Accéder au contenu principal

Star Turc


Poursuivant mon exploration nonchalante des séries Z les plus improbables de la galaxie, je me suis enfin confronté à Turist Ömer Uzay Yolunda, le célébrissime Star Trek turc. Autant le dire tout de suite, c'est moins extrême dans le résultat que le Star Wars turc, mais ça reste un opus assez aberrant pour mériter d'être étudié en détail.

   
Kapitan Kirk dans : Les Dents de l'Espaaaace !

Il faut savoir que le Turist Ömer du titre (doit-on traduire ça par "Homère le Touriste" ? Personnellement, je ne m'y risquerai pas, mais si ça vous fait marrer, libre à vous, hein.) est un personnage comique récurrent du cinéma turc, vivant des aventures improbables aux quatre coins du monde (voire ici de l'univers). L'acteur, Sadri Alisik, est un de ces galériens du cinéma turc, qui a pas mal de films à son actif, y compris des drames, et ce qui semble être un Lucky Luke turc (Atini seven kovboy), à moins que ce ne soit une version gaguesque des Sept Mercenaire (avec le cinéma turc, tout est possible). Pour ce que j'en sais, le bonhomme n'a pas donné la réplique à Cüneyt Arkin, mais il faut dire qu'ils n'évoluent pas tout à fait dans le même registre. Là où Cüneyt Arkin est un action hero au physique d'Alain Delon du Bosphore, Sardi Alisik allie un jeu qui évoque un croisement improbable entre Aldo Maccione et un Jean Lefebvre des mauvais jours au physique de Tuco dans Le Bon la Brute et le Truand s'il en existait une parodie signée Emir Kusturica.

  
Dans l'espace, personne ne vous entendra gober des champis

 Mais foin de présentations longuettes et passons au corps du délit. Tout commence comme un vrai épisode de Star Trek à l'ancienne, générique inclus. Sauf que le générique est tiré d'une bande vidéo de troisième génération, mangée et sursaturée, qui nimbe l'Enterprise d'un halo orange du meilleur aloi psychédélique. Il faut dire que le film date de 1973, et j'ignore totalement la qualité du matériel à la disposition des studios turcs à l'époque (les stock shots du Star Wars turc étaient un peu moins bouffés, mais c'était déjà dix ans plus tard). Les crédits qui s'affichent sont par contre ceux du casting turc. Puis on passe sur la passerelle du vaisseau, reconstituée à l'arrache, mais pas trop mal réussi (en tout cas pas plus ringarde que l'originale), avec un équipage looké Star Trek Classic, le costumier a bien fait son boulot. Mister Spak, joué par Erol Amaç, un acteur qu'on aura pu voir aussi dans Seytan, la version turque de l'Exorciste, (un jour, faudrait que je vous en fasse une recension, de celui-là, il doit en trainer un exemplaire quelque part dans mes archives) est plutôt réussi. Sauf qu'il a parfois du mal à garder son sérieux quand il balance ses répliques, personne n'est parfait.

Pavel McTchekov 

Ferdi Merter est pas mal en Pavel Tchékov, c'est presque le sosie de l'original. Sauf qu'il joue le docteur McCoy, ben oui. Bon, et il est accessoirement le scénariste du film, et on sent bien qu'il s'est plongé à fond dans l'univers Star Trek, il restitue bien l'ambiance de la vieille série. Lui aussi, au passage, a joué dans Seytan. Plus difficile est le rôle de Cemil Sahbaz (un habitué des Turist Ömer), puisqu'il joue le rôle du Kaptan Kirk. Oui, il est parfait dans le style autorité virile, il a une vraie coupe de cheveux Star Trek, mais il a un sourire à la Lecanuet qui fait tâche, quand même. Et puis mention spéciale à la petite Füsun Olgaç, une top model turque, qui reprend le rôle d'Uhura, et dont l'uniforme est super trop court, ce qui n'est pas déplaisant ma foi.

