Accéder au contenu principal

En Thor

 Bon, j'avais pas entendu que du bien des Thor écrits par Donny Cates, dont j'ai récemment attaqué la lecture, et franchement je trouve ça pas si mal.

 

Alors, on va resituer un peu. Bon, Thor, si vous me lisez, vous devez avoir quelques notions : dieu nordique armé d'un marteau, dont les aventures ont été adaptées en comics de super-héros par Jack Kirby (c'est tellement pas un projet à Stan Lee qu'il délègue son frangin pour dialoguer les premiers épisodes) et qui constitue depuis un pilier de l'univers Marvel.

Donny Cates, c'est un scénariste qui a fait son trou en quelques années chez l'éditeur, et qui s'est plus ou moins spécialisé dans le versant cosmique des choses. Avant ce Thor, il a repris les Gardiens de la Galaxie, le Surfer d'Argent, et il a même fait une très bonne histoire de Thanos. C'est surtout son travail sur Venom qui l'a fait connaître, mais ça j'ai pas lu, je suis pas fan du personnage plus que ça, mais on m'a dit que c'était très bien, donc je tenterai un jour.

Notons qu'il a tendance à relier tout ce qu'il fait de façon plus ou moins subtile, et les personnages utilisés ou créés dans une de ses séries ont vite fait de se retrouver dans les autres. Ce n'est jamais appuyé lourdement, mais cela devient une espèce de fil conducteur.

Dans Thor, Cates a la lourde tâche de succéder à Jason Aaron, qui a animé le personnage pendant des années en lui faisant subir de multiples avatars (Thor  indigne, Thor manchot, Thor borgne, Thor femme, épreuves destinées mythiquement et symboliquement à le préparer à endosser la souveraineté d'Asgard, c'est assez malin de ce point de vue). Aaron a livré le run de référence pour longtemps et, on en a déjà un peu parlé, c'est difficile pour un auteur de passer derrière.

Cates est malin, et comprend parfaitement qu'un Thor devenu roi d'Asgard en succédant à son père se retrouve face à des responsabilités cosmiques bien plus profondes que ce qu'il avait pu affronter auparavant. Certes, la menace totale représentée par l'hiver final et la prophétie mortuaire ont un goût de déjà vu, puisque ce sont des motifs déjà présent dans les mythes servant de source à ce comic book, mais en ces matières, c'est le traitement qui fera l'histoire. Là, Cates revient aux bases de la série, en ramenant Galactus (dans les années 60, c'est dans Thor que Kirby choisit de développer le dévoreur de planètes, de façon à moins subir d'interférences de la part de Stan Lee).

Puis on évoque le destin d'Odin, et celui de Donald Blake. L'explication donnée sur ce dernier point n'est pas fondamentalement originale (on peut en retrouver les origines dans les Miracleman d'Alan Moore) (relu récemment, tiens, et c'est toujours aussi formidable) mais ce qu'il en fait est plutôt sympa, quoique vite plié. En notre époque de décompression narrative où les auteurs étirent des sagas jusqu'à l'absurde, l'histoire sur Blake semble presque expédiée, ne pas aller au bout de son potentiel. Peut-être à cause de son Deus ex Machina, totalement logique dans le contexte, mais... Pourtant, c'est une lecture agréable.

J'avance dans la suite, je n'ai pas tout le run, d'ailleurs, mais je passe un bon moment.


 

Pourquoi en parler, au fait ? Peut-être parce que, à l'instar de ce dont je parlais dernièrement à propos des Immortal Hulk d'Al Ewing, je note un gros tropisme post-moderne dans les comics actuels. Sans être franchement "meta", ils fonctionnent de plus en plus comme s'ils avaient assimilé leur propre logique combinatoire. Comme il devient de plus en plus difficile de proposer quelque chose de fondamentalement nouveau, on réinterprète l'ancien, en le remixant.

