Accéder au contenu principal

Le Totoro par les cornes

Mon voisin Totoro est devenu l'un des films les plus emblématiques d'Hayao Miyazaki et du studio Ghibli, au point que le bestiau leur sert à présent de logo. Complètement transgénérationnel, il supporte aussi bien la vision par des petits, qui s'identifient aux personnages, ou par des adultes, qui y voient un récit sur le rapport à l'enfance et à l'imaginaire, ainsi que sur le rapport à la nature, qui est un des thèmes récurrents de l'auteur.
Mais il est l'occasion également de se pencher sur le fond culturel qui l'a produit. 

 
Ça a changé, le terrier du lapin blanc…

Et c'est celui du Shintoïsme, la religion traditionnelle du Japon. Et qui dit Shinto dit animisme (et on explique généralement la passion des japonais pour les robots par leur animisme et la capacité associée à projeter leurs émotions sur des objets), mais surtout chamanisme. Et là, ça n'en a pas l'air, mais on est en plein dedans.
Pour situer, le chamanisme est probablement la forme la plus ancienne de religiosité connue de l'homme. La plupart des peintures rupestres de la préhistoire peuvent être interprétées dans une perspective chamanique.
Les principes en sont simples : il n'y a pas de barrière étanche entre le monde des esprits et le nôtre, et les phénomènes naturels et l'esprit de l'homme ne sont que des modalités d'un grand tout, des facettes d'une même réalité. Certaines entités savent se promener entre ces strates et ces méandres, et avec un entraînement approprié (souvent à base de champignons rigolos, mais aussi d'ascèse et de mortifications), un homme peut faire le voyage et tisser un lien entre les deux mondes, établir un dialogue permettant de faciliter la vie de ses camarades de tribu. Sous diverses formes, cela s'est pratiqué dans le monde entier et se pratique encore au Mexique, en Amazonie, en Sibérie ou en Australie.
Des restes de chamanisme perdurent dans des religions plus organisées : tout ce qui concerne les épreuves d'Odin et l'arbre du monde, chez les Vikings, porte la marque très nette des épreuves initiatiques et de la conception du monde des chamanes.
Le Shintoïsme japonais est dans ce cas-là. S'il s'est structuré avec le temps pour devenir une religion nationale, et non plus tribale comme un culte chamanique normal, il lui a fallu se doter de cadres, de grands mythes, d'une vision de la société qui n'étaient plus ceux de ses ancêtres. Pourtant, son animisme foncier le rend susceptible de résurgences qui nous semblent primitives (quand bien même l'eucharistie de la messe et le clocher sont susceptibles d'interprétations de ce genre, mais chut, faut pas le dire).
Mais revenons-en précisément à Totoro.
Ce long métrage raconte l'installation dans une vieille bicoque à la campagne d'une petite famille qu'on devine d'origine plutôt citadine. La maison est isolée et bâtie non loin d'un camphrier gigantesque, d'un arbre absolument colossal qui domine le paysage.
Rapidement, les deux petites filles vont prendre conscience de phénomènes étranges autour de la maison, et surtout de l'arbre, et la petite vieille qui habite non loin à l'air d'en savoir beaucoup plus à ce sujet qu'elle ne veut bien le dire.

 
D'ailleurs c'est pas pour dire, mais je lui trouve une petite mine, au lapin

Sur un démarrage de ce genre, Stephen King aurait pu nous faire un truc absolument terrifiant à base de vieux cimetière indien. Ce n'est pas le propos de Miyazaki, très loin de là.
Car si en Occident, deux mille ans de monothéisme nous on conduit à voir instinctivement les esprits locaux comme les âmes des morts ou des créatures malveillantes, ce n'est pas le cas dans la perception japonaise traditionnelle. Tout comme en Gaule ou à Rome chaque maison, chaque bosquet ou chaque source a son esprit tutélaire, l'arbre géant est en effet hanté, habité par quelque chose qui échappe à l'entendement des hommes ordinaires.
Quoique n'y croyant guère lui-même, le père donne à ses filles une technique pour se concilier les esprits du lieu : crier et rire, pour montrer que l'on n'a pas peur d'eux, et donc qu'on les accepte et qu'on demande à être accepté en retour (j'avais un oncle qui pratiquait une variante de la chose : quand il s'installait dans une nouvelle maison, généralement une vieille bicoque croulante, il parcourait les pièces vides nu comme un ver en hurlant, pour se présenter) (il avait fait de la forteresse pour insoumission, était parti s'installer dans un patelin de montagne pour y élever la poterie traditionnelle comme d'autres cultivaient le fromage de chèvre, et est mort il y a bien des années, le foie en déroute) (j'adorais ce bonhomme, qui me considérait pourtant comme un petit con) (fin du flashback).
C'est la plus petite des filles, au regard le moins formaté, qui va découvrir que sous l'arbre vit un… Un truc. Une bestiole énorme flanquée de congénères plus petits, qu'elle appellera Totoro (Troll prononcé à la japonaise, si j'ai tout bien compris).
Mais pour accéder au repaire de Totoro, il faut passer sous une arche végétale, sous une ouverture dans les buissons, et même en refaisant plusieurs fois le chemin on n'est pas sûr de l'y retrouver. Il faut avoir le regard et la conformation d'esprit qu'il faut.

