Accéder au contenu principal

Déesse 19 quater (je crois)

Toujours sur ces histoires de mythes féminins, ça vaut peut-être le coup aussi de revenir sur les structurations du bidule.

Tout était parti des discussions autour de Campbell et de la valeur essentiellement masculine de son "monomythe". Appliquer le monomythe campbellien à un personnage, c'est le faire passer à l'âge d'homme. Grosso modo et en simplifiant.

Quand on regarde les représentations de la déesse triple, on a souvent une vision cyclique de la femme : la jeune fille, la mère puis la vieille sage femme regroupées en un tout unique et cohérent. Les mécaniques de ce type appliquées au genre masculin sont par contre binaires : on a le jeune homme et le vieux sage, mais l'homme fait se retrouve seul. C'est la mécanique, en termes campbelliens, de la perte du mentor qui est un des jalons du passage à l'âge adulte. Chez la femme, la solitude ne fait pas partie de l'équation, chacun des rôles se définit dans son rapport avec les deux autres.

Alors, il y a des triades féminines dans lesquels cet aspect n'est pas si évident, par exemple celle des guerrières irlandaises Morrigane, Macha et Bodb (ou Nemain) dans lesquelles la classification en âge n'est pas claire (même si une histoire concernant une Macha, celle de sa course et de la malédiction jetée ensuite sur les Ulates implique clairement la maternité) mais pas complètement absente.

Dans d'autres cas, comme la triade du jugement de Pâris, même si la représentation classique ne donne pas d'âge aux personnages, les déesses Athéna, Aphrodite et Héra, on a une vierge, une femme voluptueuse et une tatie Danielle acariâtre, donc une structuration de ce type qui se superpose à la structure dumézilienne d'une déesse de la guerre, d'une déesse de la fertilité et d'une déesse souvernaine. (notons que, comme dans la triade irlandaise, le classement par "âge symbolique" donne les deux premières en allitération et pas la troisième, et j'ignore si ça pourrait avoir un sens*)

La déesse triple est souvent associée à la Lune, avec son système de phases cyclique (et la corrélation d'icelui avec les cycles féminins). Je me plains souvent que des tas de pans de mythologie passionnants aient sauté, mais tout ce qui concerne Hécate semble ne nous être arrivé que façon puzzle (et écrasé par la présence envahissante et tardive d'Artémis), et les pièces restantes ont probablement été noircies par l'assimilations aux rituels noirs (il est arrivé la même chose au czernobog slave)(l'absence de majuscule est intentionnelle). Les phases de la Lune (croissante, pleine lune, décroissante) rapprochée des âges. Mais il existe un certain nombre de cultures où c'est le Soleil qui est féminin et la Lune masculine (les langues germaniques en ont gardé trace) et il semble bien qu'à l'âge du bronze, elles étaient même majoritaires. Le premier système connu où apparaisse la répartition Lune/F-Soleil/M nous vient d'un peuple assez oublié, les Urartéens. Dont je ne sais pas grand-chose de plus à ce stade (là, il existe quand même de la doc. j'ai juste pas creusé à fond). Pourquoi le principe lunaire féminin a-t-il pris l'ascendant au point de nous sembler à présent complètement naturel ? Je n'en sais rien. Ça aussi, c'est à creuser.

Voilà, c'étaient encore quelques notations en vrac, des idées que je compile, balance et qu'il faudra que je continue de creuser.



*On a une triade allitérante si l'on regroupe les dieux grecs d'origine orientale, et on retombe sur une triade astrale de type babylonien, avec Artémis (Lune), Aphrodite (Vénus) et Apollon (Soleil). un jour je vous ferai un top détaillé sur les théories à ce sujet. D'autant que dans les triades sémitiques, la Lune est masculine. Le Veau d'Or, par exemple, en est une représentation.

Commentaires

Sami Cheikh Moussa a dit…
Amaterasu et Tsukuyomi sont un contre exemple aussi.

