Accéder au contenu principal

Quand les lasagnes misent sur le mauvais cheval, pas étonnant que ça fasse un effet bœuf

Je profitais de mes transports pour rattraper un peu de retard dans ma consommation cinématographique et regarder le récent Conan le Barbare avec Jason Momoa. Il faut dire que je suis en plein dans la lecture Kull le roi barbare, et que j'ai un peu complété les comics, ces derniers temps, notamment de très bonnes choses scénarisées par Tim Truman, dont j'avais parlé ici-même il y a quelques temps.

Hop, là, vu comme ça, ça aurait pu être pas mal, quoi...


Je ne m'attendais pas à grand-chose, vu tout le mal qu'on m'en avait dit. Du coup, j'ai tenté de le regarder avec bienveillance, de passer sur ses défauts pour tenter d'en dégager les qualités. Dieu que j'essaie de l'aimer, ce film. Mais c'est quand même très dur.

L'acteur ne démérite pas. Si son jeu est parfois bien monolithique, il arrive à lui donner une certaine intensité, comme un étrange charisme. Quel dommage que malgré plein de bonne volonté, le scénario ne suive pas. Outre l'invention d'une mythologie achéronienne qui n'apporte rien à l'univers hyborien (au moins, le film avec Schwarzie faisait l'effort d'emprunter ses méchants à l'univers de Robert E. Howard, même si c'était à un autre cycle), le script se cantonne péniblement à une histoire de vengeance croisée qui en fait un remake pataud du film de Milius, mais avec des trous en prime, et une répétitivité assez lassante du dévoilement du héros à chaque fois qu'il se venge d'un méchant ("tu te souviens du village cimmérien ? ben c'était le mien, ha ha ah !" "nooooon").

Le rimmel, par contre, je sais pas si c'était indispensable

Ça, encore, ce ne serait pas bien méchant. Les auteurs font l'effort de faire des clins d'œils à la Tour de l'Eléphant ou à la Reine de la Côte Noire, c'est quand même méritoire. Les Pictes ont un côté iroquois qui fait sens avec la façon dont semblait les envisager Howard dans Au delà de la Rivière Noire. On a le droit aussi à un peu de tentaculade lovecraftienne, ce qui n'a rien d'incongru ici. Le scénar est certes couillon, mais après tout pas plus que celui de la majorité des blockbusters actuels, et pour le coup il est quand même un peu plus respectueux du matériau source que ne l'était le triste Solomon Kane d'il y a quelques années (avec un acteur qui, lui aussi, aurait pu être bien si on l'avait collé dans un bon film).

Par contre, c'est au niveau des production values que ça chie bien. Que l'ambiance générale soit celle d'une heroic fantasy somme toute assez générique, ce n'est pas absurde : Conan a donné le ton à la moitié du genre, il est quasiment la moitié du genre à lui tout seul. Mais néanmoins, l'ensemble donne une impression de collage de citations visuelles pas vraiment transcendées. Comme l'essentiel des décors est en image de synthèse un poil trop clinquante, cet effet de collage est encore plus évident. On sent bien qu'on est dans de la production de studio post Pirates des Caraïbes ou Chroniques de Riddick. La musique est une pure musique hollywoodienne générique elle aussi, et là, on se prend vraiment à regretter les envolées de Poledouris.

Et là, franchement, non, c'est juste vraiment trop pas possible

La spatialisation des lieux est souvent ridicule. Et les looks des personnages n'arrangent rien : surtout, on dirait que le directeur artistique de la chose ne connait de la barbarie que ce qu'il en croise dans les cabinets de tatouage / piercing de Venice ou de Pasadena. Alors à l'arrivée, on sent déjà que ça vieillira très mal, que c'est déjà hyper daté. Ça essaie tellement d'être cool que ça en devient gênant, comme un fils de bourge du seizième qui mettrait un survète de marque et commencerait à traiter ses profs de bolosses (riez pas, ça existe) (c'est vraiment triste à voir).

Alors voilà, je crois que c'est ça qui est tragique. J'ai juste un quart de siècle de trop pour pouvoir apprécier ce film. Et c'est d'autant plus dommage que le père Momoa est plutôt sympa en Conan.