  
Vous ne rêvez pas, on voit le cul d'Uhura

En tout cas, l'Enterprise arrive au-dessus d'une planète où l'attend le professeur Krater. Mais Krater n'est pas spécialement ravi de voir débarquer chez lui l'élite de Starfleet. En effet, il partage son laboratoire souterrain avec des androïdes stupides à la démarche raide et une créature métamorphe (vous vous rappelez les effets spéciaux de Mystique, dans X Men ? eh bien oubliez) qui se nourrit, si j'ai bien compris, du sel que contient l'organisme humain. Mentionnons au passage les superbes décors hélénistiques dans lesquels sont tournés les séquences en extérieur, et la musique de Pink Floyd (extraite de Echoes, sur l'album Meddle, si mes sens abusés ne m'abusent).

Pour se débarrasser de la fine équipe (dont un membre se fait bouffer par la métamorphe, et c'est là qu'on mesure l'abîme qui sépare ce Star Trek pirate de l'original : ici, les "chemises rouges" sont vertes), Krater a un plan diabolique...

   
Dans le doute,  collez aussi des électrodes sur le chapeau
On ne sait jamais

Pendant ce temps, sur Terre, Turist Ömer est traîné de force devant le maire par deux hommes armés, sans doute les frères ou les cousins d'une demoiselle assez godiche avec laquelle on suppose qu'il a pris du bon temps dans une meule de foin. Au dernier moment, quand on lui demande de dire "Oui" un pistolet sur la tempe, il implore l'aide d'Allah pour qu'il le tire de ce mauvais pas. Et se retrouve téléporté devant le labo de Krater, où il est alpagué par un androïde en slip qui ferait passer C3PO pour un contorsionniste.

 Aurait-on retrouvé Patrick Duffy ?

Le plan de Krater est effectivement diabolique : il lâche Turist Ömer sur l'équipage de l'Enterprise, dont l'entraînement interstellaire s'avère insuffisant pour contrer une telle menace. Car Turist touche à tout, détraque tout, fout la zone partout où il passe. Même Mister Spak a du mal à garder son calme légendaire...

 
Alors toi, tu vas te calmer tout de suite,
sinon je te taille les oreilles en pointe !


Sans spoiler outre mesure, notons que ça se termine bien à la fin et que, de retour dans son pays, Omer se sert du "Vulcan Nerve Pinch" pour se débarrasser des marieurs, pendant que l'Enterprise repart pour de nouvelles aventures.

À l'arrivée, on a l'impression d'avoir eu presque un vrai épisode de Star Trek Classic, sauf que dans le vrai Enterprise, le mobilier est boulonné au sol et donc ne bouge pas quand un acteur le heurte par inadvertance, que le sol n'est pas dallé, et que les tricordeurs ne sont pas attachés au mur avec un fil pendant à un clou, mais sinon, c'est pareil.

 
Vers l'infini et au-delà !
 
C'est moins hystérique que le Star Wars avec Cüneyt Arkin. Moins violent. Parfois même nettement mieux foutu, et sans doute même nettement plus second degré (quoi que bon, c'est peut-être moi qui ai projeté du second degré sur ce machin, j'en sais rien, j'avais pas les sous-titres et c'était quand même en Turc d'un bout à l'autre), et du coup, c'est super sympathique. Après avoir épuisé les toréadors d'Espagne, les indiens et la découverte du monde, quand les producteurs de la série Turist Ömer ont décidé, au mépris du danger, de le faire avancer vers l'inconnu dans l'ultime frontière, ils y sont allés à fond, avec leurs petits moyens, et se sont plutôt bien démerdés. Les Charlots, en France, auraient voulu se faire un Star Trek, ils n'auraient probablement pas exploité le matériel original aussi efficacement.

Et c'est pour ça, aussi, que j'aime le cinéma de genre Turc.

 
Et hop, téléportation !


Ce papier date de… 2006, déjà ! Je l'avais publié sur Superpouvoir.com. De ma trilogie sur le cinéma de genre Turc, seul l'article sur le Star Wars n'a pas été rapatrié ici, du coup, faut que j'en retrouve le texte dans mes archives.