La question que je me pose est aussi est-ce que le soleil est toujours vu comme plus "puissant/sacré" que la lune ou est-ce qu'on peut avoir quelque chose d'inversé avec le/la dieu/déesse de la lune comme divinité tutélaire supérieure à celui/celle du soleil. Y a peut être un lien avec un certain basculement de genre qui fait que dans certaines régions, si le soleil est vu comme supérieur à ce moment là il doit forcément être un dieu et non pas une déesse.
Je suis pas sûr d'être clair... hum
Alex Nikolavitch a dit…
Je pensais justement à Amaterasu, oui.

Je vois ce que tu veux dire, t'en fais pas, mais en effet c'est un sujet dense et intéressant.
Odrade a dit…
Euh le Veau d'Or n'est pas solaire ?
Or=soleil et argent=lune, non ?

O.
Alex Nikolavitch a dit…
toutes les sources donnent le dieu veau de la région comme lunaire (notamment Aglibo, à Ougarit, juste avant l'installation des hébreux dans la région)

Posts les plus consultés de ce blog

La plupart Espagnols, allez savoir pourquoi

 Avec le retour d' Avatar sur les écrans, et le côté Danse avec les loups/Pocahontas de la licence, ça peut être rigolo de revenir sur un cas historique d'Européen qui a été dans le même cas : Gonzalo Guerrero. Avec son nom de guerrier, vous pourrez vous dire qu'il a cartonné, et vous n'allez pas être déçus.  Né en Espagne au quinzième siècle, c'est un vétéran de la Reconquista, il a participé à la prise de Grenade en 1492. Plus tard, il part pour l'Amérique comme arquebusier... et son bateau fait naufrage en 1511 sur la côte du Yucatan. Capturé par les Mayas, l'équipage est sacrifié aux dieux. Guerrero s'en sort, avec un franciscain, Aguilar et ils sont tous les deux réduits en esclavage. Il apprend la langue, assiste à des bagarres et... Il est atterré. Le peuple chez qui il vit est en conflit avec ses voisins et l'art de la guerre au Mexique semble navrant à Guerrero. Il finit par expliquer les ficelles du combat à l'européenne et à l'esp...

En direct de demain

 Dans mon rêve de cette nuit, j'étais en déplacement, à l'hôtel, et au moment du petit dèj, y avait une télé dans un coin, comme souvent dans les salles à manger d'hôtel. Ce qui était bien, c'est que pour une fois, à la télé ce n'était ni Céniouze ni Béhèfème (faites une stat, les salles à manger d'hôtel c'est toujours une de ces deux chaînes), mais un documentaire. Je hausse le sourcil en reconnaissant une voix.   Cette image est un spoiler   Oui, c'est bien lui, arpentant un décor cyberpunk mêlant à parts égales Syd Mead et Ron Cobb, l'increvable Werner Herzog commentait l'architecture et laissait parler des gens. La force du truc, c'est qu'on devine des décors insolites et grandioses, mais que la caméra du réalisateur leur confère une aura de banalité, de normalisation. "Je suis venu ici à la rencontre des habitants du futur, dit-il avec son accent caractéristique. J'ai dans l'idée qu'ils ont plein de trucs à me dire....

Qui était le roi Arthur ?

Tiens, vu que le Geek Magazine spécial Kaamelott connaît un deuxième numéro qui sort ces jours-ci, c'est peut-être l'occasion de rediffuser ici un des articles écrits pour le précédent. Souverain de légende, il a de tous temps été présenté comme le grand fondateur de la royauté anglaise. Mais plus on remonte, et moins son identité est claire. Enquête sur un fantôme héroïque. Cerner un personnage historique, ou remonter le fil d’une légende, cela demande d’aller chercher les sources les plus anciennes les concernant, les textes les plus proches des événements. Dans le cas d’Arthur et de ses chevaliers, le résultat a de quoi surprendre.  « [Gwawrddur] sut nourrir les corbeaux sur les remparts de la forteresse, quoique n’étant pas Arthur. » La voilà, la plus ancienne mention d’Arthur dans les sources britanniques, et avouons qu’elle ne nous apprend pas grand-chose. Elle provient d’un recueil de chants de guerre et de mort, Y Gododdin, datant des alentours de l’an 600, soit quelque...

