Tiens, le 22 août, c'est le "Ray's Day", hommage à Ray Bradbury, dont c'est l'anniversaire de la disparition, et que de bonnes âmes ont décidé de consacrer à la lecturen ce qui est une bonne idée : Fahrenheit 451 nous semblait farfelu, mais dernièrement, en Californie, des fachos ont tenté d'organiser un autodafé, et la censure du livre se fait plus insidieuse par ailleurs.
Et l'idée, c'est la gratuité de la lecture. Donc je me suis dit que j'allais mettre une nouvelle en ligne. Ce n'est pas un inédit (mais j'en ai quelques uns dans mes tiroirs, peut-être que je les mettrai aussi en ligne à l'avenir, si vous êtes assez nombreux à les demander), ni une nouveauté (il date d'une petite quinzaine d'années) et il est court (sur un blog, c'est quand même plus pratique). Voilà voilà, Happy Ray's Day à tous !
Et l'idée, c'est la gratuité de la lecture. Donc je me suis dit que j'allais mettre une nouvelle en ligne. Ce n'est pas un inédit (mais j'en ai quelques uns dans mes tiroirs, peut-être que je les mettrai aussi en ligne à l'avenir, si vous êtes assez nombreux à les demander), ni une nouveauté (il date d'une petite quinzaine d'années) et il est court (sur un blog, c'est quand même plus pratique). Voilà voilà, Happy Ray's Day à tous !
Réveil
Alex Nikolavitch
Première publication
dans Fantask 1, éditions Semic
J’essaie de bouger.
Pas évident. Les
articulations ont du mal à se dé-gripper. Il me faut attendre un
peu, que je me réchauffe. Chaque réveil est pire que le précédent.
Je suis froid. Il fait trop froid. Et mes circuits ont besoin de plus
en plus de temps pour chauffer. Cette sensation doit ressembler à ce
que les humains appellent “avoir la tête dans le cul le matin”.
Je n’ai jamais compris l’image, mais j’en viens à comprendre
l’idée.
Un peu tard,
peut-être.
Un peu d’énergie me
revient, le temps que les câblages la transmettent à puissance
nominale. Il n’ont pas été prévus pour fonctionner dans ces
conditions.
L’horloge m’indique
un chiffre aberrant. D’après elle, j’ai dormi trois siècles.
Ridicule. Le froid a dû avoir raison de ce délicat cristal qui est
son âme. Trois siècles. Insensé. Les secours ne devraient plus
tarder, de toute façon. Au moins pour compter les morts.
Je me relève
péniblement. Les ordinateurs de la station ne démarrent plus.
Pourtant le générateur était en parfait état la dernière fois
que je l’ai vérifié. Un de ces micro-piles nucléaires destinées
à durer des années. Le froid a sans doute soudé un relais
électro-mécanique. Le pire hiver qu’on ait subi dans le secteur.
La fenêtre me montre une étendue gelée sous un ciel uniformément
plombé. Du jamais vu dans cette portion de désert. Peut-être une
conséquence paradoxale du réchauffement climatique, qui sait ? Si
l’ordinateur marchait, je lancerais une requête sur le réseau
pour avoir des informations à ce propos.
Mes circuits sont
complètement chauds, à présent. A part un parasitage sur
l’oculaire gauche, tout fonctionne correctement.
Je sors.
Mes pieds métalliques
s’enfoncent dans la neige. J’inspecte le corps de bâtiment.
Cette lézarde n’étais pas là, la dernière fois. L’accident a
dû causer des dommages structurels aux fondations pour que le
bâtiment se détériore si vite.
Un lichen mutant
pousse sur certains murs. Conséquence de la radio-activité, sans
doute. Elle a pourtant beaucoup baissé depuis mon précédent
réveil.
Je pousse jusqu’aux
silos. Le cratère est toujours là, disparaissant à demi sous une
épaisse couche de neige. C’est ici que l’accident a eu lieu. Une
explosion nucléaire imprévue, un de nos missiles qui a dû avoir
une mal-fonction. Mes collègues humains ont été tués sur le coup.
Ils s’inquiétaient depuis plusieurs semaines déjà. Mais pas pour
des raisons techniques. ils auraient dû, pourtant.
Non, ils ne
discutaient que de tension internationale, des sujets que je ne
comprenais pas. De la fédération est-asiatique. Des colères d’un
président. Des provocations en Afrique. J’ai été créé pour
entretenir le système informatique de la base, pas pour comprendre
ces passions humaines. Mes collègues se disaient en première ligne.
Ils étaient un objectif prioritaire. J’ignore pour qui, et à quel
propos.
Et puis l’accident a
tout remis en cause. Mes collègues attendaient un ordre du président
d’un instant à l’autre. Et les silos ont explosé. J’ai essayé
de comprendre ce qui s’était passé. La seule trace qui reste,
c’est un message d’alerte transmis par un satellite
d’observation, message coupé en cours de route. Quand les secours
arriveront, ils me donneront plus d’éléments pour comprendre. La
procédure est comme ça : en cas d’accident, je suis là pour
témoigner, rapporter les faits. C’est à présent ma mission :
maintenir la base en état jusqu’à ce que les secours arrivent. Et
me souvenir de tout.
Je remets mes circuits
en veille pour économiser l’énergie. Le système devrait me
réveiller dans trois jours, à moins que l’horloge ne fasse à
nouveau des siennes.
Sauf si les secours me
ré-activent avant, bien sûr.
Ils ne devraient plus tarder, maintenant.
Ils ne devraient plus tarder, maintenant.
Commentaires
Avec des illustrations d'un certain Jean-Marc Lainé !