L'article sur un film de capes et d'épées turc est ici.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Un bouquin pour les gouverner tous

  Tiens, j'en avais pas encore causé parce que j'attendais que ce soit officialisé, mais le prochain Pop Icons portera ma signature et sur J.R.R. Tolkien (oui, je tente le zeugme acrobatique, je suis comme ça). Comme pour mon précédent, consacré à H.P. Lovecraft, il y aura une campagne de financement participatif , mais  on pourra aussi le trouver en kiosque et en librairie d'ici la fin du mois prochain. Je suis un peu moins pointu à la base en Tolkien qu'en Lovecraft, mais j'ai fait mes devoirs pour l'occasion, découvrant pas mal de trucs que je n'avais pas lus jusqu'alors, notamment ses correspondances. Voilà, foncez, pour Eorlingas, la Comté et tout le reste !    

De géants guerriers celtes

Avec la fin des Moutons, je m'aperçois que certains textes publiés en anthologies deviennent indisponibles. J'aimais bien celui-ci, que j'ai sérieusement galéré à écrire à l'époque. Le sujet, c'est notre vision de l'héroïsme à l'aune de l'histoire de Cúchulainn, le "chien du forgeron". J'avais par ailleurs parlé du personnage ici, à l'occasion du roman que Camille Leboulanger avait consacré au personnage . C'est une lecture hautement recommandable.     Cúchulainn, modèle de héros ? Guerrier mythique ayant vécu, selon la légende, aux premiers temps de l’Empire Romain et du Christianisme, mais aux franges du monde connu de l’époque, Cúchulainn a, à nos yeux, quelque chose de profondément exotique. En effet, le « Chien du forgeron » ne semble ni lancé dans une quête initiatique, ni porteur des valeurs que nous associons désormais à l’héroïsme. Et pourtant, sa nature de grand héros épique demeure indiscutable, ou en tout cas...

Unions, ré-unions, il en restera toujours quelque chose si on s'y prend pas comme des chancres

 Bon, j'en ai jamais fait mystère, mais j'ai tendance à faire savoir autour de moi que la réunionite est un peu le cancer de notre société moderne. Je supporte pas les grandes tablées où, passé l'ordre du jour ça oscille entre le concours de bite et la branlette en rond, pour des résultats concerts qui seraient obtenus en règle générale avec un mail de dix lignes.   éviter la Cogip   Quoi ? Oui, je suis inapte au simagrées du monde de l'entreprise moderne, chacun de mes passages dans des grands groupes m'a convaincu que c'étaient des carnavals de... non, aucun mot utilisable en public ne me vient. Et mes passages aux conseils d'administrations d'associations n'ont pas été mieux. Le problème, ce n'est même pas la structure, qu'elle soit filiale d'un truc caquaranqué ou petit truc local tenu avec des bouts de ficelle. Et pourtant, des fois, faut bien en passer par là, j'en ai conscience. Voir les gens en vrai, se poser autour d'une ...

Sweet sixteen

Bon, ayé, nous voilà en 2016, donc tous mes vœux à tous. Et comme bonne résolution de nouvel an, et comme les années précédente, j'ai pris la résolution de ne pas prendre de bonnes résolutions. Parce que primo on ne les tient pas, et secundo on a mauvaise conscience de ne pas les tenir, donc c'est doublement contre-productif. Hier soir, pour le réveillon, il a fallu que je me démerde pour servir un truc sympa un peu au débotté, à l'arrache, avec ce que j'ai pu dénicher à la supérette du coin, préalablement pillée par d'autres retardataires juste un peu moins retardataires que moi. Déjà qu'ils n'ont pas des masses de choix en temps normal, là c'était un peu le Sud Soudan. Donc outre les entrées basiques, petits canapés agrémentés de garnitures sympas, j'ai préparé un truc un peu nouvelle cuisine, dont l'idée mes venue en furetant dans le rayon (bon, si ça se trouve, ça existe déjà, mais j'ai trouvé le truc, de mon côté, en faisant un jeu...