Da-doom

 Je me suis ému ici et là de voir que, lorsque des cinéastes ou des auteurs de BD adaptent Robert E. Howard, ils vont souvent piquer ailleurs dans l'oeuvre de celui-ci des éléments qui n'ont pourtant rien à voir. L'ombre du Vautou r, et Red Sonja, deviennent ainsi partie intégrante du monde de Conan à l'occasion d'un comic book, et Les dieux de Bal Sagot h subissent le même traitement dans Savage Sword . De même, ils vont développer des personnages ultra-secondaires pour en faire des antagonistes principaux. C'est ce qui arrive à Toth-Amon , notamment.  Sienkiewicz, toujours efficace   Mais un cas ultra emblématique, à mon sens, c'est Thulsa Doom. Apparu dans une nouvelle de Kull même pas publiée du vivant de Howard, c'est un méchant générique ressemblant assez à Skull Face, créé l'année suivante dans une histoire de Steve Costigan. Les refus sur Kull ont toujours inspiré Howard : la première histoire de Conan, c'est la version remaniée de la der...

Barracks on Mars

On le sait, depuis quelques années, la politique, c'est du storytelling. Bon, en tant que professionnel de la bande-dessinée, je connaissais le terme et je l'employais, mais il ne voulait pas dire tout à fait la même chose pour moi que pour les encravatés qui nous gouvernent. Et puis, il faut bien le dire, les psychodrames et des effets de manche, ça va deux minutes. Les histoires que nous racontent les politiques, soit elles sont tellement bidons qu'elles n'en sont même plus drôles (les mecs qui vont chercher la croissance au risque de leurs molaires, etc.), soit elles tournent court (les coups de gueule annonciateurs d'une ascension foudroyante qui ne sont que le prélude de la placardisation des courageux). Beaucoup de buzzwords dans tout ça, de toute façon. Et le concret, derrière, fleure le sordide. Mais bon, voilà que le Président des Américains vient d'appuyer sur les bons boutons et de me faire rêver à nouveau. Mars 2035. Dit comme ça, c'est déjà un s...

Le slip en peau de bête

On sait bien qu’en vrai, le barbare de bande dessinées n’a jamais existé, que ceux qui sont entrés dans l’histoire à la fin de l’Antiquité Tardive étaient romanisés jusqu’aux oreilles, et que la notion de barbare, quoiqu’il en soit, n’a rien à voir avec la brutalité ou les fourrures, mais avec le fait de parler une langue étrangère. Pour les grecs, le barbare, c’est celui qui s’exprime par borborygmes.  Et chez eux, d’ailleurs, le barbare d’anthologie, c’est le Perse. Et n’en déplaise à Frank Miller et Zack Snyder, ce qui les choque le plus, c’est le port du pantalon pour aller combattre, comme nous le rappelle Hérodote : « Ils furent, à notre connaissance, les premiers des Grecs à charger l'ennemi à la course, les premiers aussi à ne pas trembler d’effroi à la vue du costume mède ». Et quand on fait le tour des autres peuplades antiques, dès qu’on s’éloigne de la Méditerranée, les barbares se baladent souvent en falzar. Gaulois, germains, huns, tous portent des braies. Ou alo...