 
Ne réveillez pas l'esprit qui dort

Mais la découverte de la petite n'en est pas une. Quand on fait le tour de l'arbre et de son bosquet, on y trouve un torii (un portail de bois marquant l'accès à un lieu sacré) donnant sur un petit autel aux esprits. L'endroit a donc été marqué de longue date comme habité par les esprits. La fillette n'a fait qu'y accéder par d'autres voies.
Mais il est bon de noter que le passage par le torii ne donne pas accès directement au domaine de Totoro. Il est par trop « officiel », et renvoie à une notion connue en Occident aussi : ce n'est pas forcément à l'église qu'il est le plus facile de trouver Dieu (et j'appellerais bien à la barre le Révérend Jesse Custer pour qu'il vous explique tout ça, mais Preacher est en cours de réédition alors vous pouvez creuser ça par vous-mêmes, aussi, sinon à quoi ça sert que Niko il se décarcasse ?).
L'arbre, revenons-y au passage. Les vieilles traditions campagnardes de type « arbre de mai » sont généralement mises sur le compte d'anciens « rites de fertilité » datant du paganisme polythéiste de l'Antiquité. Mais ces rites déjà anciens ont des racines plus anciennes encore : pour le chamane, l'image de l'axe du monde est fondamentale dans sa construction de l'univers, un axe qui est un arbre irriguant de sa sève les strates du monde et permettant, pour peu que l'on sache l'escalader, de circuler entre elles. L'image se retrouve aussi bien dans l'échelle de Jacob biblique que dans l'Yggdrasil des scandinaves, qui ont exactement le même sens. Le poteau auquel s'attachent les indiens des plaines en Amérique pour la Danse du Soleil aussi, et les souffrances physiques qu'ils s'infligent à cette occasion en démontrent bien la dimension chamanique pure et dure. Je parlerais bien aussi de la Croix comme arbre symbolique rouvrant par la souffrance l'accès au ciel, mais les gens vont finir par me jeter des pierres et me brûler sur la place du village.

 
"Montre-nous le chemiiiiin…"
(au choix, Jésus Reviens ou Dora l'Exploratrice)

Mais la différence fondamentale entre le chamanisme et nos modes de pensée, c'est bien sûr le rapport aux esprits. L'animisme reste au cœur de la pensée japonaise. L'animisme, c'est cette façon d'attribuer une âme aux bêtes et aux choses, un esprit d'une expression peut-être un peu différente du nôtre, mais fondamentalement de même nature, avec lequel on peut trouver à communiquer, même si c'est souvent à un niveau non verbal. Se poser sur ce terrain commun, c'est tout l'enjeu de la transe du chamane. Une fois que, par le biais de diverses techniques relevant parfois de l'autohypnose, parfois de la pharmacologie et parfois de la souffrance paroxystique (revoyez les mutilations que subit volontairement Odin pour accéder aux secrets de l'univers), il voyage en esprit et rencontre les esprits, dont il peut faire ses alliés. Pas ses familiers ni ses serviteurs, comme dans les formes dégradées de la sorcellerie médiévale, mais ses alliés, donc des partenaires avec lesquels il traite sur un pied d'égalité.
Bien entendu, les fillettes de l'histoire n'ont pas recours à ces techniques pour contacter les esprits. Mais pourtant, ce sont la solitude et le sommeil qui leur permettent d'établir le lien, et les techniques hypnotiques des chamanes ne visent à rien d'autre qu'à produire des rêves lucides et dirigés. Quand on retrouve la petite au cœur des buissons après sa première rencontre, elle dort. Quand le Totoro se manifeste à l'arrêt du bus, l'ennui et la nuit ont plongé les deux sœurs dans une torpeur. Et c'est alors qu'elles dorment qu'elles sont témoin de la grande démonstration de puissance naturelle de l'esprit, quand il fait pousser les plantes. Le voyage sur la toupie tournante est lui aussi chamanique par essence, renvoyant aux danses de transe (pratiquées également par les derviches de Turquie).

