Accéder au contenu principal

Le funko, c'est funky

Le cinéma mondial a ses grands genres, qui reviennent toujours et encore, parfois avec des éclipses, parfois modernisés. Le western dont on n'arrête pas de dire que c'est une chose du passé n'en finit pas de revenir toutes les quelques années. C'est pareil pour le peplum, remis au goût du jour avec une régularité parfois consternante (quand le goût du jour est vraiment mauvais). D'autres genres arborent en permanence une bonne santé insolente, comme le film de guerre, qui n'en finit pas de dénoncer les effets dramatiques de la folie meurtrière collective, ou qui l'exalte selon l'humeur du moment (et celle du spectateurs : je connaissais des types bien militaristes qui adoraient Platoon).

Et puis il y a des genres plus mineurs, qui naviguent presque sous le radar, qui font une bulle ici et là, de temps en temps, comme le film de bouffe. Moins spectaculaire que le film de guerre, le film de bouffe a du mal à créer une espèce d'ampleur que n'importe quoi sur le Débarquement au cours duquel de braves GI se font trucider par paquet de douze mille atteint facilement pour peu que le réal ait un budget. Un film sur une dame qui fait frire des tomates vertes ou sur un restaurateur qui fourre des ravioli en vue d'un quelconque grand soir n'a peut-être pas le même punch, en effet. Dommage, non ? Un grand réal qui arrive à me donner faim m'est toujours plus sympathique qu'un réal qui tente avec de grosses ficelles de me faire sortir mon mouchoir ou de me faire rentrer dans le crâne ce que je sais déjà, à savoir "quelle connerie, la guerre". (oui, j'adore Full Metal Jacket quand même, mais ce n'est pas le propos).

Mais si les valeurs étaient inversées ? Le film de bouffe véhicule des valeurs forcément plus positives. On a souvent dit que le modèle d'intégration (ethnique et sociale, d'ailleurs) à la française passait par la table. Mais de fait, c'est beaucoup plus général : les lois de l'hospitalité, ancestrales au point d'en être antédiluviennes passent très souvent par une ritualisation du manger. Partager son pain, tendre un verre, autant d'actes forts de fraternisation, ou en tout cas d'abolition du conflit, de contact non violent. Autant d'occasions de faire la paix que l'atomisation de l'espace alimentaire (et je ne parle pas que des prescriptions religieuses : régimes divers, véganismes et autres théories fumeuses sur la nocivité présumée de tel ou tel aliment participent d'une fragmentation de la société) est en train de détruire.

Dans une société idéale, c'est le film de bouffe qui devrait être le genre majeur, et pas le film de guerre.

Dans une société idéale, on aurait eu Un thon trop loin, sur les affres dûs à une cocotte de thon frelatée, La yaourtière du Yangtsé Kiang, sur une jeune femme qui tente d'apprendre le goût bulgare à des Chinois peu réceptifs, Margarita now, dans lequel Martin Sheen irait arracher une recette de pizza à Marlon Brando, Le pastrami brûle-t-il ?, avec une distribution de grand luxe, L'honneur d'un cuistot, de Pierre Schoendoerffer, sur un Vatel de notre temps,  La grande infusion, de Jean Renoir, avec Erich von Stroheim en maitre de thé, voire même le décapant Johnny s'en va-t-aux cuisines, de Dalton Trumbo, critique violente sur l'idéologie sous-tendant le guide Michelin.

Ce ne serait peut-être pas un monde meilleur que celui-là, mais au moins, un monde où il ferait meilleur vivre, allez savoir. En tout cas, un monde très différent.

Commentaires

JayWicky a dit…
Mais n'oublions jamais que le "36 chambres de Shaolin" du film de bouffe existe, et qu'il s'appelle "Le Festin Chinois". Que le "Dragon Ball" du dessin animé de bouffe existe, et qu'il s'appelle "Le Petit Chef". Que le "Il était une fois dans l'Ouest" du film de bouffe existe, et qu'il s'appelle "Tampopo" (oui, moi aussi je suis moins sûr pour le dernier, mais j'en avais marre de chercher des équivalences).