Trop de la Bal

 Bon, parmi les petits plaisirs angoumoisins, hormis les moments passés avec des amis et amies qu'on voit trop peu, hormis les bouteilles, hormis les expos d'originaux, il y a aussi fouiller dans les bacs. C'est ainsi que j'ai mis la main à vil prix sur un Savage Sword of Conan dans la collection Hachette. Je dois avoir dix ou douze de ces bouquins réimprimant au départ les aventures des années 70, publiées à l'époque en noir et blanc et en magazine, du célèbre Cimmérien de Robert E. Howard, souvent pris pour lire dans le train, quand j'en chopais un à la gare. Autant dire que ma collection est salement dépareillée. Mais comme ce sont à chaque fois des récits complets, ça n'a guère d'importance. En fait, c'est typiquement la série dans laquelle vous pouvez taper au pif sans trop de risque de déception.      Celui-ci, le n°5, je m'en voulais de l'avoir raté et je n'avais pas réussi à remettre la main dessus par la suite. Graphiquement y a...

Medium

 Un truc que je fais de temps en temps, c'est de la médiation culturelle. Ce n'est pas mon métier, mais je connais suffisamment bien un certain nombre de sujets pour qu'on fasse appel à moi, parfois, pour accompagner des groupes scolaires dans des expos, des trucs comme ça. Là, on m'a appelé un peu à l'arrache pour accompagner une animation interactive sur les mangas, et notamment les mangas de sport, avec des groupes de centres de loisirs. Bon, c'est pas ma discipline de prédilection, j'ai révisé un peu vite fait. Le truc, c'est qu'on m'en a causé la semaine passée. La personne qui devait s'en charger était pas trop sur d'elle. La mairie du coin (dans une banlieue un poil sensible) voyait pas le truc bien s'emmancher, la patronne d'une asso où je donne des cours l'a su, a balancé mon nom, m'a prévenu... Et c'en était resté là. Je restais à dispo au cas où. On m'a rappelé ce matin "bon, on va avoir besoin de t...

Crossover !

Filippo a bien suivi mes indications, et du coup, il y aura un crossover officieux entre Saint Louis et une de mes séries ! Ami lecteur, sauras-tu reconnaître le personnage qui s'est invité dans l'album ?

Numérologie

Tous les auteurs, je crois, ont leur petites coquetteries et afféteries d'écriture, des trucs auxquels ils tiennent et qui ne fascinent généralement qu'eux, et que personne ne remarque vraiment.   Bon, tout le monde a remarqué mes titres alambiquées sur la trilogie du Chien Noir , en allitération, reprenant la première phrase de chaque roman. C'était pour moi un moyen de me glisser dans des formes très anciennes, des codes de l'épopée, même si, fondamentalement, je ne sais pas si ces textes constituent en soi des épopées. Ils ont quelques moments épiques, je crois, mais ce n'en est pas la clé principale. Plus discret, il y a un jeu numérologique qui a émergé en cours de route. Mais reprenons : Trois Coracles, au départ, était conçu comme un one shot . Ce qui m'avait motivé, je l'ai déjà raconté, c'était l'histoire d'Uther, j'avais l'idée de transformer cette note en bas de page du récit arthurien en intrigue principale. Une fois le roman...

Dans notre grande série "la cuisine vaudou à travers les âges"

Aujourd'hui, comment découper une pizza maléfique sans se faire gauler par les esprits pas forcément très malins. J'aimerais par contre qu'on m'explique comment quelqu'un a pu arriver ici en tapant "électrocuté au fil à vaches" dans Google.

Après l'an un, et avant aussi

 C'est un gros cliché, pour parler d'une oeuvre ou d'un auteur, de dire "y a un avant et un après". Un cliché un peu à la con, un peu chiant, à force, et souvent faux, en plus, ou pas vrai de la façon dont les gens l'emploient. C'était un truc que j'évoquais dans ma grosse conf sur Lovecraft à Verdun, l'an passé. Bien sûr qu'il y a un avant et un après Lovecraft, c'est une évidence, mais pourtant, plein de trucs qui nous semblent spécifiques à Lovecraft et à sa joyeuse bande sont déjà présents avant, chez Hodgson, Machen, ou même Victor Hugo (je vous jure). Par contre, personne n'aurait eu l'idée saugrenue de rapprocher Hugo et Machen sans Lovecraft.   Dans l'après Lovecraft, y a l'asile Arkham, mais c'est pas notre sujet Et puis, il y a Frank Miller. Je ne reviendrai pas sur les travers du bonhomme, il en a un paquet, mais l'avant et l'après, là, on a une belle occasion de mettre le nez dedans. Urban a sorti r...