 
La nouba des chamanes

Cette démonstration est d'ailleurs bien plus spectaculaire vue du monde onirique, dans lequel ces plantes atteignent aux dimensions du camphrier sacré, car dans le monde réel les graines n'ont donné que de menues pousses. Mais qu'importe, cette création de vie bruissante à partir d'éléments secs est en soi un prodige, un de ces prodiges si banals que l'on n'y prend plus garde.
Il n'y a, dans le monde des esprits, pas de bien ni de mal. Il y a tout au plus des esprits plus ou moins bienveillants ou malveillants, et dans leur puissance ils peuvent tous être dangereux.
Le Totoro est porteur de cette neutralité fondamentale. S'il est plutôt bienveillant, il est quand même essentiellement indifférent aux actions des hommes, qu'il ne cherche pas particulièrement à rencontrer. Mais une fois la glace brisée, le rapport établi, il peut s'avérer dispensateur de discrets bienfaits, qui relèvent du rapport à la nature.
Même la concession à une forme de modernisme, le chat-bus, relève de symboles très anciens, ses multiples pattes renvoyant à des animaux véloces aux membres surnuméraires servant à propulser l'initié dans des hauteurs plus élevées encore du monde magique. Une fois encore, Odin vient à l'esprit, avec son cheval à huit pattes.

 
Je peux pas, je rentre à Levallois

Bien sûr, d'autres sortes d'esprits sont possibles, dans un tel contexte, mais ce n'est pas le projet de Mon voisin Totoro de les explorer. D'autres films de Miyazaki s'en chargent, comme Princesse Mononoke, dans lequel les esprits de la nature sont plus revendicatifs (et pour certains d'entre eux franchement malveillants, comme le sanglier infecté), ou le Voyage de Chihiro, avec sa plongée dans un monde des esprits beaucoup plus inquiétants, et peut-être infernal par nature. On peut rapprocher Chihiro et Totoro de ce classique occidental qu'est Alice au Pays des Merveilles, mais c'est se couper d'autres interprétations possibles, et pour les longs métrages de Miyazaki, et d'ailleurs aussi pour Alice (qu'Alan Moore à en son temps rapproché d'autres plongées dans des mondes imaginaires, comme Peter Pan ou le Magicien d'Oz).
C'est à une cartographie de ces bordures du réel que se livre parfois Miyazaki dans ses œuvres, à une introduction toute en finesse à des concepts traditionnels qui restent prégnants dans la culture de son pays. Ce n'est pas son seul thème de prédilection, mais il ressurgit sous diverses formes dans d'autres contextes (l'arbre-monde du Château dans le Ciel), montrant par là la manière dont ces conceptions irriguent et informent ses récits.

 
Faut qu'il arrête, Panoramix, avec ses glands magiques

Alors un lecteur un peu bas du front de tendance chrétien de droite à l'Américaine pourrait monter sur ses grands chevaux (rigolez pas, ils l'ont encore fait dernièrement pour expliquer que la Reine des Neiges façon Disney était de la propagande LGBT poussant les petites filles à faire leur coming-out) et s'offusquer que Totoro soit un film de propagande païenne. C'est voir le monde par le petit bout de sa propre lorgnette : l'évangélisation, cet effort de propagande et de diffusion de ses idées comme obligation du croyant est plutôt caractéristique du chrétien que du païen. Le film de Miyazaki ne cherche pas à faire une quelconque propagande d'idées, il est uniquement porteur d'une vision du monde telle qu'en elle-même, dans son jus traditionnel. C'est bien sûr encore trop pour des gens fermés sur des « vérités » absolues, qui vivent toute pensée alternative comme une attaque dirigée contre eux.
Mais Totoro n'est pas une attaque, ni même une démonstration ou un cours magistral, c'est juste l'exposition discrète d'un chemin, d'une approche, d'un regard.
D'une grille de lecture de l'univers que l'univers lui-même a tendance, en ces jours de technologie conquérante, à oublier.

