle d'Arkham par son auteur.

Mais, comme toute classification, si elle est commode, et repose sur des distinctions relativement évidentes, ses catégories s'interpénètrent souvent et, à l'analyse, s'avèrent un peu artificielles : le cycle d'Arkham n'est généralement défini que de façon négative, par l'absence de références claires au Mythe.


De toute façon, tout est de sa faute


Sur quoi reposent ces distinctions, d'ailleurs ? Si un certain nombre des nouvelles écrites par Lovecraft jusqu'au début des années 1920 ne présentent que pas ou peu de liens avec son œuvre ultérieure (en dehors de leur caractère horrifique), la période suivante présente une forte cohérence dans son univers. L'horreur y est moins présente que dans le reste de la production lovecraftienne, et c'est pourquoi ce cycle onirique est généralement considéré comme un cycle de Fantasy, une entité relativement distincte, malgré des passerelles avec le Mythe.


Yog Sothoth, le roi des soirées mousse

De fait, il présente bien des aspects associés à la Fantasy. Il est situé pour partie dans un passé très lointain (des textes comme les Chats d'Ulthar ou la Malédiction de Sarnath sont présentés comme des légendes qu'on se colporte et chuchote depuis des temps immémoriaux), et le monde qui y est décrit a une géographie précise, des villes, fleuves et coutumes se retrouvant d'un texte à l'autre.

Si le personnage central du cycle, Randolph Carter, est contemporain (ou tout au moins contemporain de Lovecraft lui-même), il est intégré à ce petit monde, en tant que rêveur de haut niveau. Car ces contrées du rêve sont un monde persistant, né des rêves des hommes d'un passé immémorial, poursuivis par les rêveurs suivants, dont certains ont abandonné toute attache avec le monde dit "réel". Protagoniste de la Quête de Kadath, seul roman du cycle, Carter est une projection de son auteur, et nombre d'éléments de la Quête sont en forme d'exorcisme : les Maigres Bêtes de la Nuit avaient visité les rêves de Lovecraft une bonne partie de son enfance, le terrorisant à tout coup, et dans le roman il s'en fait des alliées. Carter s'accoquine aussi avec les goules, vues à la même époque sous un jour bien plus inquiétant dans le classique Modèle de Pickman, qui se déroule dans le monde "réel".

L'employé modèle de Pickman

Le sinistre Nyarlathotep lui-même semble beaucoup plus accessible que dans le cycle du Mythe. S'il tend un piège à Carter, cela reste dans les règles de l'art, c'est à dire dans les règles du conte. Le danger, s'il est clair et présent, ne s'accompagne pas de la terreur sourde qui est ailleurs la marque de Lovecraft. Si Carter se déplace très souvent en volant, la Quête est placée sous le signe de la légèreté aussi du point de vue de l'horreur. Il est d'ailleurs significatif que l'histoire se termine bien. L'horreur n'est pas forcément très loin, mais elle n'est pas le sujet central. Le monde des rêves décrit par Lovecraft n'est pas exactement un monde de cauchemar. Et pourtant, le cauchemar n'est pas loin. Car si Nyarlathotep et consorts sont presque sympathiques quand ils traînent vers Kadath ou Ulthar, s'ils ont l'air de faire partie intégrante de ce petit univers dont ils ont pris un contrôle partiel, évinçant les "dieux de la Terre", les vrais problèmes commencent dès lors qu'ils en sortent.

Faut dire qu'il n'inspire pas trop confiance, le Nyarlathotep

L'envers du cauchemar

Souvent, chez Lovecraft, l'horreur apparaît au cours du sommeil avant d'investir le monde réel. Et s'il y avait quelque chose là-dedans ?

On l'a vu dans la Quête de Kadath, les goules font régulièrement l'aller-retour entre le monde onirique et nos cimetières. Dès lors, on peut s'interroger sur leur degré de réalité, sur la forme de réel à laquelle elles appartiennent. Pickman lui-même, le peintre apparaissant dans une autre nouvelle, est goulifié dans la Quête, suite à ses contacts répétés avec des goules à l'état de veille. Le commerce avec des entités aussi immondes n'aurait-il pas teinté ses propres rêves ?

