Accéder au contenu principal

Destruction Derby

 Il manquait à mon tableau de chasse un grand classique en conaneries : Conan le Destructeur, suite mal aimée du film de John Milius, avec toujours Arnold Schwarzennator dans le rôle titre. J'avais dû le voir lors d'un passage télé du temps de ma jeunesse folle, et j'en avais oublié la plus grande partie, hormis la rencontre avec Grace Jones et le pétage de miroirs.


Il devenait donc urgent que je m'y frotte à nouveau, et c'est chose faite. J'aurais été malin, j'aurais revu ce film avant le Red Sonja/Kalidor dont je vous causait y a pas si longtemps. Mais bon, je n'ai pas été malin sur ce coup. Donc…

Donc, Conan the Destroyer, de Richard Fleischer, accessoirement le fils de Max du même nom, qui n'était pas un Mickey pour faire de la belle image qui bouge, ne jouit pas de la même réputation que l'épisode précédent.

Fleischer, rappelons-le, a beaucoup donné dans le film d'aventures en costume, bien premier degré, dont les Vikings avec Kirk Douglas. Il sait y faire, normalement. Et de fait, la scène d'ouverture avec la chevauchée, puis l'attaque des cavaliers, est de bonne tenue. Tout au plus regrettera-t-on une chorégraphie des combats assez sommaire, très vieux-jeu.

On apprend que Conan ne s'est jamais remis de la mort de Valeria, et est prêt à tout pour la revoir. Il tombe donc dans le piège d'une méchante reine qui l'envoie accompagner une princesse dans la quête d'une relique.

Tout cela est absolument classique, et après un premier épisode montrant comment Conan est devenu une sorte de héros, le voir accomplir des quêtes n'est pas absurde. Il est accompagné pour cela d'un voleur, Malak, qui sert de comic relief pataud et relou (il finira comme homme de main du Joker dans le Batman de 1989), et d'une guerrière sauvage, jouée par Grace Jones. On retrouve aussi le sorcier Akiro, et avec tout ça on a un groupe d'aventuriers à la Donjons et Dragons.

 

 Je crois qu'on peut difficilement faire plus emblématique

des années 80 que Grace Jones

Côté costumes, Ron Cobb n'est plus à la manoeuvre, et si son successeur sait s'en inspirer, casques et armes semblent beaucoup plus génériques. Et Conan se retrouve affublé par moments d'un slip en cuir qui… bon. D'un slip en cuir, quoi. Qu'il porte d'ailleurs parfois par-dessus son pantalon, comme tout surhomme qui se respecte. Par ailleurs, comme Schwarzie est assez mal dirigé, il a un côté benêt tout du long qui dessert également le personnage. C'est carrément dommage. D'autant qu'il parle beaucoup plus que dans le film précédent, et que pour le coup, ça le dessert. D'entrée.

Ça se laisse regarder, malgré un rythme bizarre, qui met l'accent sur l'action, mais une action pas assez bien chorégraphiée ni mise en scène pour être vraiment passionnante.

Le gros problème, c'est surtout la princesse. Vierge promise au sacrifice, elle est traitée comme si "vierge" signifiait obligatoirement "totalement nunuche". Et comme, en plus, elle est capricieuse, ça n'arrange rien. Si la scène où le pote voleur tente maladroitement de draguer la guerrière est un moment de gênance, elle inspire la princesse à faire de même avec Conan, et là on touche au sublime et au tragique dans le plan lamentable.

Bon, le personnage est moins irritant que le prince capricieux de Red Sonja, mais pas loin derrière.

L'intrigue est linéaire, choper la gemme n°1 pour récupérer la corne n°2 et la brancher sur la statue n°3 histoire d'accomplir le rituel prophétisé, avec des trucs que seule la nana peut choper (oui, les dieux sont vieux jeu et réac, ils préfèrent les vierges, tout ça), éléments qu'on retrouvera plus ou moins dans Red Sonja, d'ailleurs, avec le même risque de fin du monde si ça dérape. Le cinéma d'action a toujours eu la main lourde sur les enjeux, et c'est peut-être pour ça que j'aime bien John Wick, pour le coup. C'est plus sobre. Au niveau enjeux, je veux dire.