Article publié sur Comics Sanctuary en 2015

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Back to back

 Et je sors d'une nouvelle panne de réseau, plus de 15 jours cette fois-ci. Il y a un moment où ça finit par torpiller le travail, l'écriture d'articles demandant à vérifier des référence, certaines traductions où il faut vérifier des citations, etc. Dans ce cas, plutôt que de glander, j'en profite pour avancer sur des projets moins dépendants de ma connexion, comme Mitan n°3, pour écrire une nouvelle à la volée, ou pour mettre de l'ordre dans de vieux trucs. Là, par exemple, j'ai ressorti tout plein de vieux scénarios de BD inédits. Certains demandaient à être complétés, c'est comme ça que j'ai fait un choix radical et terminé un script sur François Villon que je me traîne depuis des années parce que je ne parvenais pas à débusquer un élément précis dans la documentation, et du coup je l'ai bouclé en quelques jours. D'autres demandaient un coup de dépoussiérage, mais sont terminés depuis un bail et n'ont jamais trouvé de dessinateur ou d

Le Messie de Dune saga l'autre

Hop, suite de l'article de l'autre jour sur Dune. Là encore, j'ai un petit peu remanié l'article original publié il y a trois ans. Je ne sais pas si vous avez vu l'argumentaire des "interquelles" (oui, c'est le terme qu'ils emploient) de Kevin J. En Personne, l'Attila de la littérature science-fictive. Il y a un proverbe qui parle de nains juchés sur les épaules de géants, mais l'expression implique que les nains voient plus loin, du coup, que les géants sur lesquels ils se juchent. Alors que Kevin J., non. Il monte sur les épaules d'un géant, mais ce n'est pas pour regarder plus loin, c'est pour regarder par terre. C'est triste, je trouve. Donc, voyons l'argumentaire de Paul le Prophète, l'histoire secrète entre Dune et le Messie de Dune. Et l'argumentaire pose cette question taraudante : dans Dune, Paul est un jeune et gentil idéaliste qui combat des méchants affreux. Dans Le Messie de Dune, il est d

L'Empereur-Dieu de Dune saga l'autre

Hop, suite et fin des redifs à propos de Dune. Si jamais je me fends d'un "les hérétiques", ce sera de l'inédit. Le précédent épisode de notre grande série sur la série de Frank Herbert avait évoqué l'aspect manipulatoire de la narration dans  Dune , cette façon d'arriver à créer dans l'esprit du lecteur des motifs qui ne sont pas dans le texte initial. La manipulation est patente dans le domaine du mysticisme. Demandez à dix lecteurs de  Dune  si  Dune  est une série mystique, au moins neuf vous répondront "oui" sans ambage, considérant que ça va de soi. Il y a même des bonnes sœurs. C'est à s'y tromper, forcément. Et, un fois encore, le vieil Herbert (on oubliera charitablement le jeune Herbert et son sbire Kevin J. en personne) les aura roulés dans la farine. Dune  est une série dont l'aspect mystique est une illusion habile, un savant effet de manche. Certains personnages de la série sont mystiques. Certaines

Hail to the Tao Te King, baby !

Dernièrement, dans l'article sur les Super Saiyan Irlandais , j'avais évoqué au passage, parmi les sources mythiques de Dragon Ball , le Voyage en Occident (ou Pérégrination vers l'Ouest ) (ou Pèlerinage au Couchant ) (ou Légende du Roi des Singes ) (faudrait qu'ils se mettent d'accord sur la traduction du titre de ce truc. C'est comme si le même personnage, chez nous, s'appelait Glouton, Serval ou Wolverine suivant les tra…) (…) (…Wait…). Ce titre, énigmatique (sauf quand il est remplacé par le plus banal «  Légende du Roi des Singes  »), est peut-être une référence à Lao Tseu. (vous savez, celui de Tintin et le Lotus Bleu , « alors je vais vous couper la tête », tout ça).    C'est à perdre la tête, quand on y pense. Car Lao Tseu, après une vie de méditation face à la folie du monde et des hommes, enfourcha un jour un buffle qui ne lui avait rien demandé et s'en fut vers l'Ouest, et on ne l'a plus jamais revu. En chemin,

Vlad Tepes, dit Dracula

" Vous allez vous manger entre vous. Ou bien partir lutter contre les Turcs. " (Dracula, 1430 -1476) Dracula... Le surnom du prince des Valaques est devenu au fil du temps synonyme d'horreur et de canines pointues, principalement sous l'impulsion d'un écrivain irlandais, Bram Stoker, qui le dégrada d'ailleurs au point de le faire passer pour un comte, un bien triste destin pour un voïévode qui fit trembler l'empire qui faisait trembler l'Europe chrétienne. Tout se serait pourtant bien passé s'il n'avait pas été élevé à la cour du Sultan, comme cela se pratiquait à l'époque. En effet, il fut avec son demi-frère Radu otage des Turcs, afin de garantir la coopération de la famille, son père Vlad Dracul étant devenu par la force des choses le fantoche de l'envahisseur (le père se révolta pourtant et y laissa la vie. Mircea, le grand-frère, tenta le coup à son tour avec le même résultat. il est intéressant de noter que les otages