Et si les narrateurs des histoires impliquant des contacts avec l'indicible semblent souvent en transe, livrant un récit aux contours fuyants, est-ce tout à fait innocent ? Les descriptions des choses elles-mêmes semblent frappées au coin d'une dissolution de la réalité. Leur matérialité est souvent sujette à caution. Parfois, elles ne sont qu'une présence indéfinissable, perçue du coin de l'œil parfois, mais plus généralement tapie, rodant autour du malheureux qui y est exposé, telle une métaphore de la folie, celle-la même que Lovecraft craignait par dessus tout (ses deux parents ont fini à l'asile, et il craignait de sombrer à son tour). Rêve et folie, rêve et fuite du réel, les motifs s'entremêlent au fil des textes. Et tous se passe comme si Lovecraft préférait le monde du rêve, un monde où le passé n'est jamais totalement révolu, où le passé reste justement réel.

Charles Dexter Ward, le double de l'auteur et son double à lui (je me comprends)

De fait, les éléments autobiographiques abondent, dans son œuvre. Le jeune Charles Dexter Ward hante les cimetières et les vieilles bâtisses, cherchant le contact avec un passé révolu, tout comme HPL lui-même dans sa jeunesse. Madame Ward est internée quand ses nerfs lâchent, pour ne plus ressortir de la clinique. Comme la mère de HPL. Les villes de Salem, Providence ou Marblehead, réelles, se retrouvent dans les textes, aux côtés d'Arkham, Kingsport ou Innsmouth, qui en sont des reflets. Le réel de Lovecraft contamine son monde de papier.

Plus dure est la descente

Par ailleurs, un certain nombre de nouvelles et de concepts lui sont apparus en rêve avant d'être couchés sur le papier. Le Nécronomicon, les Bêtes de la Nuit et des histoires entières, comme le Témoignage de Randolph Carter. Cette façon qu'ont les rêves de ses personnages de transpirer dans leur réel est symétrique de l'utilisation d'éléments de sa vie. Où donc s'arrêtent , dans son œuvre, les éléments réels pour commencer les éléments oniriques, et les éléments d'invention pure ? Le mode de création de Lovecraft est-il la clé de compréhension de ce qu'il créée ? L'œuvre reflète-t-elle dans sa construction même la réalité qui lui a donné naissance ?

Cette substance hybride, faite de rêve et de réel, évoque la substance à demi matérielle seulement dont sont censées être composées certaines des créatures du Mythe, comme Cthulhu ou les Fungi de Yuggoth.

Or, donc, si les Grands Anciens du mythe lovecraftien hantent les Contrées du Rêve, ils y sont présentés comme les "Autres Dieux", ayant franchi des gouffres d'espace et de temps en provenance d'autres étoiles, et plus précisément des rêves d'habitants d'autres mondes. Leur présence est d'ailleurs nettement moins inquiétante dans les rêves, ils y présentent une certaine familiarité, un côté paradoxalement moins étrange, hormis en ce qui concerne Azathoth, incarnation de la folie irréparable qui guette tout rêveur s'aventurant trop loin.

Azathoth (interprétation d'artiste, vue de loin)


Quand on les rencontre dans le monde réel, au contraire, ils ont un côté franchement intrusif, déstabilisant, et fondamentalement malveillant. Ils sont des créatures étrangères n'ayant pas leur place dans notre monde. Dans le cycle du Mythe de Cthulhu (terme impropre, Cthulhu n'en étant qu'un aspect annexe, mais le temps a fini par l'imposer), ces Grands Anciens sont un élément horrifique qui conduit invariablement ceux qui le rencontrent à la mort ou à la folie. Mais le cycle du Mythe a été écrit après le cycle des rêves. La première apparition de ces entités est une apparition onirique, dans les rêves, et plus précisément dans les rêves de Randolph Carter, quoi qu'ils soient peut-être arrivés avant, mais les rêves ont une étrange tendance à réécrire leur propre passé, à faire apparaître la nouveauté comme si elle était immémoriale.