Et n'oublions pas non plus "L'Aile ou la Cuisse", qui, oui, est un film de Claude Zidi avec tout ce que cela peut impliquer de bon ou de mauvais, mais qui surtout reste hélas toujours d'actualité par son message sur la bouffe industrielle, et c'est pour ça qu'il ne faut pas l'oublier. Comme Mad Max.

Et n'oublions pas que quand on parle de bouffe, neuf fois sur dix, le connard de base (comme toi et moi, cher lecteur) va penser spontanément à La Grande Bouffe, alors que ce n'est pas vraiment un film qui parle de bouffe, c'est plutôt un film qui parle de mort.

Et enfin, n'oublions pas que nos concitoyens semblent tout à fait ouverts à l'idée qu'on leur parle de bouffe plutôt que de baston dans leur divertissement... à condition que ce soit de la télé-réalité à la con. Le succès de Master Chef et d'Un Dîner Presque Parfait en témoigne. De la bouffe, OK, tant qu'il y a aussi de la compétition, de la jalousie, enfin bref de la *vraie* violence dedans, quoi.

Parce que c'est bien connu, la violence psychologique entre de vraies personnes, c'est moins dangereux que la violence physique entre des personnages fictifs. Enfin, c'est ce que nous apprennent TF1 et M6.

Posts les plus consultés de ce blog

Dans la vallée, oho, de l'IA

 J'en avais déjà parlé ici , le contenu généré par IA (ou pour mieux dire, par LLM) envahit tout. Je bloque à vue des dizaines de chaînes par semaine pour ne pas polluer mes recommandations, mais il en pope tous les jours, avec du contenu de très basse qualité, fabriqué à la chaîne pour causer histoire ou science ou cinéma avec des textes assez nuls et des images collées au petit bonheur la chance, pour lequel je ne veux pas utiliser de bande passante ni perdre mon temps.   Ça me permet de faire un tri, d'avoir des vidéos d'assez bonne qualité. J'y tiens, depuis des années c'est ce qui remplace la télé pour moi. Le problème, c'est que tout le monde ne voit pas le problème. Plein de gens consomment ça parce que ça leur suffit, visiblement. Je suis lancé dans cette réflexion en prenant un train de banlieue ce matin. Un vieux regardait une vidéo de ce genre sans écouteurs (ça aussi, ça m'agace) et du coup, comme il était à deux places de moi, j'ai pu en ...

L’image de Cthulhu

J'exhume à nouveau un vieil article, celui-ci était destiné au petit livret de bonus accompagnant le tirage de tête de Celui qui écrivait dans les ténèbres , mon album consacré à H.P. Lovecraft. Ça recoupe pas mal de trucs que j'ai pu dire dans d'autres articles, publiés dans des anthologies ou des revues, mais aussi lors de tables rondes en festival ou en colloque (encore cet hiver à Poitiers). J'ai pas l'impression que ce texte ait été retenu pour le livret et du coup je crois qu'il est resté inédit. Ou alors c'est que je l'avais prévu pour un autre support, mais dans ce cas, je ne me souviens plus duquel. Tant pis, ça date d'il y a sept ou huit ans...   L’œuvre d’H.P. Lovecraft a inspiré depuis longtemps des auteurs de bandes dessinées. D’ailleurs, l’existence de nombreuses passerelles entre l’univers des pulps (où a officié Lovecraft) et celui des comic books n’est plus à démontrer, ces derniers empruntant une large part de leurs thèmes aux revue...

En avant, marche !