Cela a toujours été un peu le cas, lorsque les auteurs palliaient à un manque d'inspiration temporaire en faisant s'évader à nouveau le Joker ou revenir Fatalis, ou lorsqu'ils bâtissaient un récit entier pour réviser un point ancien qui leur semblait mal pensé. La chose semble pourtant avoir désormais quelque chose de construit ou délibéré. C'est le cas dans les Hulk évoqués plus haut, qui convoquent toute l'histoire de la série, y compris dans ce qu'elle a de plus disparate et incohérent, pour reconstruire un fil conducteur global (qui contredit peut-être un poil les autres fils conducteurs globaux construits par le passé, mais c'est dans la nature des comics, ça).

Ici, Cates joue à fond sur les aspects les plus cosmiques du personnage et les pousse. Mais sa situation nouvelle est un prétexte à évaluer son impact sur des motifs anciens (le marteau, Odin, Blake, Bill, les rapports avec Loki).

C'est peut-être le paradoxe des comics actuels. Plus que des décennies de continuité, ils reposent sur des décennies d'états successifs et de variations sur un thème. Sur une série comme Thor, d'autant plus balisée que son statu-quo de base est pour partie basé sur une source extérieure et immuable, la mythologie nordique, cette variation est d'autant plus nécessaire, et d'autant plus difficile.

Je crois même que c'est précisément cette prise de conscience (alors que sa série n'avait que quelque années), qui poussa Jack Kirby à la reformarter pour créer The New Gods.

Thor et Loki se cachent dans cette image d'un comics book DC

Sauras-tu les retrouver ?


Commentaires

laurent tacnet a dit…
pour hulk il est vrai que j' ai fini par m' apercevoir que le run de ewig ressemble à celui de jenkins qui ressemble à celui de david
et récemment en achetant un kang war période madone céleste des années 70 ou 80 je me suis aperçu que beaucoup d' éléments se retrouvait dans ma série préférée avengers forever ( la vraie de 97 ou 98 ) jusqu' à Libra en robe de bure
Alex Nikolavitch a dit…
comme je disais, sur des séries qui ont désormais une soixantaine d'années et une publication mensuelle, il faut
-se renouveler
-rester cohérent
-réparer les incohérence éventuelles des prédécesseurs
-essayer de raconter une histoire

ça devient compliqué.

Posts les plus consultés de ce blog

En repassant loin du Mitan

 Bilan de la semaine : outre un peu de traduction, j'ai écrit  - 20000 signes d'un prochain roman - 20000 signes de bonus sur le prochain Chimères de Vénus (d'Alain Ayrolles et Etienne Jung - 30000 signes d'articles pour Geek Magazine    Du coup je vous mets ci-dessous un bout de ce que j'ai fait sur ce roman (dans l'univers du Mitan, même si je n'ai plus d'éditeur pour ça à ce stade, mais je suis buté). Pour la petite histoire, la première scène du bouquin sera tirée, poursuivant la tradition instaurée avec Les canaux du Mitan, d'un rêve que je j'ai fait. Le voici (même si dans la version du roman, il n'y aura pas de biplans) . On n'est pas autour de la plaine, cette fois-ci, je commence à explorer le vieux continent :   Courbé, il s’approcha du fond. À hauteur de sa poitrine, une niche était obstruée par une grosse pierre oblongue qu’il dégagea du bout des doigts, puis fit pivoter sur elle-même, dévoilant des visages entremêlés. Une fo...

Sonja la rousse, Sonja belle et farouche, ta vie a le goût d'aventure

 Je m'avise que ça fait bien des lunes que je ne m'étais pas penché sur une adaptation de Robert E. Howard au cinoche. Peut-être est-ce à cause du décès de Frank Thorne, que j'évoquais dernièrement chez Jonah J. Monsieur Bruce , ou parce que j'ai lu ou relu pas mal d'histoires de Sonja, j'en causais par exemple en juillet dernier , ou bien parce que quelqu'un a évoqué la bande-son d'Ennio Morricone, mais j'ai enfin vu Red Sonja , le film, sorti sous nos latitudes sous le titre Kalidor, la légende du talisman .   On va parler de ça, aujourd'hui Sortant d'une période de rush en termes de boulot, réfléchissant depuis la sortie de ma vidéo sur le slip en fourrure de Conan à comment lui donner une suite consacrée au bikini en fer de Sonja, j'ai fini par redescendre dans les enfers cinématographiques des adaptations howardiennes. Celle-ci a un statut tout particulier, puisque Red Sonja n'est pas à proprement parler une création de Robert H...