Spécial Origines

Alors que je me livrais à des activités translatatoires (néologisme un peu barbare, quoique non Cimmérien, qui signifie juste que je me déplaçais d'un point à un autre, mais dire juste "j'étais dans la rue" m'ennuyait, sur le plan de la simple construction de phrase, c'était un moyen tristement banal de décrire uin état tristement banal. bref.), je suis tombé sur une colonne Morris (je n'ai pas encore trouvé de colonne Goscinny). Elle était agrémentée de deux affiches annonçant des prochains films à sortir cet été, un remake de la Guerre des Boutons et une préquelle de La Planète des Singes , preuve s'il en est que, de chaque côté de l'Atlantique, on manque d'imagination au point de recycler jusqu'à plus soif les vieux succès. Ce qui m'interpèle le plus, là dedans, c'est quand même le prologue inutile. La Planète des Singes, on sait comment ça à commencé : "Tu vas les faire sauter, tes putains de bombes, espèce de fou maudit ?...

Ïa, ïa, spam !

Bon, vous connaissez tous les spams d'arnaque nigériane où la veuve d'un ministre sollicite votre aide pour sortir du pognon d'un pays d'Afrique en échange d'une partie du pactole, pour pouvoir vous escroquer en grand. C'est un classique, tellement éculé que ça a fini par se tasser, je reçois surtout ces temps-ci des trucs pour des assurances auto sans malus ou les nouveaux kits de sécurité pour le cas de panne sur autoroute et des machins du genre, c'est dire si ces trucs sont ciblés. Y a aussi de temps en temps des mails d'Ukrainiennes et de Biélorusses qui cherchent l'amour et tout ça, et qu'on devine poster leur texte bancal d'un cybercafé de Conakry. Ça se raréfie, ceci dit, les démembrements de fermes à bots ayant porté un peu de fruit.   Mais là, j'en ai eu un beau. Et la structure du truc montre qu'il a été généré par IA. On me sollicite pour un club de lecture. Très bien, on me sollicite aussi pour des médiathèques des salons...

Le Messie de Dune saga l'autre

Hop, suite de l'article de l'autre jour sur Dune. Là encore, j'ai un petit peu remanié l'article original publié il y a trois ans. Je ne sais pas si vous avez vu l'argumentaire des "interquelles" (oui, c'est le terme qu'ils emploient) de Kevin J. En Personne, l'Attila de la littérature science-fictive. Il y a un proverbe qui parle de nains juchés sur les épaules de géants, mais l'expression implique que les nains voient plus loin, du coup, que les géants sur lesquels ils se juchent. Alors que Kevin J., non. Il monte sur les épaules d'un géant, mais ce n'est pas pour regarder plus loin, c'est pour regarder par terre. C'est triste, je trouve. Donc, voyons l'argumentaire de Paul le Prophète, l'histoire secrète entre Dune et le Messie de Dune. Et l'argumentaire pose cette question taraudante : dans Dune, Paul est un jeune et gentil idéaliste qui combat des méchants affreux. Dans Le Messie de Dune, il est d...

Sonja la rousse, Sonja belle et farouche, ta vie a le goût d'aventure

 Je m'avise que ça fait bien des lunes que je ne m'étais pas penché sur une adaptation de Robert E. Howard au cinoche. Peut-être est-ce à cause du décès de Frank Thorne, que j'évoquais dernièrement chez Jonah J. Monsieur Bruce , ou parce que j'ai lu ou relu pas mal d'histoires de Sonja, j'en causais par exemple en juillet dernier , ou bien parce que quelqu'un a évoqué la bande-son d'Ennio Morricone, mais j'ai enfin vu Red Sonja , le film, sorti sous nos latitudes sous le titre Kalidor, la légende du talisman .   On va parler de ça, aujourd'hui Sortant d'une période de rush en termes de boulot, réfléchissant depuis la sortie de ma vidéo sur le slip en fourrure de Conan à comment lui donner une suite consacrée au bikini en fer de Sonja, j'ai fini par redescendre dans les enfers cinématographiques des adaptations howardiennes. Celle-ci a un statut tout particulier, puisque Red Sonja n'est pas à proprement parler une création de Robert H...