Ça faisait longtemps, non, les homélies du dimanche ? Faut dire que j'ai enchaîné des gros trucs depuis septembre. Vous avez déjà vu un des résultats avec le bouquin sur Tolkien, mais d'autres choses vont arriver. Bref, je remettais le nez dans les vieux textes, parce que ça fait pas de mal, des fois, quand on est surmené et que j'écoute aussi les conférences du Collège de France sur l'exégèse biblique et tout ça. C'est le genre de trucs qui me requinquent quand je fais une pause. Et forcément, ça remet en route le ciboulot. Les rouages grincent au début, mais...  Vous vous rappelez peut-être de ma vieille réflexion sur  le Dieu qui "se promenait dans le jardin au souffle du jour" , il y a déjà... pfou, trop longtemps. un petit Edmund Dulac, parce que bon c'est toujours bien, Dulac   J'aime bien cette image de la Genèse, avec son petit côté presque bucolique et très incarné, les restes d'une vision moins abstraite et moins cosmique de Dieu, une...

Corps ben

 À intervalles réguliers, je me retrouve à bosser sur Corben. J'avais traduit les deux Monde mutant (avec un pincement au coeur : un endroit du même nom, mais au pluriel, était ma librairie de comics préférée, du temps de ma jeunesse folle), puis Murky World , un récit supplémentaire pour Esprit des morts , son recueil inspiré d'Edgar Poe (il avait raison d'aller piocher là-dedans, je l'ai toujours dit, c'est dans le vieux Poe qu'on fait la meilleure... mais je m'égare).   Beaucoup plus récemment, j'ai fait le tome 3 de Den, Les enfants du feu , dont l'édition collector vient de sortir de presses et l'édition courante sera en librairie à la rentrée. Un peu plus tard, il y aura Dimwood , son tout dernier récit, achevé peu de temps avant sa mort. Je recommande assez, c'est complètement chelou, Dimwood . Alors, Corben, vous allez me dire, c'est chelou. Et vous aurez raison. Il y a toujours chez lui un caractère grotesque, boursouflé, quand l...

Le nouveau Eastern

 Dans mon rêve de cette nuit, je suis invité dans une espèce de festival des arts à Split, en Croatie. Je retrouve des copains, des cousins, j'y suis avec certains de mes rejetons, l'ambiance est bonne. Le soir, banquets pantagruéliques dans un hôtel/palais labyrinthique aux magnifiques jardins. Des verres d'alcools locaux et approximatifs à la main, les gens déambulent sur les terrasses. Puis un pote me fait "mate, mec, c'est CLINT, va lui parler putain !"   Je vais me présenter, donc, au vieux Clint Eastwood, avec un entourage de proches à lui. Il se montre bienveillant, je lui cause vaguement de mon travail, puis je me lance : c'est ici, en Dalmatie, qu'il doit tourner son prochain western. Je lui vante les paysage désolés, les déserts laissés derrière eux par les Vénitiens en quête de bois d'ouvrage, les montagnes de caillasse et les buissons rabougris qui ont déjà servi à toutes sortes de productions de ce genre qui étaient tellement fauchées ...

Ressortie

 Les éditions Delcourt ressortent Torso , un des premiers gros projets de Brian M. Bendis, avant qu'il ne devienne une star suite à ses travaux chez Marvel, Daredevil et Alias en tête, puis ne se crame les ailes à devenir grand manitou des Avengers et des X-Men . Bendis est très bon dans un domaine, celui du polar à échelle humaine, et beaucoup moins dans les grandes conflagrations super-héroïques. Torso , ça relève de la première catégorie. Je pense que c'est justement le genre de bouquin qui a conduit Joe Quesada à lui confier Daredevil , d'ailleurs, c'est là que l'auteur s'impose aux yeux de tous. Le sujet est chouette, déjà : une des premières grosses affaires de tueurs en série en Amérique, le tueur aux Torses (ou Boucher de Cleveland , dans la version romancée par Max Allan Collins, auteur dont j'ai déjà parlé dans le coin). Particularité, au moment des sinistres exploits du tueur, la sécurité publique de la ville vient d'être confiée au célèbre...

