J'ai chopé dernièrement un bouquin qui m'avait été conseillé… je ne sais plus par qui. j'avais dû relever la ref dans un article que j'ai lu, ou sur un podcast d'historiens, ou dans une bibliographie. Aucune importance. J'ai chopé le bouquin, Arthuriana par Thomas Green. C'est une compilation d'articles autour du Roi Arthur et surtout de la problématique des sources arthuriennes. Sujet qu'on a déjà évoqué au moins deux fois dans ces colonnes depuis le début de l'année. Là, c'est de l'historiographie. J'ai commencé à le lire hier, en prenant un train, et c'est une baffe. Mais une majeure. Modèle Guillaume de Nogaret, si vous situez un peu.
Bref. D'entrée de jeu, en moins de quarante page, le mec pose une pétition de principe redoutable : pour s'interroger sur l'Arthur historique, il ne faut pas partir des sources "historiques" (notamment l'Historia Brittonum) et remonter en arrière pour voir s'il y a des traces, mais prendre les sources les plus anciennes dans l'ordre chronologique. Son idée est d'éviter les biais de confirmation. (genre une source du 10ème siècle dit que la Bataille du Mont Badon a été gagnée par Arthur, une du 8ème qu'elle a été gagnée par Ambrosius, donc le vrai Arthur s'appelait Ambrosius, ce qui est une analyse rétroactive et assez fragile).
Sa conclusion : pendant les deux siècles qui ont suivi l'époque où aurait dû vivre Arthur, on dispose de sources, mais qui sont toutes de nature légendaire. Elles évoquent un genre de super-héros qui, avec ses joyaux compagnons, bute des géants et des dragons. Puis, à partir du 9ème siècle apparaissent des mentions d'un Arthur combattant les Saxons. Le Arthur combattant des envahisseurs humains n'apparaît jamais avant.
La démonstration est imparable, et très solide sur le plan épistémique. (bon, ça fait pas mes affaires, vu que je suis en train d'écrire un roman arthurien cherchant à approcher d'un contexte historique précis)(ça n'a aucune importance, en fait, vu que je suis auteur de fiction et pas historien, je fais ce que je veux, mais ça me met dans une position intéressante), mais toujours, dans ces cas-là, j'essaie d'imagine le bonhomme qui la formule.
On sent que le type a bossé le sujet. Qu'il l'a creusé. L'amplitude temporelle des articles montre que d'une certaine façon, il y consacre sa vie, au roi Arthur. Donc qu'il y a dû y avoir une fascination de jeunesse pour cette figure. Mais ce que je lis entre les lignes, dans son texte, c'est cette espèce d'honnêteté intellectuelle, de se confronter aux faits dans ce qu'ils ont de plus nus, pour autant qu'on puisse extraire des faits de sources aussi fragiles que la littérature et les chroniques du haut moyen-âge. On aimerait tous que le Roi Arthur ait existé. Ou, s'il n'était pas roi mais dux bellorum, comme le décrivent les sources "historiques" les plus anciennes (mais postérieures d'au moins trois siècles aux faits dont elles sont censées parler), qu'il y ait un bonhomme sur lequel ont ait brodé la légende. Le type examine ses sources avec rigueur, et tombe sur cette conclusion là : Arthur était une créature légendaire comme Balder, Sigfried ou Cuchullain, et les notations "réalistes" ajoutées a postériori n'y changent rien.
Prouver l'inexistence de son sujet d'étude est en soi un résultat scientifique, et donc une forme de victoire de la part de celui qui arrive à cette conclusion. Mais une victoire qui laisse un goût un peu doux-amer, qui laisse un vide derrière elle, une forme d'insatisfaction fondamentale.
Bref. D'entrée de jeu, en moins de quarante page, le mec pose une pétition de principe redoutable : pour s'interroger sur l'Arthur historique, il ne faut pas partir des sources "historiques" (notamment l'Historia Brittonum) et remonter en arrière pour voir s'il y a des traces, mais prendre les sources les plus anciennes dans l'ordre chronologique. Son idée est d'éviter les biais de confirmation. (genre une source du 10ème siècle dit que la Bataille du Mont Badon a été gagnée par Arthur, une du 8ème qu'elle a été gagnée par Ambrosius, donc le vrai Arthur s'appelait Ambrosius, ce qui est une analyse rétroactive et assez fragile).
Sa conclusion : pendant les deux siècles qui ont suivi l'époque où aurait dû vivre Arthur, on dispose de sources, mais qui sont toutes de nature légendaire. Elles évoquent un genre de super-héros qui, avec ses joyaux compagnons, bute des géants et des dragons. Puis, à partir du 9ème siècle apparaissent des mentions d'un Arthur combattant les Saxons. Le Arthur combattant des envahisseurs humains n'apparaît jamais avant.
La démonstration est imparable, et très solide sur le plan épistémique. (bon, ça fait pas mes affaires, vu que je suis en train d'écrire un roman arthurien cherchant à approcher d'un contexte historique précis)(ça n'a aucune importance, en fait, vu que je suis auteur de fiction et pas historien, je fais ce que je veux, mais ça me met dans une position intéressante), mais toujours, dans ces cas-là, j'essaie d'imagine le bonhomme qui la formule.
On sent que le type a bossé le sujet. Qu'il l'a creusé. L'amplitude temporelle des articles montre que d'une certaine façon, il y consacre sa vie, au roi Arthur. Donc qu'il y a dû y avoir une fascination de jeunesse pour cette figure. Mais ce que je lis entre les lignes, dans son texte, c'est cette espèce d'honnêteté intellectuelle, de se confronter aux faits dans ce qu'ils ont de plus nus, pour autant qu'on puisse extraire des faits de sources aussi fragiles que la littérature et les chroniques du haut moyen-âge. On aimerait tous que le Roi Arthur ait existé. Ou, s'il n'était pas roi mais dux bellorum, comme le décrivent les sources "historiques" les plus anciennes (mais postérieures d'au moins trois siècles aux faits dont elles sont censées parler), qu'il y ait un bonhomme sur lequel ont ait brodé la légende. Le type examine ses sources avec rigueur, et tombe sur cette conclusion là : Arthur était une créature légendaire comme Balder, Sigfried ou Cuchullain, et les notations "réalistes" ajoutées a postériori n'y changent rien.
Prouver l'inexistence de son sujet d'étude est en soi un résultat scientifique, et donc une forme de victoire de la part de celui qui arrive à cette conclusion. Mais une victoire qui laisse un goût un peu doux-amer, qui laisse un vide derrière elle, une forme d'insatisfaction fondamentale.
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