Il y a quelques commerces dans ma rue. Pas des masses, mais un peu. Comme dans beaucoup de rues de nos jours, les locaux commerciaux sont de plus en plus squattés par des agences immobilières, cabinets d'assurances et autres trucs qui ne font pas beaucoup pour la vie d'un quartier. Mais le bar, les petits restaus, l'opticien, la fleuriste, le boulanger continuent à créer des espaces de socialisation, comme on dit. Une petite ambiance de voisinage. Alors oui, le quartier mute et évolue. Le dernier des brocanteurs a fermé il y a deux ans et a été remplacé par une espèce de truc associatif qui propose du service à domicile genre repassage (deuxième officine dans la rue, la première ayant elle aussi repris le local d'un brocanteur, d'ailleurs), le tailleur par un cabinet de piercing, le tout petit restau par une boutique de lingerie. Mais le changement n'est pas néfaste, tant qu'il continue à créer de la vie. C'est important, quand même, je trouve, des petits commerces. Sinon, autant aller s'installer à la campagne, quoi.
Et puis il y avait ce vieux bâtiment à la dérive, aux fenêtres barrées, à la façade en déroute, gris et moche. Et puis il y a quelques années, un promoteur s'est mis en tête de le retaper. Plein d'appartements redevenus salubres et habitables, une façade ravalée et soudain pimpante, et deux locaux commerciaux tout neufs. Le plus petit a été vite loué à un coiffeur chauve. L'autre, immense, restait inoccupé.
Et puis pouf, des camionnettes de travaux, plombiers, électriciens, peintres et autres. Et là, bruissements d'interrogations… Il y avait là la place de faire plein de trucs. Pas un libraire, hélas, parce qu'un libraire vient déjà d'ouvrir un peu plus loin, ce qui est très bien et comble un manque terrible dans ce centre ville. Probablement pas un coiffeur, pour la raison mentionnée plus haut. Mais on se demandait… Plein de trucs chouettes étaient possibles quand même… Un petit restau sympa, par exemple. C'est pas ça qui manque, mais vous savez ce que c'est, on n'en a jamais assez. Ou un snack. Ou une boutique alimentaire quelconque, genre boucher, traiteur, légumier, poissonnier… Ou un marchand d'ustensiles de cuisine, pour remplacer celui qui a fermé l'année dernière à l'autre bout du quai, tiens.
La grande terreur, c'était qu'il y ait là encore une agence immobilière, ou un vendeur de téléphones mobiles, ou une agence bancaire. Là, c'était le scénario catastrophe. Il y a déjà trop de tout ça partout, et spécialement dans le coin.
J'étais resté enfermé toute la journée à bosser. Et puis, ce soir, je suis sorti quand même deux minutes pour aller chercher un truc pour le dîner chez le Chinois du coin (un monsieur tout à fait charmant, en plus, toujours souriant, rigolo, et qui en plus fait de la bonne bouffe). Et je suis passé devant le local vide. Et là, il y avait un panneau levant enfin le mystère. Tout excité, j'ai lu tout le détail de ce qui était prévu, de cette nouveauté dans le quartier.
On craignait un truc nul. Et puis, avec le sens de l'ironie qui le caractérise, le destin en a décidé autrement.
Il a réussi à trouver un truc PIRE.
Un cabinet de diététicienne.
Dans un superbe local commercial comme ça. Un cabinet de coaching en style de vie alimentaire. Avec plein de petites pilules miracles perlimpimpinesques diverses pour névrosés du miroir de la salle de bain. Le bureau de distribution de fatwah boustifaillesques façon Dukon. L'usine à anorexiques stressées, la fabrique de mauvaise conscience culinaire. Le chapitre local des nazis des assiettes. La succursale de la famine pour gens qui gagnent pourtant de quoi manger à leur faim.
L'horreur totale et absolue.
J'ai repris deux fois des nems, du coup.
Et puis il y avait ce vieux bâtiment à la dérive, aux fenêtres barrées, à la façade en déroute, gris et moche. Et puis il y a quelques années, un promoteur s'est mis en tête de le retaper. Plein d'appartements redevenus salubres et habitables, une façade ravalée et soudain pimpante, et deux locaux commerciaux tout neufs. Le plus petit a été vite loué à un coiffeur chauve. L'autre, immense, restait inoccupé.
Et puis pouf, des camionnettes de travaux, plombiers, électriciens, peintres et autres. Et là, bruissements d'interrogations… Il y avait là la place de faire plein de trucs. Pas un libraire, hélas, parce qu'un libraire vient déjà d'ouvrir un peu plus loin, ce qui est très bien et comble un manque terrible dans ce centre ville. Probablement pas un coiffeur, pour la raison mentionnée plus haut. Mais on se demandait… Plein de trucs chouettes étaient possibles quand même… Un petit restau sympa, par exemple. C'est pas ça qui manque, mais vous savez ce que c'est, on n'en a jamais assez. Ou un snack. Ou une boutique alimentaire quelconque, genre boucher, traiteur, légumier, poissonnier… Ou un marchand d'ustensiles de cuisine, pour remplacer celui qui a fermé l'année dernière à l'autre bout du quai, tiens.
La grande terreur, c'était qu'il y ait là encore une agence immobilière, ou un vendeur de téléphones mobiles, ou une agence bancaire. Là, c'était le scénario catastrophe. Il y a déjà trop de tout ça partout, et spécialement dans le coin.
J'étais resté enfermé toute la journée à bosser. Et puis, ce soir, je suis sorti quand même deux minutes pour aller chercher un truc pour le dîner chez le Chinois du coin (un monsieur tout à fait charmant, en plus, toujours souriant, rigolo, et qui en plus fait de la bonne bouffe). Et je suis passé devant le local vide. Et là, il y avait un panneau levant enfin le mystère. Tout excité, j'ai lu tout le détail de ce qui était prévu, de cette nouveauté dans le quartier.
On craignait un truc nul. Et puis, avec le sens de l'ironie qui le caractérise, le destin en a décidé autrement.
Il a réussi à trouver un truc PIRE.
Un cabinet de diététicienne.
Dans un superbe local commercial comme ça. Un cabinet de coaching en style de vie alimentaire. Avec plein de petites pilules miracles perlimpimpinesques diverses pour névrosés du miroir de la salle de bain. Le bureau de distribution de fatwah boustifaillesques façon Dukon. L'usine à anorexiques stressées, la fabrique de mauvaise conscience culinaire. Le chapitre local des nazis des assiettes. La succursale de la famine pour gens qui gagnent pourtant de quoi manger à leur faim.
L'horreur totale et absolue.
J'ai repris deux fois des nems, du coup.
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