Coup double

 Ainsi donc, je reviens dans les librairies le mois prochain avec deux textes.   Le premier est "Vortace", dans le cadre de l'anthologie Les Demeures terribles , chez Askabak, nouvel éditeur monté par mes vieux camarades Melchior Ascaride (dont vous reconnaissez dans doute la patte sur la couverture) et Meredith Debaque. L'idée est ici de renouveler le trope de la maison hantée. Mon pitch :   "Les fans d'urbex ne sont jamais ressortis de cette maison abandonnée. Elle n'est pourtant pas si grande. Mais pourrait-elle être hantée par... un simple trou dans le mur ?" Le deuxième, j'en ai déjà parlé, c'est "Doom Niggurath", qui sortira dans l'anthologie Pixels Hallucinés, première collaboration entre L'Association Miskatonic et les éditions Actu-SF (nouvelles).  Le pitch :  "Lorsque Pea-B tente un speed-run en live d'un "mod" qui circule sur internet, il ignore encore qu'il va déchainer les passions, un ef...

Le grand méchoui

 Bon, l'info est tombée officiellement en début de semaine : Les Moutons électriques, c'est fini. Ça aura été une belle aventure, mais les événements ont usé et ruiné peu à peu une belle maison dans laquelle j'avais quand même publié dix bouquins et un paquet d'articles et de notules ainsi qu'une nouvelle. J'ai un pincement au coeur en voyant disparaître cet éditeur et j'ai une pensée pour toute l'équipe.   Bref. Plein de gens me demandent si ça va. En fait, oui, ça va, je ne suis pas sous le choc ni rien, on savait depuis longtemps que ça n'allait pas, j'avais régulièrement des discussions avec eux à ce sujet, je ne suis pas tombé des nues devant le communiqué final. Qu'est-ce que ça veut dire concrètement ? Que les dix bouquins que j'évoquais plus haut vont quitter les rayonnages des libraires. Si vous êtes en retard sur Cosmonautes ! ou sur Le garçon avait grandi en un gast pay s, notamment, c'est maintenant qu'il faut aller le...

Le slip en peau de bête

On sait bien qu’en vrai, le barbare de bande dessinées n’a jamais existé, que ceux qui sont entrés dans l’histoire à la fin de l’Antiquité Tardive étaient romanisés jusqu’aux oreilles, et que la notion de barbare, quoiqu’il en soit, n’a rien à voir avec la brutalité ou les fourrures, mais avec le fait de parler une langue étrangère. Pour les grecs, le barbare, c’est celui qui s’exprime par borborygmes.  Et chez eux, d’ailleurs, le barbare d’anthologie, c’est le Perse. Et n’en déplaise à Frank Miller et Zack Snyder, ce qui les choque le plus, c’est le port du pantalon pour aller combattre, comme nous le rappelle Hérodote : « Ils furent, à notre connaissance, les premiers des Grecs à charger l'ennemi à la course, les premiers aussi à ne pas trembler d’effroi à la vue du costume mède ». Et quand on fait le tour des autres peuplades antiques, dès qu’on s’éloigne de la Méditerranée, les barbares se baladent souvent en falzar. Gaulois, germains, huns, tous portent des braies. Ou alo...

La pataphysique, science ultime

 Bon, c'est l'été. Un peu claqué pour trop mettre à jour ce blog, mais si j'en aurais un peu plus le temps que les mois précédents, mais là, justement, je souffle un peu (enfin presque, y a encore des petites urgences qui popent ici et là, mais j'y consacre pas plus de deux heures par jour, le reste c'est me remettre à écrire, bouger, faire mon ménage, etc.) Bref, je me suis dit que j'allais fouiller dans les étagères surchargées voir s'il y avait pas des trucs sympas que vous auriez peut-être loupés. Ici, un papier d'il y a déjà huit ans sur... la pataphysique.     Le geek, et plus encore son frère le nerd, a parfois une affinité avec la technologie, et assez souvent avec les sciences. Le personnage du nerd fort en science (alors que le « jock », son ennemi héréditaire, est fort en sport) est depuis longtemps un habitué de nos productions pop-culturelles préférées. Et, tout comme l’obsession du geek face à ses univers préféré, la démarche de la science ...