Et d'ailleurs, les entités commencent parfois par apparaître dans les rêves des hommes avant de se manifester à l'état de veille. C'est particulièrement clair dans l'Appel de Cthulhu, dont l'élément déclencheur est le bas-relief d'argile modelé par Wilcox dans une transe cauchemardesque.

L'enquête qui suit montre une influence antérieure de Cthulthu sur les hommes, ayant amené la création de cultes bestiaux. L'agent de cette influence est d'ailleurs lié aux rêves de Cthulhu lui-même, censé sommeiller dans la cité engloutie de R'lyeh en attendant sa libération, et surtout rêver (fhtagn). Mais qui influence qui ? R'lyeh ne ressurgit qu'au moment où les cauchemars atteignent un pic mondial. Mais qui, de Cthulhu ou des cauchemars le concernant, créé l'autre ?

Suivez le guide

L'invasion divine

On l'a vu dans le cycle onirique : pour Lovecraft, les rêves ont le même degré de réalité que le "réel", et c'est une notion qu'il partage (peut-être à son corps défendant) avec entre autres les aborigènes d'Australie. Le temps du rêve australien présente d'ailleurs une particularité intéressante : plus qu'un réel alternatif, il est la source du réel, le lieu où s'élabore la réalité de tous les jours. Toute idée, avant d'être mise en œuvre dans l'outback australien, se manifeste d'abord dans ce royaume de l'esprit, accessible à tous, mais dont la maitrise demande une initiation. Tout mythe, même le plus ancien, s'y perpétue sans y souffrir de l'outrage des ans, pour peu que le peuple le renouvelle périodiquement en le chantant à l'occasion des fêtes cycliques, car sans réitération, la mémoire des hommes s'efface, et le rêve lui-même se dilue.

Le réel, le chant et le rêve constituent dans cette culture un système fortement lié, avec ses rétroactions, dont le chant est l'interface la plus puissante.

Difficile de ne pas rapprocher ces chants, clé de l'interférence entre rêve et réel, de ces mélopées, invocations et autres scansions hypnotiques qui abondent dans les nouvelles et romans de Lovecraft. Le sorcier Joseph Curwen passe des décennies à perfectionner l'invocation qui permet d'entrer en contact avec "ceux de l'extérieur", et ces chants, une fois transmis à son descendant Charles Dexter Ward, permettent de poursuivre ses travaux, de manifester à nouveau ces pouvoirs impies. Est-il innocent, d'ailleurs, que le médecin de famille des Ward soit un excellent ami de Randolph Carter et que, dans le laboratoire de Curwen, il reconnaisse des symboles vus en rêve et décrits par Carter ? Et est-il innocent que les "transformations" subies par le jeune Ward soient, aux yeux des non initiés, indissociables de la folie ? Et que penser des créatures contrefaites conservées dans les oubliettes de Curwen ? Ne ressemblent-elles pas aux goules que Carter rencontre sur la route de Kadath ?

Laaaaa musiiiiique, ouiiiii la musiiiiiiique...

Que penser par ailleurs d'Erich Zann, qui se sert d'une musique instrumentale pour refermer la porte, ou tout au moins pour repousser ce qui est tapi derrière ? Et cette porte, notons-le, semble très difficile à retrouver de jour, à l'état de veille…

De fait, qu'est-ce que raconte, essentiellement, le Mythe de Cthulhu ? Tout simplement la façon dont le mur protégeant notre réalité quotidienne se lézarde peu à peu, laissant transparaître des horreurs indicibles capables de faire vaciller l'esprit. Les créatures sont souvent constituées d'une matière échappant aux lois de la réalité ordinaire, d'une semi substance parfois translucide, éthérée, autre. On n'ose dire onirique. Les rêves sont leur porte d'entrée dans le monde rationnel (ou qui se veut tel) des hommes. C'est la remonté de l'inconscient, l'irruption du chaos intime, celui qui rampe en chacun de nous.

