Bon, mon prochain roman a atteint aujourd'hui les 300.000 signes, ce qui est à peu près la taille que faisait L'Île de Peter. Et il est loin d'être bouclé, le bougre. Je pense qu'il culminera à 450.000 signes, voire 500.000, ce qui le rapprocherait du format d'Eschatôn.
Curieusement, je n'en ai pas encore écrit la fin, contrairement à mon habitude. Les grandes lignes en sont déjà tracées, bien sûr, mais je me réserve la possibilité de prendre quelques chemins et canaux de traverse. C'est déjà le cas, d'ailleurs : le narrateur de la portion que je vous donne à lire aujourd'hui était un personnage assez secondaire au départ, dont j'ai fini par étoffer le rôle, histoire de multiplier encore un peu plus les points de vue (ce sera un roman choral, un patchwork de textes très différents les uns des autres, comme le sera un autre bouquin que je prépare, un recueil de nouvelles à fil conducteur dans lequel on trouvera pèle-mêle coupures de journaux, récits de voyages, rapports psychiatriques et témoignages à l'eau de rose, ça va être très drôle et très bien).
Bref, j'en arrive au point où j'aurais dû être en février-mars dernier, de ce roman, mais le destin et une offre professionnelle qui tombait à pic en ont décidé autrement. Mais là, ça fait trois mois que j'ai retrouvé un bon rythme d'écriture. Tant mieux.
Un petit extrait (encore au stade de méchant premier jet) pour la route :
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Curieusement, je n'en ai pas encore écrit la fin, contrairement à mon habitude. Les grandes lignes en sont déjà tracées, bien sûr, mais je me réserve la possibilité de prendre quelques chemins et canaux de traverse. C'est déjà le cas, d'ailleurs : le narrateur de la portion que je vous donne à lire aujourd'hui était un personnage assez secondaire au départ, dont j'ai fini par étoffer le rôle, histoire de multiplier encore un peu plus les points de vue (ce sera un roman choral, un patchwork de textes très différents les uns des autres, comme le sera un autre bouquin que je prépare, un recueil de nouvelles à fil conducteur dans lequel on trouvera pèle-mêle coupures de journaux, récits de voyages, rapports psychiatriques et témoignages à l'eau de rose, ça va être très drôle et très bien).
Bref, j'en arrive au point où j'aurais dû être en février-mars dernier, de ce roman, mais le destin et une offre professionnelle qui tombait à pic en ont décidé autrement. Mais là, ça fait trois mois que j'ai retrouvé un bon rythme d'écriture. Tant mieux.
Un petit extrait (encore au stade de méchant premier jet) pour la route :
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Au bout d’une décade, je
distingue une aspérité sur l’horizon, que je signale à ma
compagne, tout fier de ma découverte.
« Oui, me répond-elle.
C’est le premier tertre, tout comme Salvi est la dernière ville de
quelque importance dans cette région. Là commence le Mitan Profond.
— Et… C’est très
différent du Mitan… normal ?
— De l’Henriade,
voulez-vous dire ? Nous nous y trouvons techniquement encore, mais
c’est plus désert à partir d’ici. Il y a ensuite une petite
colonie minière, une trentaine d’âmes perdues qui extraient du
cuivre, et deux comptoirs de chasseurs de fourrure,
Mais après cela il y a deux
décades de route avant Fort Duquain et le Messagah. En théorie,
c’est la bas que commence réellement le Mitan Profond, mais ce
n’est pas l’avis des coureurs de plaine. »
Fort Duquain, voici encore un
nom qui revient souvent dans mes lectures. Les revues le décrivent en
général comme un antre de vice et de violence, un comptoir lointain
hors de portée de la loi des hommes. Mais le Mitan que je découvre
est tellement différent de ce que j'en ai lu que la perspective de pousser jusque-là ne
m’inquiète plus. Au contraire, ma curiosité s’en trouve
d’autant plus piquée.
Ce soir-là, je regarde la
silhouette du tertre se découper sur un ciel de feu, puis se fondre
peu à peu dans l’obscurité. Là encore, je me fais une image
précise et sans doute erronée de la chose ; ces amoncellements
sont, selon les auteurs, les lieux de rituels barbares allant
jusqu’au sacrifice humain, ou des portails menant vers l’ailleurs.
En fin de matinée, quand nous
arrivons à son pied, je ne peux m’empêcher d’être déçu.
Érodé par les éléments, il a fini par s’ébouler à moitié, et
il ressemble dès lors à une colline aux terrasses un peu régulières
d’un côté, et pentue et accidentée de l’autre. Le tout
disparaît pour partie sur les herbes folles.
Je propose de l’escalader
pour voir. Suzanne hausse les épaules et me tend la longue vue.
« Je vous attend en bas.
Et rendez-vous utile, essayez de profiter de la hauteur pour repérer
le capitaine. »
Il me faut plus d’une
demi-heure pour parvenir en haut. Quand je peux enfin souffler,
debout sur ce qu’il reste de la plateforme supérieure, c’est
pour voir s’étendre à mes pieds toute l’immensité du Mitan. Je
devine à l’est la blancheur des monts Tinchuk, pointant tout juste
au-dessus de l’horizon, et à l’ouest quelques deux à la
platitude, collines solitaires comme oubliées là par un dieu
distrait.
Sur ma gauche, le canal barre
la plaine, presque rectiligne, brillant sous le soleil.
J’explore la plaine à la
lunette, sans rien trouver. Pourtant, le secteur dans lequel est
susceptible de se trouver le capitaine est réduit. Nous relevons
plusieurs fois par jour des traces de son cheval, et il ne semble pas
chercher à nous semer. Il ne s’éloigne jamais beaucoup du canal,
seul point de repère fiable entre le tertre et les collines
lointaines. Il se dépare en deux un peu plus loin, son embranchement partant droit au sud.
Un point sur cette partie du canal attire
justement mon attention.
« Nom du Prince… »
Je dévale la pente en
manquant de me tuer à plusieurs reprises.
J’arrive en bas, hors
d’haleine.
« Suzanne !
Suzanne ! Il y a une péniche sur le canal !
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