Commentaires

Anonyme a dit…
Ah, flûte! À rattraper mon retard à rebrousse-fil, j'ai commenté plus haut sur le problème des costumes que tu évoques ici. Bon, ça montre au moins qu'on est d'accord. (Pour le reste, même si Momoa est pas mauvais, c'est quand même un concept bien neuneu de caster un gars qui fleure bon les îles des mers du Sud pour incarner un proto-Viking...)
Alex Nikolavitch a dit…
comme je l'ai dit ailleurs, y a une connerie de ma part : le coup d'Acheron est bien sorti d'un Conan de Howard. my bad.

Posts les plus consultés de ce blog

Un bouquin pour les gouverner tous

  Tiens, j'en avais pas encore causé parce que j'attendais que ce soit officialisé, mais le prochain Pop Icons portera ma signature et sur J.R.R. Tolkien (oui, je tente le zeugme acrobatique, je suis comme ça). Comme pour mon précédent, consacré à H.P. Lovecraft, il y aura une campagne de financement participatif , mais  on pourra aussi le trouver en kiosque et en librairie d'ici la fin du mois prochain. Je suis un peu moins pointu à la base en Tolkien qu'en Lovecraft, mais j'ai fait mes devoirs pour l'occasion, découvrant pas mal de trucs que je n'avais pas lus jusqu'alors, notamment ses correspondances. Voilà, foncez, pour Eorlingas, la Comté et tout le reste !    

De géants guerriers celtes

Avec la fin des Moutons, je m'aperçois que certains textes publiés en anthologies deviennent indisponibles. J'aimais bien celui-ci, que j'ai sérieusement galéré à écrire à l'époque. Le sujet, c'est notre vision de l'héroïsme à l'aune de l'histoire de Cúchulainn, le "chien du forgeron". J'avais par ailleurs parlé du personnage ici, à l'occasion du roman que Camille Leboulanger avait consacré au personnage . C'est une lecture hautement recommandable.     Cúchulainn, modèle de héros ? Guerrier mythique ayant vécu, selon la légende, aux premiers temps de l’Empire Romain et du Christianisme, mais aux franges du monde connu de l’époque, Cúchulainn a, à nos yeux, quelque chose de profondément exotique. En effet, le « Chien du forgeron » ne semble ni lancé dans une quête initiatique, ni porteur des valeurs que nous associons désormais à l’héroïsme. Et pourtant, sa nature de grand héros épique demeure indiscutable, ou en tout cas...

Unions, ré-unions, il en restera toujours quelque chose si on s'y prend pas comme des chancres

 Bon, j'en ai jamais fait mystère, mais j'ai tendance à faire savoir autour de moi que la réunionite est un peu le cancer de notre société moderne. Je supporte pas les grandes tablées où, passé l'ordre du jour ça oscille entre le concours de bite et la branlette en rond, pour des résultats concerts qui seraient obtenus en règle générale avec un mail de dix lignes.   éviter la Cogip   Quoi ? Oui, je suis inapte au simagrées du monde de l'entreprise moderne, chacun de mes passages dans des grands groupes m'a convaincu que c'étaient des carnavals de... non, aucun mot utilisable en public ne me vient. Et mes passages aux conseils d'administrations d'associations n'ont pas été mieux. Le problème, ce n'est même pas la structure, qu'elle soit filiale d'un truc caquaranqué ou petit truc local tenu avec des bouts de ficelle. Et pourtant, des fois, faut bien en passer par là, j'en ai conscience. Voir les gens en vrai, se poser autour d'une ...

Sweet sixteen

Bon, ayé, nous voilà en 2016, donc tous mes vœux à tous. Et comme bonne résolution de nouvel an, et comme les années précédente, j'ai pris la résolution de ne pas prendre de bonnes résolutions. Parce que primo on ne les tient pas, et secundo on a mauvaise conscience de ne pas les tenir, donc c'est doublement contre-productif. Hier soir, pour le réveillon, il a fallu que je me démerde pour servir un truc sympa un peu au débotté, à l'arrache, avec ce que j'ai pu dénicher à la supérette du coin, préalablement pillée par d'autres retardataires juste un peu moins retardataires que moi. Déjà qu'ils n'ont pas des masses de choix en temps normal, là c'était un peu le Sud Soudan. Donc outre les entrées basiques, petits canapés agrémentés de garnitures sympas, j'ai préparé un truc un peu nouvelle cuisine, dont l'idée mes venue en furetant dans le rayon (bon, si ça se trouve, ça existe déjà, mais j'ai trouvé le truc, de mon côté, en faisant un jeu...