Si, pour Lacan, l'inconscient est un langage, alors ce langage s'écrit avec des phrases comme "Ph'nglui mglw'nafh Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn." David Lynch prétend être en prise directe sur son inconscient, mais Lovecraft explore lui aussi le processus. Que ses créatures proviennent des "rêves des habitants d'autres étoiles", ou que ces habitants soient eux-mêmes des manifestations gigognes de l'inconscient de Randolph Carter (qui est, tout comme Charles Dexter Ward, une représentation de Lovecraft lui-même) et de ses prédécesseurs en rêve de haut niveau, quelle importance, après tout ?


Les tentacules de la mer

Inconscient de l'homme ou inconscient de créatures autres, mais matérielles et agitées de passions et de besoins humains, comme ces Anciens retrouvés en Antarctique par l'expédition Dyer/Peabodie, et avec lesquelles le narrateur finit par trouver une forme d'empathie, dans lesquelles il finit par se reconnaître. Ce sont les forces souterraines de l'esprit qui remontent au grand jour, une transpiration de l'inconscient vers le réel, une modification du réel par l'indicible et donc le non-dit.

Belle métaphore freudienne, non ?


Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Qui était le roi Arthur ?

Tiens, vu que le Geek Magazine spécial Kaamelott connaît un deuxième numéro qui sort ces jours-ci, c'est peut-être l'occasion de rediffuser ici un des articles écrits pour le précédent. Souverain de légende, il a de tous temps été présenté comme le grand fondateur de la royauté anglaise. Mais plus on remonte, et moins son identité est claire. Enquête sur un fantôme héroïque. Cerner un personnage historique, ou remonter le fil d’une légende, cela demande d’aller chercher les sources les plus anciennes les concernant, les textes les plus proches des événements. Dans le cas d’Arthur et de ses chevaliers, le résultat a de quoi surprendre.  « [Gwawrddur] sut nourrir les corbeaux sur les remparts de la forteresse, quoique n’étant pas Arthur. » La voilà, la plus ancienne mention d’Arthur dans les sources britanniques, et avouons qu’elle ne nous apprend pas grand-chose. Elle provient d’un recueil de chants de guerre et de mort, Y Gododdin, datant des alentours de l’an 600, soit quelque...

En direct de demain

 Dans mon rêve de cette nuit, j'étais en déplacement, à l'hôtel, et au moment du petit dèj, y avait une télé dans un coin, comme souvent dans les salles à manger d'hôtel. Ce qui était bien, c'est que pour une fois, à la télé ce n'était ni Céniouze ni Béhèfème (faites une stat, les salles à manger d'hôtel c'est toujours une de ces deux chaînes), mais un documentaire. Je hausse le sourcil en reconnaissant une voix.   Cette image est un spoiler   Oui, c'est bien lui, arpentant un décor cyberpunk mêlant à parts égales Syd Mead et Ron Cobb, l'increvable Werner Herzog commentait l'architecture et laissait parler des gens. La force du truc, c'est qu'on devine des décors insolites et grandioses, mais que la caméra du réalisateur leur confère une aura de banalité, de normalisation. "Je suis venu ici à la rencontre des habitants du futur, dit-il avec son accent caractéristique. J'ai dans l'idée qu'ils ont plein de trucs à me dire....

