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Chronique des années de Peste, livre 11

 Ça fait plusieurs fois que je vois passer un élément de langage particulièrement moisi. Des gens notent en feignant de s'indigner qu'en moins d'un an on a réussi à mettre au point un vaccin prometteur contre le Covid, mais qu'en 40 ans, on n'y soit pas parvenu sur le Sida.

 

On peut à bon droit être surpris de la rapidité avec laquelle plusieurs labos ont proposé des solutions vaccinales pour la crise actuelle. Notons au passage, d'ailleurs, qu'on en est encore qu'au stade de l'annonce. Les études n'ont pas été publiées à ce jour, on ne dispose pas encore des chiffres bruts pour évaluer en profondeur les résultats promis.

La vérité, c'est que la mise au point d'un vaccin, n'importe lequel, est un processus notoirement long. Ce qui a permis d'avancer plus vite, ici (hormis quelques étapes mineures grillés, au prix d'une surveillance accrue de certains paramètres), c'est que Covid-19 n'est qu'un représentant parmi d'autres d'une grande famille virale. Sur laquelle pas mal de labos travaillent depuis des années, suite notamment aux poussées épidémiques d'il y a dix ans, moins sérieuses que celle qui nous a pourri l'année, mais suffisamment pour que des labos se penchent dessus.

Du coup, pas mal de stratégies ont pu être explorées en dix ans. Il n'y a qu'à y adapter les spécificités du nouveau virus. Mine de rien, ça gagne du temps.

Beaucoup de questions se posent encore, notamment la durée de la réponse immunitaire induite par le vaccin (à une époque où l'on peut pousser à quinze ans la capacité d'un vaccin à vous protéger du Tétanos, on n'est pas certains que le vaccin Covid nous confère même six mois d'immunité).

Et l'immunité, c'est la clé de tout le truc. Vous me direz, c'est normal, c'est à ça que sert un vaccin, à programmer l'immunité de la personne qui le reçoit.

Mais c'est là qu'on doit parler de la différence fondamentale entre le Sida et le Covid.

Dans le Covid, ce qui tue est pour une large part la réponse immunitaire délirante qu'il induit chez certains malades. En tentant de tuer le virus par tous les moyens, les globules blancs attaquent également les organes. C'est parce qu'on a compris ça et qu'on donne désormais de la cortisone (ce qui est assez contre-intuitif au départ dans des syndromes de type grippaux, et encore faut-il ici la donner au bon moment, ni trop tôt, ni trop tard) dans les cas les plus inquiétants qu'on a divisé par deux le nombre de morts entre les deux vagues. Le vaccin, en déclenchant au plus tôt la réponse, devrait la lisser avant la phase virulente.

Le Sida, au contraire, tue en annihilant la réponse immunitaire du malade. Ce qui va poser problème, derrière, ce sont toutes les infections opportunistes qui vont s'engouffrer dans la brèche. La difficulté de toute stratégie vaccinale, dans ce cas-là, tient au fait que l'action du vaccin est sapée d'emblée au moment de l'infection. Si cette difficulté majeure n'est probablement pas insoluble par elle-même, elle a néanmoins compliqué toutes les tentatives visant à développer un vaccin. C'est pour ça que la stratégie thérapeutique visant à baisser la charge virale a été fructueuse (c'est ainsi que fonctionnent les trithérapies développées il y a une vingtaine d'années et affinées depuis) alors que, dans le cas du Covid, elle s'est avéré jusqu'ici être une impasse.

Comme en toute chose, il convient de comparer ce qui est comparable, et de comprendre sur quels critères cela a un sens.

Prenez soin de vous et des gens qui vous entourent.

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