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Paradise Found

 Vous qui me lisez depuis longtemps, vous savez le peu de bien que je pense du diptyque Prometheus (auquel j'avais consacré deux articles, ici et ici) Alien : Covenant (dont je parlais ). Si ces deux films avaient d'indéniables qualités plastiques et fourmillaient d'idées intéressantes, je les trouvais néanmoins ratés pour diverses raisons.

 
Beaucoup de choses expliquent cet échec perçu. Une valse-hésitation lors de la production, empêchant de préciser jusqu'à tard le statut de ces films par rapport à la saga Alien, dont ils sont censés être le prologue, thématiques intéressantes, mais peut-être hors sujet, choix de montage parfois malheureux (les deux séquences de Covenant employées comme teasers promotionnels au lieu d'être intégrées au film, qu'elles auraient pourtant éclairé), etc.
 
Visiblement, je n'étais pas seul à avoir de grosses frustrations par rapport à ces films, à y voir des occasions gâchées. Un certain John Willins s'est carrément fendu d'une fan-edit appelée "Paradise".
 
 Une fan-edit, c'est un remontage de film par un fan, afin de le bidouiller et de le réparer. Exercice difficile s'il en est. Mais j'ai pris le temps d'aller y voir. Il a donc mixé les deux films pour n'en faire qu'un seul, d'environ deux heures et demie. Son idée était visiblement d'en faire l'histoire de David, l'androïde malveillant, et sa quête prométhéenne.
 
 

J'ai pris le temps de regarder ça l'autre soir, et j'ai trouvé son approche très intéressante. En ce centrant sur David, elle prend le taureau par les cornes et met en avant cet arc narratif couvrant les deux films. Et du coup, il fait le choix d'une double narration, mettant en parallèle l'expédition du Prometheus et, dix ans plus tard, celle du vaisseau colonie Covenant. C'est parfois relativement artificiel, mais à de nombreux moment, cela joue très efficacement sur les renvois entre les deux films.

Par ailleurs, pour faire tenir le tout dans un format pas trop colossal, il se livre à de nombreuses coupes. Et c'est là que ça devient vraiment très intéressant. Parce qu'il taille, le bougre. Et il taille principalement dans ce les passage obligés aliénisants des deux métrages, coupant des arcs narratifs entiers et pas mal de séquences gratuites et parfois bien stupides. Exit le géologue qui fait gouzi-gouzi bêtement à un serpent de l'espace, exit la tête coupée qui se réveille, exit la poursuite à la Bib-Bip et Vil Coyote entre le vaisseau qui tombe et les filles qui lui courent devant en ligne droite. Exit, dans Covenant, une partie des mises à mort, qui se déroulent en hors champ, en renforçant l'inquiétude sourde, et la baston sur le vaisseau grue, beaucoup trop démonstrative pour un Alien.

Parfois, ça allège le propos (mais on ne comprends plus l'attitude de Vickers, dont l'histoire est largement sabrée) et parfois, ça le clarifie. Surtout, ça vire plein de scories débiles ou de pistes narratives ouvertes par les versions initiales, mais mal refermées, ou expédiées. On est dans un cas de "less is more".

Surtout, ça rend l'ensemble bien plus intéressant et sans doute plus cohérent. Ce n'est pas exempt de défauts des originaux, et ça en rajoute quelques uns, mais à l'arrivée, ça donne presque un nouveau film qui, du coup, s'affranchit quasiment de la licence de base, et tient plutôt pas mal par lui-même.

Bref, j'ai passé un plutôt bon moment, et ça m'a lancé sur quelques pistes de réflexion en termes de narration, ce qui est toujours bon à prendre, en ces temps de Snyder Cut et autres (tiens, la Snyder Cut sera le sujet de mon prochain article pour Bruce Lit, à la rentrée, et je vais encore me faire plein d'amis).

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