 
 Y a des séquences sympa, comme le combat contre l'homme singe à cape rouge (chipé à Rogues in the House, je pense), sympa jusqu'à ce que :
 


Bref. Tout n'est pas réussi, disons.

Mais… Mais franchement, le scénar est certes convenu, à base de la relique qui doit réveiller un dieu qui s'avère maléfique, avec à la clé une trahison, une tromperie, un sorcier moche, un autre sorcier moche, de la baston, des poursuites…

Le dieu est cool. Si en statue, c'est un éphèbe, une fois réveillé c'est un bidule affreux et vaguement lovecraftien. Et c'est donc cohérent, vu que Howard P.L. et R.E. Howard étaient potes. Donc ouais, encore un scénar en campagne D&D, avec un humour bas du front typique de la période.

La musique, c'est Poledouris qui rempile, et recycle pour partie ce qu'il avait fait précédemment. C'est cool. Et faut dire ce qui est, Fleischer, en vieux routier qu'il est, sait mettre en valeur les décors. Il sait faire du peplum, et c'est ce qu'il nous livre. Si le film a moins de fond que le Milius, il est convenablement mené, et ses défauts, à la finale, ne sont pas rédhibitoires.

J'en gardais un assez mauvais souvenir, que je corrige désormais. Arnold joue comme un quartier de barbaque la moitié du temps, son acolyte voleur est ridicule, mais… Y a du grand coup d'épée dans la gueule, des petites pépées accortement dévêtues, du temple maudit à inscriptions prophétiques et du monstre dégueulasse… C'est quand même bien meilleur que le Sonja sorti deux ans plus tard, par exemple.

Bref, j'aurais cru que j'en dirais plus de mal. Et en fait non. En cela, je suis presque déçu.

Je continue de creuser. Tiens, j'ai d'ailleurs trouvé une adaptation de "Pigeons from Hell" dans une série anthologique Boris Karloff présente. Je vais me relire la nouvelle et regarder ça, et je vous en recauserai un samedi soir qui vient.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

L’image de Cthulhu

J'exhume à nouveau un vieil article, celui-ci était destiné au petit livret de bonus accompagnant le tirage de tête de Celui qui écrivait dans les ténèbres , mon album consacré à H.P. Lovecraft. Ça recoupe pas mal de trucs que j'ai pu dire dans d'autres articles, publiés dans des anthologies ou des revues, mais aussi lors de tables rondes en festival ou en colloque (encore cet hiver à Poitiers). J'ai pas l'impression que ce texte ait été retenu pour le livret et du coup je crois qu'il est resté inédit. Ou alors c'est que je l'avais prévu pour un autre support, mais dans ce cas, je ne me souviens plus duquel. Tant pis, ça date d'il y a sept ou huit ans...   L’œuvre d’H.P. Lovecraft a inspiré depuis longtemps des auteurs de bandes dessinées. D’ailleurs, l’existence de nombreuses passerelles entre l’univers des pulps (où a officié Lovecraft) et celui des comic books n’est plus à démontrer, ces derniers empruntant une large part de leurs thèmes aux revue...

Nébulosités

 Ah, que je n'aime pas le cloud. Vraiment pas. Vous allez me dire, je suis un vieux encroûté dans ses petites habitudes de travail, ses sauvegardes à droite et à gauche, ses fichiers à portée de la main comme le tas d'or d'un dragon. Fondamentalement, c'est un portrait assez exact. Mais... Mais j'ai eu suffisamment de soucis de connexion pour être méfiant.   Et puis, y a les éditeurs qui bossent avec des ayants droits chiants. Ce qui fait que les documents de travail se retrouvent verrouillés sur des serveurs auxquels ont vous ouvre l'accès pour pouvoir bosser dessus. Et là, bien entendu, j'avais une très grosse traduction traitée comme ça. Je demande si on peut quand même m'envoyer une copie du pdf, histoire d'avoir un truc "en dur", et ça n'a pas été possible. Le document est ultra protégé. Et, ce matin, alors que le café finit de couler, j'ouvre le truc... Qui m'annonce que l'autorisation a expiré. Oui, apparemment il fal...