L'éternel retour

 Bon, c'est l"heure de notre traditionnelle minute d'expression gueuledeboitesque de fin janvier début février. Mon ressenti (page de Marvano à l'expo SF) (c'est toujours un moment fort de voir les originaux de pages tellement frappantes qu'elles se sont gravées à vie dans votre tête) Jeudi : Je n'avais pas prévu d'arriver le jeudi, au départ. Après cinq mois de boulot ultra-intense, déjà à genoux avant même le festival, je me disais qu'une édition plus ramassée à mon niveau serait plus appropriée. Divers événements en amont m'amènent à avancer largement mon arrivée. Il y a une réunion de calage sur un projet qui doit se faire là-bas, plutôt en début de festival. Dont acte. Ça m'amène à prendre les billets un peu au dernier moment, de prendre les billets qui restent en fonction du tarif aussi, donc là j'ai un changement, ça cavale, et je suis en décalé, ça aura son importance. Quand j'avais commencé à préparer mon planning, j'ava...

Da-doom

 Je me suis ému ici et là de voir que, lorsque des cinéastes ou des auteurs de BD adaptent Robert E. Howard, ils vont souvent piquer ailleurs dans l'oeuvre de celui-ci des éléments qui n'ont pourtant rien à voir. L'ombre du Vautou r, et Red Sonja, deviennent ainsi partie intégrante du monde de Conan à l'occasion d'un comic book, et Les dieux de Bal Sagot h subissent le même traitement dans Savage Sword . De même, ils vont développer des personnages ultra-secondaires pour en faire des antagonistes principaux. C'est ce qui arrive à Toth-Amon , notamment.  Sienkiewicz, toujours efficace   Mais un cas ultra emblématique, à mon sens, c'est Thulsa Doom. Apparu dans une nouvelle de Kull même pas publiée du vivant de Howard, c'est un méchant générique ressemblant assez à Skull Face, créé l'année suivante dans une histoire de Steve Costigan. Les refus sur Kull ont toujours inspiré Howard : la première histoire de Conan, c'est la version remaniée de la der...

Seul au monde, Kane ?

Puisque c'est samedi, autant poursuivre dans le thème. C'est samedi, alors c'est Robert E. Howard. Au cinéma. Et donc, dans les récentes howarderies, il manquait à mon tableau de chasse le Solomon Kane , dont je n'avais chopé que vingt minutes lors d'un passage télé, vingt minutes qui ne m'avaient pas favorablement impressionné. Et puis là, je me suis dit "soyons fou, après tout j'ai été exhumer Kull avec Kevin Sorbo , donc je suis vacciné". Et donc, j'ai vu Solomon Kane en entier. En terme de rendu, c'est loin d'être honteux Mais resituons un peu. Le personnage emblématique de Robert Howard, c'est Conan. Conan le barbare, le voleur, le pirate, le fêtard, le bon vivant, devenu roi de ses propres mains, celui qui foule de ses sandales les trônes de la terre, un homme aux mélancolies aussi démesurées que ses joies. Un personnage bigger than life, jouisseur, assez amoral, mais tellement sympathique. Conan, quoi. L'autre...

Spécial Origines

Alors que je me livrais à des activités translatatoires (néologisme un peu barbare, quoique non Cimmérien, qui signifie juste que je me déplaçais d'un point à un autre, mais dire juste "j'étais dans la rue" m'ennuyait, sur le plan de la simple construction de phrase, c'était un moyen tristement banal de décrire uin état tristement banal. bref.), je suis tombé sur une colonne Morris (je n'ai pas encore trouvé de colonne Goscinny). Elle était agrémentée de deux affiches annonçant des prochains films à sortir cet été, un remake de la Guerre des Boutons et une préquelle de La Planète des Singes , preuve s'il en est que, de chaque côté de l'Atlantique, on manque d'imagination au point de recycler jusqu'à plus soif les vieux succès. Ce qui m'interpèle le plus, là dedans, c'est quand même le prologue inutile. La Planète des Singes, on sait comment ça à commencé : "Tu vas les faire sauter, tes putains de bombes, espèce de fou maudit ?...