Fais tourner le juin

Bon, il est temps que je sorte un peu de mon bunker. Ça tombe bien, je suis invité à deux événements que je connais. Le samedi 31 mai et le dimanche 1er juin, je serai au Geek Up Festival des Clayes sous Bois (78). C'est dans un part, y a des animations, d'autres auteurs, j'aurai un peu de stock de mes bouquins chez les Moutons électriques, et normalement y aura des exemplaires du Pop Icons Tolkien.  Le dimanche 15 juin après-midi, je serai au Salon des auteurs du coin, à la péniche Story Boat de Conflans Ste Honorine (78). Super cadre, c'est très cosy et ça vaut le coup de passer même en coup de vent parce qu'il y a de belles balades à faire aux alentours. Voilà, c'est tout pour l'instant, je sais pas encore trop comment ça va se passer pour la suite, mes prochaines dates sont en octobre, à Marmande et à Limoges. Je vous tiens au courant d'ici là.

Le slip en peau de bête

On sait bien qu’en vrai, le barbare de bande dessinées n’a jamais existé, que ceux qui sont entrés dans l’histoire à la fin de l’Antiquité Tardive étaient romanisés jusqu’aux oreilles, et que la notion de barbare, quoiqu’il en soit, n’a rien à voir avec la brutalité ou les fourrures, mais avec le fait de parler une langue étrangère. Pour les grecs, le barbare, c’est celui qui s’exprime par borborygmes.  Et chez eux, d’ailleurs, le barbare d’anthologie, c’est le Perse. Et n’en déplaise à Frank Miller et Zack Snyder, ce qui les choque le plus, c’est le port du pantalon pour aller combattre, comme nous le rappelle Hérodote : « Ils furent, à notre connaissance, les premiers des Grecs à charger l'ennemi à la course, les premiers aussi à ne pas trembler d’effroi à la vue du costume mède ». Et quand on fait le tour des autres peuplades antiques, dès qu’on s’éloigne de la Méditerranée, les barbares se baladent souvent en falzar. Gaulois, germains, huns, tous portent des braies. Ou alo...

Nébulosités

 Ah, que je n'aime pas le cloud. Vraiment pas. Vous allez me dire, je suis un vieux encroûté dans ses petites habitudes de travail, ses sauvegardes à droite et à gauche, ses fichiers à portée de la main comme le tas d'or d'un dragon. Fondamentalement, c'est un portrait assez exact. Mais... Mais j'ai eu suffisamment de soucis de connexion pour être méfiant.   Et puis, y a les éditeurs qui bossent avec des ayants droits chiants. Ce qui fait que les documents de travail se retrouvent verrouillés sur des serveurs auxquels ont vous ouvre l'accès pour pouvoir bosser dessus. Et là, bien entendu, j'avais une très grosse traduction traitée comme ça. Je demande si on peut quand même m'envoyer une copie du pdf, histoire d'avoir un truc "en dur", et ça n'a pas été possible. Le document est ultra protégé. Et, ce matin, alors que le café finit de couler, j'ouvre le truc... Qui m'annonce que l'autorisation a expiré. Oui, apparemment il fal...

L'iron Man de la Cannebière ?

 Dans mon rêve de cette nuit, j'étais en train de participer au tournage d'un film de guerre/catastrophe. Je faisais partie de l'équipage d'un véhicule blindé , bardé de mitrailleuses, opérant sur une côte. On était en ville, zigzaguant entre les voitures du quai, aux aguets. L'ambiance était vaguement post-nucléaire, les conducteurs avaient des gueules d'irradiés ou d'intervenants sur C-News, c'était moche en tout cas, ça puait la dégénérescence à plein nez. "Ça risque encore de péter" nous dit le lieutenant, joué par Matthew McConaughey. Inquiet, je regarde autour de moi, on est sur une voie des quais et soudain je vous l'eau enfler. Quelqu'un a déclenché un tsunami, peut-être à l'aide d'une bombe sous-marine. "Accrochez-vous, il va nous tomber dessus!" je hurle en me disant que ça va être la fin du film et qu'on aura droit à un freeze-frame juste avant que l'eau ne s'abatte sur nous, vaillants soldats al...