"Nous vîmes un pays tel que nous pensâmes que c'était une porte du froid de l'enfer qui s'ouvrait devant nous à cet endroit."
(Ibn Fadlan, 890 ? - 950 ?)
La connaissance des peuples anciens prend parfois de curieux détours pour traverser les siècles. On se souviendra que les Hittites n'étaient jusqu'à il y a quelques décennies qu'un peuple obscur mentionné en passant par la Bible, dont les archéologues ne découvrirent que sur le tard la puissance et la haute culture.
Les vikings Rûs, qui étaient en fait Suédois, nous sont connus par leurs réalisations, et par le fait d'avoir inventé la Russie, mais leur culture est moins documentée que celle de leurs cousins de Norvège, qui parlaient une autre langue, et dont l'Islande et le Danemark conservèrent pieusement le patrimoine via des auteurs comme Snorri Sturluson ou Saxo Grammaticus.
On sait que les Suédois fournissaient à Byzance sa garde impériale, qu'ils avaient ouvert de nombreuses routes commerciales le long de la Volga, mais les épitaphes runiques qu'ils laissaient à la mémoire de leurs camarades tombés ne nous renseignent guère, pas plus que les chroniques des princes de Kiev, car quand elles furent rédigées, les Rûs étaient déjà devenus des Russes.
Un des documents d'époque les plus intéressants les concernant était censé au départ s'intéresser avant tout aux Bulgares de la Volga, et est le fait d'un diplomate venu de Bagdad, Ahmed Ibn Fadlân, chargé de négocier de nouvelles routes commerciales évitant le royaume des Khazars, considérés comme trop proches politiquement des Byzantins. Curieux de tout, tenant sans doute aussi à informer le Calife des mœurs des peuples rencontrés, Ibn Fadlân nous livre le seul témoignage direct des rites funéraires des Rûs.
D'ibn Fadlân, on ne connaît pas grand-chose d'autre que ce qui est dit dans sa Relation du voyage chez les Bulgares. Officiellement secrétaire de l'ambassadeur envoyé par Bagdad, il semble bien que ce soit lui qui ait mené les négociations. On peut supposer que cette efficacité lui ait valu la considération et la faveur du Calife, mais en fait, personne n'en sait rien.
La connaissance des peuples anciens prend parfois de curieux détours pour traverser les siècles. Un diplomate dont la mission était de la plus haute importance, qui modifia durablement les rapports de force dans les régions au Nord du Caucase, ne reste lu que parce que, au détour d'un voyage, il fut témoin de la crémation d'un cheffaillon viking dont l'histoire n'a d'ailleurs pas retenu le nom…
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