Assez épaté par l'histoire du sous-marin perdu en allant chercher le Titanic. Le truc était tellement mal branlé et le milliardaire concepteur tellement enthousiaste que ça a quelque chose de fascinant.
(note, à l'heure où je poste ces lignes, il doit leur rester une heure d'oxygène si le bazar a pas déjà implosé) (mais je serais très surpris qu'ils s'en sortent)
Parce que du coup, plein d'interviews du mec sortent. Dont celle où il dit "mon truc est incoulable", le journaliste lui répond "c'est pas ce qu'on disait du Titanic, à l'époque ?" et le milliardaire, ça le fait marrer.
Je crois que c'est ça le drame avec ces gens-là. Ils pensent que leur pognon valide leur intellect. D'ailleurs, récemment, un type a proposé de remplacer le test de Turing sur les IA par un autre où on confie mille balles à une IA et on mesure le temps qu'il lui faut pour en gagner un million en plaçant la somme en bourse.
Surtout, l'interview qui pique bien, c'est celle où notre sous-marinier du dimanche explique ne pas être passé par un certificateur, parce que ça coûte des ronds et que les règlements et normes sont tellement contraignants que ça lui cassait les miches.
Donc il est parti avec un hublot non certifié pour les profondeurs où il va, il pilote le truc avec une manette de Playstation sans fil ni aucune redondance, il n'y a aucun moyen d'ouvrir le truc de l'intérieur (donc s'ils parviennent à refaire surface mais ne sont pas repérés rapidement, les passagers étouffent quand même) et je suis certain qu'il y a des trucs qu'on ne sait pas encore. Tout en facturant le billet 250.000 dollars, il a été au plus cheap pour tout.
On est bien loin du vieil Hammond et de son "j'ai dépensé sans compter" (et même lui son machin lui a pété à la figure, souvenez-nous).
Les gars se prennent pour de nouveaux Lindbergh. On s'en souvient, celui-ci n'avait pas pris de parachute parce qu'il ne comptait pas tomber. En vrai, il savait qu'il volerait au ras des vagues pour économiser le carburant, et donc que le parachute serait inutile en cas de pépin. Il préférait consacrer ce poids à plus de carburant. Il y avait un calcul précis du bénéfice-risque, ce que les gars d'aujourd'hui feignent d'oublier, ou ne comprennent tout simplement pas. (que Lindbergh ait été par ailleurs un sérieux connard n'est pas notre sujet du jour).
Sérieux, les types se prennent pour des héros de comics
alors qu'en fait ils sont caricaturaux comme des méchants de dessins animés
Par ailleurs, les autorités sont en train de déployer des moyens considérables dans les opérations de secours. Et là, on tombe sur l'hypocrisie fondamentale de ces types-là. Même pas le fait que ces moyens n'ont pas été déployés lors du dernier naufrage de migrants (70 morts ?), mais le fait que les milliardaires qui trouvent injuste le peu d'impôts qu'ils payent et se plaignent des régulations sont dépendants de secours payés par nos impôts à nous lorsqu'ils se plantent pour avoir contourné les régulations. (tiens, c'est Musk, dernièrement, qui a bousillé le pas de tir du Starship parce qu'un système de protection lui semblait dispendieux et peu utile).
Et même comme ça, faute d'écoutilles et de systèmes au normes, il n'est pas évident que les robots et appareils déployés puissent faire grand-chose, même s'ils les retrouvent. Un garde-côte l'a dit : « ce submersible n’a pas été conçu pour être sauvé. »
Il y a un côté profondément darwinien là-dedans. Rappelez vous ce membre de la famille Dassault qui s'était tué en hélico parce qu'il ne voulait pas marcher dans la bouillasse avec ses chaussures au prix invraisemblable.
Sachant aussi que les milliardaires sont les plus gros pollueurs de la planète, j'y vois une espèce de signe, une tentative désespérées des lois naturelles et de la providence pour rectifier le tir.
L'argent dans ces quantités-là rend-il con ? Le mythe de la prise de risque par les milliardaires est-il biaisé ?
Vous avez deux heures.
PS : Alors oui, on n'est pas censé rire de gens qui meurent. Mais la différence avec des migrants poussés par le désespoir, c'est que là, on est face à des gens tellement imbus de leur personne et tellement déglingués par leur théorie managériale du leadership et de la confiance en soi, qu'ils ricanent lorsqu'on les met en garde et méprisent les gens qui pourraient les sauver.
Pour les migrants, on est dans une chose terrible et terriblement prévisible. C'est l'essence de la tragédie, une invention des Grecs. Pour les milliardaires, ils disposaient d'un autre mot, au sens très précis, et totalement adapté ici : hubris.
Commentaires
les "qui aurait pu prévoir ?"
Oui, y a comme une parenté philosophique profonde.
Puis le rapport du BEA lorsqu'il est sorti.