Barracks on Mars

On le sait, depuis quelques années, la politique, c'est du storytelling. Bon, en tant que professionnel de la bande-dessinée, je connaissais le terme et je l'employais, mais il ne voulait pas dire tout à fait la même chose pour moi que pour les encravatés qui nous gouvernent. Et puis, il faut bien le dire, les psychodrames et des effets de manche, ça va deux minutes. Les histoires que nous racontent les politiques, soit elles sont tellement bidons qu'elles n'en sont même plus drôles (les mecs qui vont chercher la croissance au risque de leurs molaires, etc.), soit elles tournent court (les coups de gueule annonciateurs d'une ascension foudroyante qui ne sont que le prélude de la placardisation des courageux). Beaucoup de buzzwords dans tout ça, de toute façon. Et le concret, derrière, fleure le sordide. Mais bon, voilà que le Président des Américains vient d'appuyer sur les bons boutons et de me faire rêver à nouveau. Mars 2035. Dit comme ça, c'est déjà un s...

Frères humains qui après nous vivez

Tiens, je viens de voir les deux premiers épisodes de Real Humains sur Arte. Et j'ai plein de raisons de râler. Pas sur la série elle-même, hein, dont j'ai trouvé le scénar très malin, et la prod très efficace. Le look des Bots et la manière dont ils sont joués sont très bons, et tout le design joue à plein sur la métaphore technophile (déballage et mise en service du Bot, avec le mode d'emploi ouvert à côté, comme on déballe un ordi ou un téléphone portable, cales en polystyrène comprises), mais aussi sur tout un tas de métaphores sociales intriquées (le sous prolétariat immigré, l'alter-mariage, Alzheimer, etc.). Tout amateur de SF bien pensée devrait regarder cette série. Sur le fond, elle reste dans du classique : la garde malade trop zélée renvoie directement à des textes de Jack Williamson qui ne sont pas du tout récent ;  Les Humanoïdes datent de 1949, et Les Bras Croisés d'encore avant. La scène où le voisin fait planter la petite Anita, elle sort dir...

Vlad Tepes, dit Dracula

" Vous allez vous manger entre vous. Ou bien partir lutter contre les Turcs. " (Dracula, 1430 -1476) Dracula... Le surnom du prince des Valaques est devenu au fil du temps synonyme d'horreur et de canines pointues, principalement sous l'impulsion d'un écrivain irlandais, Bram Stoker, qui le dégrada d'ailleurs au point de le faire passer pour un comte, un bien triste destin pour un voïévode qui fit trembler l'empire qui faisait trembler l'Europe chrétienne. Tout se serait pourtant bien passé s'il n'avait pas été élevé à la cour du Sultan, comme cela se pratiquait à l'époque. En effet, il fut avec son demi-frère Radu otage des Turcs, afin de garantir la coopération de la famille, son père Vlad Dracul étant devenu par la force des choses le fantoche de l'envahisseur (le père se révolta pourtant et y laissa la vie. Mircea, le grand-frère, tenta le coup à son tour avec le même résultat. il est intéressant de noter que les otages...

Capitaine Richard Francis Burton

 " Enfin ! Une fois de plus, mes destinées me font échapper à la prison de l'Europe civilisée. " (Richard F. Burton, 1821-1890) Il est essentiel de ne pas confondre Richard Burton, le capitaine, et Richard Burton, l'acteur. Le premier étant, paraît-il, l'arrière grand-oncle du second. Soldat efficace, espion polyglotte, explorateur de l'extrême et traducteur en roue libre, l'homme pourrait être un personnage de roman (et il l'a d'ailleurs été, sous la plume de Philip José Farmer). Ce découvreur des sources du Nil, premier occidental à pénétrer dans la Kaaba à La Mecque (il s'était déguisé en derviche afghan, et s'était circoncis lui-même pour l'occasion, histoire de passer inaperçu, parce qu'il courait le risque de se faire couper d'autres morceaux par les gardiens des Lieux Saints), ce traducteur d'une version notoirement licencieuse des Mille et Une Nuits était un homme hors du commun, et du coup bien moins considéré en...