Le super-saiyan irlandais

Il y a déjà eu, je crois, des commentateurs pour rapprocher le début de la saga Dragonball d'un célèbre roman chinois, le Voyage en Occident (ou Pérégrination vers l'Ouest ) source principale de la légende du roi des singes (ou du singe de pierre) (faudrait que les traducteurs du chinois se mettent d'accord, un de ces quatre). D'ailleurs, le héros des premiers Dragonball , Son Goku, tire son nom du singe présent dans le roman (en Jap, bien sûr, sinon c'est Sun Wu Kong) (et là, y aurait un parallèle à faire avec le « Roi Kong », mais c'est pas le propos du jour), et Toriyama, l'auteur du manga, ne s'est jamais caché de la référence (qu'il avait peut-être été piocher chez Tezuka, auteur en son temps d'une Légende de Songoku ).    Le roi des singes, encore en toute innocence. Mais l'histoire est connue : rapidement, le côté initiatique des aventures du jeune Son Goku disparaît, après l'apparition du premier dr

Banzaï, comme disent les sioux dans les films de cape et d'épée

Hop, pour bien finir le mois, un petit coup de Crusades, tome 3 (non, on n'a pas encore déterminé le titre de l'épisode à ce stade). C'est toujours écrit par Nikolavitch (moi), Izu (lui) et dessiné par Zhang Xiaoyu (l'autre*). *je dis l'autre, parce qu'il existe aussi une Zhang Xiaoyu qui est un genre de star de l'internet en Chine pour des raisons de photos dévêtues, si j'ai bien tout compris)

Super-traumas de destruction massive

On le sait tous, pour peu qu'on ait un peu mis le nez dans les illustrés racontant les aventures de l'un ou l'autre super-slip combattant au nom de la vérité, de la justice ou de quoi que ce soit du même genre : leur origine est généralement lié à un traumatisme personnel plus qu'à l'obtention des pouvoirs. Pas de Spider-man s'interrogeant sur ses responsabilité sans la mort de l'Oncle Ben. Pas de Batman en croisade, sacrifiant sa vie dorée de milliardaire à une guerre sans fin sans l'agression subie par Thomas et Martha Wayne. Pas de Billy Butcher sans le viol de Rebecca et ses conséquences. (oui, bon, Butcher n'est pas exactement un super-héros, je sais). Pas de Docteur Strange sans la perte de sa dextérité de chirurgien qui l'a conduit à chercher des solutions drastiques et irrationnelles et à se remettre totalement en question sur le plan personnel. Pas de Wolverine en quête de lui-même sans les tripatouillages du projet

Magic Steve

« Par les hordes hurlantes d'Hoggoth et les mille lunes de Munoporr ! » Et dans un déluge psychédélique d'effets lumineux, le Docteur Strange se débarrasse d'une meute de goules gargantuesques. Puis il rentre dans son sanctuaire de Greenwich Village et le fidèle Wong lui prépare un bon thé vert qui draine bien partout où il le faut, parce qu'il faut garder la forme, n'est-ce pas.   Mais si l'on interrogeait un spécialiste des arts magiques (au pif, Alan Moore, qui de surcroît ne s'est à ma connaissance jamais exprimé sur Doctor Strange , c'est bien, je peux lui faire dire à peu près ce que je veux, du coup), il risque de nous répondre avec un ricanement amusé et très légèrement narquois (en ce qui concerne Alan Moore et ce qu'il pense des mages fictifs, vous pourrez avec profit vous reporter à ses déclarations concernant Harry Potter , et au sort qu'il fait subir à Harry dans le dernier tome de Century ). Et il aurait d'ailleurs raison.

Nietzsche et les surhommes de papier

« Il y aura toujours des monstres. Mais je n'ai pas besoin d'en devenir un pour les combattre. » (Batman) Le premier des super-héros est, et reste, Superman. La coïncidence (intentionnelle ou non, c'est un autre débat) de nom en a fait dans l'esprit de beaucoup un avatar du Surhomme décrit par Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra . C'est devenu un lieu commun de faire de Superman l'incarnation de l' Übermensch , et c'est par là même un moyen facile de dénigrer le super-héros, de le renvoyer à une forme de l'imaginaire maladive et entachée par la mystique des Nazis, quand bien même Goebbels y voyait un Juif dont le S sur la poitrine signifiait le Dollar. Le super-héros devient, dans cette logique, un genre de fasciste en collants, un fantasme, une incarnation de la « volonté de puissance ».   Le surhomme comme héritier de l'Hercule de foire.   Ce n'est pas forcément toujours faux, mais c'est tout à fait réducteu