Le nouveau Eastern

 Dans mon rêve de cette nuit, je suis invité dans une espèce de festival des arts à Split, en Croatie. Je retrouve des copains, des cousins, j'y suis avec certains de mes rejetons, l'ambiance est bonne. Le soir, banquets pantagruéliques dans un hôtel/palais labyrinthique aux magnifiques jardins. Des verres d'alcools locaux et approximatifs à la main, les gens déambulent sur les terrasses. Puis un pote me fait "mate, mec, c'est CLINT, va lui parler putain !"   Je vais me présenter, donc, au vieux Clint Eastwood, avec un entourage de proches à lui. Il se montre bienveillant, je lui cause vaguement de mon travail, puis je me lance : c'est ici, en Dalmatie, qu'il doit tourner son prochain western. Je lui vante les paysage désolés, les déserts laissés derrière eux par les Vénitiens en quête de bois d'ouvrage, les montagnes de caillasse et les buissons rabougris qui ont déjà servi à toutes sortes de productions de ce genre qui étaient tellement fauchées ...

Ça gaze ?

 Pour diverses raisons, personnelles, je n'ai pas trop mis à jour cet espace. Mais, hier, alors que j'avais passé la soirée à être l'interprète de Guy Gavriel Kay lors d'une rencontre en librairie, et c'est un homme tout à fait charmant, en plus d'être un auteur dont certaines préoccupations recoupent dangereusement les miennes, une conversation sans rapport avec des lecteurs est tombée sur mon boulot dans Le château des étoiles.    Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, j'accompagne depuis l'origine l'excellente série d'Alex Alice, consacrée à la conquête des espaces éthériques sous le Second Empire. Alex m'a demandé de rédiger les bonus de la Gazette des étoiles , une prépublication au format journal (on retrouve désormais ces textes également dans l'intégrale débutée cet automne), puis ceux de l'édition grand format des albums, et enfin les textes de l'artbook sorti l'an passé. J'accompagne également le spin-off Les...

Another brick in the wall

Je causais y a quelques semaines de ça, dans une note sur Conan , de l'époque où Walt Simonson, connu notamment pour son excellent passage sur Thor dans les années 80, dont il donne une sorte d'épilogue pirate dans sa récente série Ragnarök, que je recommande assez, était tombé dans une pleine marmite de Druillet, tout comme son pote Jim Starlin (le papa de Thanos). Ça doit correspondre à l'époque où René Goscinny était allé démarcher des éditeurs US avec sous le bras des albums tirés de Pilote. Y avait du Mézières, du Moebius, et du Druillet. Et ça a complètement fait vriller pas mal de gens, même si Goscinny était rentré déçu, sans explosion de la publication d'auteurs franco-belges outre-Atlantique, le format de publication des oeuvres de chez nous n'existant tout simplement pas là-bas dans les années 70 (Starlin, encore lui, sera un peu plus tard un pionner de ce format "graphic novel" avec Death of Captain Marvel).  L'influence de Druillet (qui re...

L'iron Man de la Cannebière ?

 Dans mon rêve de cette nuit, j'étais en train de participer au tournage d'un film de guerre/catastrophe. Je faisais partie de l'équipage d'un véhicule blindé , bardé de mitrailleuses, opérant sur une côte. On était en ville, zigzaguant entre les voitures du quai, aux aguets. L'ambiance était vaguement post-nucléaire, les conducteurs avaient des gueules d'irradiés ou d'intervenants sur C-News, c'était moche en tout cas, ça puait la dégénérescence à plein nez. "Ça risque encore de péter" nous dit le lieutenant, joué par Matthew McConaughey. Inquiet, je regarde autour de moi, on est sur une voie des quais et soudain je vous l'eau enfler. Quelqu'un a déclenché un tsunami, peut-être à l'aide d'une bombe sous-marine. "Accrochez-vous, il va nous tomber dessus!" je hurle en me disant que ça va être la fin du film et qu'on aura droit à un freeze-frame juste avant que l'eau ne s'abatte sur nous, vaillants soldats al...