Send in the clowns

Encore un vieux texte : We need you to laugh, punk Y'avait un cirque, l'autre week-end, qui passait en ville. Du coup, on a eu droit aux camionnettes à hauts-parleurs qui tournaient en ville en annonçant le spectacle, la ménagerie et tout ça, et surtout aux affiches placardées partout. Et pour annoncer le cirque, quoi de plus classique qu'un portrait de clown, un bel Auguste au chapeau ridicule et au sourire énorme ? Démultiplié sur tous les murs de la ville, ce visage devient presque inquiétant. Un sourire outrancier, un regard masqué sous le maquillage, une image que la répétition rend mécanique. Ce sourire faux, démultiplié par le maquillage, voire ce cri toutes dents dehors, que le maquillage transforme en sourire, c'est la négation de la notion même de sourire. Le sourire, c'est une manière de communiquer, de faire passer quelque chose de sincère, sans masque. Un faux sourire, a fortiori un faux sourire maquillé et imprimé, fracasse cet aspect encor...

Aïe glandeur

Ça faisait bien longtemps que je ne m'étais pas fendu d'un bon décorticage en règle d'une bonne bousasse filmique bien foireuse. Il faut dire que, parfois, pour protéger ce qu'il peut me rester de santé mentale, et pour le repos de mon âme flétrie, je m'abstiens pendant de longues périodes de me vautrer dans cette fange nanardesque que le cinéma de genre sait nous livrer par pleins tombereaux. Et puis parfois, je replonge. Je repique au truc. De malencontreux enchaînements de circonstances conspirent à me mettre le nez dedans. Là, cette fois-ci, c'est la faute à un copain que je ne nommerai pas parce que c'est un traducteur "just wow", comme on dit, qui m'avait mis sur la piste d'une édition plus complète de la musique du film Highlander . Et qu'en effet, la galette était bien, avec de chouettes morceaux qui fatalement mettent en route la machine à nostalgie. "Fais pas le con, Niko ! Tu sais que tu te fais du mal !" ...

C Jérôme

 Ah, on me souffle dans l'oreillette que c'est la Saint Jérôme, en l'hommage au patron des traducteurs, et plus précisément des traducteurs qui se fâchent avec tout le monde, parce qu'il était très doué dans ce second domaine, le gaillard.   Jéjé par Léonard   Bon, après, et à sa décharge, c'est une époque où le dogme est pas totalement fixé et où tout le monde s'engueule en s'envoyant des accusations d'hérésie à la figure. À cette occasion, le Jéjé se montre plus polémique que traducteur et doit se défendre parce qu'il a aussi traduit des types convaincus ensuite d'hérésie. De nos jours, son grand oeuvre c'est la traduction latine de la Bible. Ce n'est pas la première du genre, mais c'est la plus précise de l'époque. Il s'est fondé notamment sur une version d'Origène (un des hérétiques qui lui vaudront des problèmes) qui mettait en colonnes six versions du texte, deux en hébreu et quatre en grec et fait des recherches de ...

Qu'ils sont vilains !

En théorie de la narration existe un concept important qui est celui d'antagoniste. L'antagoniste est un des moteurs essentiels de l'histoire, il est à la fois le mur qui bloque le héros dans sa progression, et l'aiguillon qui l'oblige à avancer. L'antagoniste peut être externe, c'est l'adversaire, le cas le plus évident, mais il peut aussi être interne : c'est le manque de confiance en lui-même de Dumbo qui est son pire ennemi, et pas forcément les moqueurs du cirque, et le plus grand ennemi de Tony Stark, tous les lecteurs de comics le savent, ce n'est pas le Mandarin, c'est lui même. Après, l'ennemi est à la fois un ennemi extérieur et intérieur tout en même temps, mais ça c'est l'histoire de Superior Spider-man et c'est de la triche.  Tout est une question de ne pas miser sur le mauvais cheval Mais revoyons l'action au ralenti. L'antagoniste a toujours existé, dans tous les récits du monde. Comme le s...