Medium

 Un truc que je fais de temps en temps, c'est de la médiation culturelle. Ce n'est pas mon métier, mais je connais suffisamment bien un certain nombre de sujets pour qu'on fasse appel à moi, parfois, pour accompagner des groupes scolaires dans des expos, des trucs comme ça. Là, on m'a appelé un peu à l'arrache pour accompagner une animation interactive sur les mangas, et notamment les mangas de sport, avec des groupes de centres de loisirs. Bon, c'est pas ma discipline de prédilection, j'ai révisé un peu vite fait. Le truc, c'est qu'on m'en a causé la semaine passée. La personne qui devait s'en charger était pas trop sur d'elle. La mairie du coin (dans une banlieue un poil sensible) voyait pas le truc bien s'emmancher, la patronne d'une asso où je donne des cours l'a su, a balancé mon nom, m'a prévenu... Et c'en était resté là. Je restais à dispo au cas où. On m'a rappelé ce matin "bon, on va avoir besoin de t...

Crossover !

Filippo a bien suivi mes indications, et du coup, il y aura un crossover officieux entre Saint Louis et une de mes séries ! Ami lecteur, sauras-tu reconnaître le personnage qui s'est invité dans l'album ?

Numérologie

Tous les auteurs, je crois, ont leur petites coquetteries et afféteries d'écriture, des trucs auxquels ils tiennent et qui ne fascinent généralement qu'eux, et que personne ne remarque vraiment.   Bon, tout le monde a remarqué mes titres alambiquées sur la trilogie du Chien Noir , en allitération, reprenant la première phrase de chaque roman. C'était pour moi un moyen de me glisser dans des formes très anciennes, des codes de l'épopée, même si, fondamentalement, je ne sais pas si ces textes constituent en soi des épopées. Ils ont quelques moments épiques, je crois, mais ce n'en est pas la clé principale. Plus discret, il y a un jeu numérologique qui a émergé en cours de route. Mais reprenons : Trois Coracles, au départ, était conçu comme un one shot . Ce qui m'avait motivé, je l'ai déjà raconté, c'était l'histoire d'Uther, j'avais l'idée de transformer cette note en bas de page du récit arthurien en intrigue principale. Une fois le roman...

Trop de la Bal

 Bon, parmi les petits plaisirs angoumoisins, hormis les moments passés avec des amis et amies qu'on voit trop peu, hormis les bouteilles, hormis les expos d'originaux, il y a aussi fouiller dans les bacs. C'est ainsi que j'ai mis la main à vil prix sur un Savage Sword of Conan dans la collection Hachette. Je dois avoir dix ou douze de ces bouquins réimprimant au départ les aventures des années 70, publiées à l'époque en noir et blanc et en magazine, du célèbre Cimmérien de Robert E. Howard, souvent pris pour lire dans le train, quand j'en chopais un à la gare. Autant dire que ma collection est salement dépareillée. Mais comme ce sont à chaque fois des récits complets, ça n'a guère d'importance. En fait, c'est typiquement la série dans laquelle vous pouvez taper au pif sans trop de risque de déception.      Celui-ci, le n°5, je m'en voulais de l'avoir raté et je n'avais pas réussi à remettre la main dessus par la suite. Graphiquement y a...

Dans notre grande série "la cuisine vaudou à travers les âges"

Aujourd'hui, comment découper une pizza maléfique sans se faire gauler par les esprits pas forcément très malins. J'aimerais par contre qu'on m'explique comment quelqu'un a pu arriver ici en tapant "électrocuté au fil à vaches" dans Google.

Après l'an un, et avant aussi

 C'est un gros cliché, pour parler d'une oeuvre ou d'un auteur, de dire "y a un avant et un après". Un cliché un peu à la con, un peu chiant, à force, et souvent faux, en plus, ou pas vrai de la façon dont les gens l'emploient. C'était un truc que j'évoquais dans ma grosse conf sur Lovecraft à Verdun, l'an passé. Bien sûr qu'il y a un avant et un après Lovecraft, c'est une évidence, mais pourtant, plein de trucs qui nous semblent spécifiques à Lovecraft et à sa joyeuse bande sont déjà présents avant, chez Hodgson, Machen, ou même Victor Hugo (je vous jure). Par contre, personne n'aurait eu l'idée saugrenue de rapprocher Hugo et Machen sans Lovecraft.   Dans l'après Lovecraft, y a l'asile Arkham, mais c'est pas notre sujet Et puis, il y a Frank Miller. Je ne reviendrai pas sur les travers du bonhomme, il en a un paquet, mais l'avant et l'après, là, on a une belle occasion de mettre le nez dedans. Urban a sorti r...