My mama said to get things done...

Je suis passé à Aurore Système, petit salon de SF organisé à Ground Control, à Paris, par la librairie Charybde. Je ne connaissais pas le lieu, que j'ai découvert et qui est très chouette. Je venais surtout pour une table ronde sur l'IA, qui est un des sujet importants de nos jours et déchaîne les passions, surtout sous sa forme "générative", les chat GPT, Midjourney et autres. Je me suis tenu un peu à l'écart de ces trucs-là, pour ma part. Je suis très méfiant (même s'il m'est arrivé d'employer Deep-L professionnellement pour dégrossir des traductions du français vers l'anglais, que je retravaillais en profondeur ensuite), parce que l'ai bien conscience du processus et des arrières pensées derrière. J'en ai déjà causé sur ce blog, ici et ici .  La table ronde réunissait trois pointures, Olivier Paquet, Catherine Dufour et Saul Pandelakis, qui ont écrit sur le sujet, et pas mal réfléchi. Lors des questions qui ont suivi, on a eu aussi une...

Un bouquin pour les gouverner tous

  Tiens, j'en avais pas encore causé parce que j'attendais que ce soit officialisé, mais le prochain Pop Icons portera ma signature et sur J.R.R. Tolkien (oui, je tente le zeugme acrobatique, je suis comme ça). Comme pour mon précédent, consacré à H.P. Lovecraft, il y aura une campagne de financement participatif , mais  on pourra aussi le trouver en kiosque et en librairie d'ici la fin du mois prochain. Je suis un peu moins pointu à la base en Tolkien qu'en Lovecraft, mais j'ai fait mes devoirs pour l'occasion, découvrant pas mal de trucs que je n'avais pas lus jusqu'alors, notamment ses correspondances. Voilà, foncez, pour Eorlingas, la Comté et tout le reste !    

De géants guerriers celtes

Avec la fin des Moutons, je m'aperçois que certains textes publiés en anthologies deviennent indisponibles. J'aimais bien celui-ci, que j'ai sérieusement galéré à écrire à l'époque. Le sujet, c'est notre vision de l'héroïsme à l'aune de l'histoire de Cúchulainn, le "chien du forgeron". J'avais par ailleurs parlé du personnage ici, à l'occasion du roman que Camille Leboulanger avait consacré au personnage . C'est une lecture hautement recommandable.     Cúchulainn, modèle de héros ? Guerrier mythique ayant vécu, selon la légende, aux premiers temps de l’Empire Romain et du Christianisme, mais aux franges du monde connu de l’époque, Cúchulainn a, à nos yeux, quelque chose de profondément exotique. En effet, le « Chien du forgeron » ne semble ni lancé dans une quête initiatique, ni porteur des valeurs que nous associons désormais à l’héroïsme. Et pourtant, sa nature de grand héros épique demeure indiscutable, ou en tout cas...

Le diable dans les détails

 La nouvelle série Daredevil, Born Again vient de commencer chez Disney, reprenant les mêmes acteurs que l'ancienne et développant des choses intéressantes, pour ce qu'on en voit jusqu'ici, faisant évoluer la relation entre Fisk et Murdock, le Kingpin étant désormais traité sous un angle plus politique, avec quelques coups de pieds de l'âne envers Trump et ses thuriféraires, ce qui après tout est de bonne guerre. J'étais un peu passé à côté de la vieille série, dont je n'avais pas vu grand-chose, mais je j'ai tranquillement rattrapé ces derniers temps, la réévaluant à la hausse.   Du coup, ça m'a surtout donné envie de me remettre aux comics. Daredevil, c'est un personnage que j'ai toujours bien aimé. Je me suis donc refait tous les Miller en une petite semaine. Hormis quelques épisodes, je n'avais pas relu ça d'un bloc depuis une bonne dizaine d'années. Ça reste un des runs fondamentaux sur le personnage, et tout ce qui vient après...