Je me suis ému ici et là de voir que, lorsque des cinéastes ou des auteurs de BD adaptent Robert E. Howard, ils vont souvent piquer ailleurs dans l'oeuvre de celui-ci des éléments qui n'ont pourtant rien à voir. L'ombre du Vautour, et Red Sonja, deviennent ainsi partie intégrante du monde de Conan à l'occasion d'un comic book, et Les dieux de Bal Sagoth subissent le même traitement dans Savage Sword. De même, ils vont développer des personnages ultra-secondaires pour en faire des antagonistes principaux. C'est ce qui arrive à Toth-Amon, notamment.
Sienkiewicz, toujours efficace
Mais un cas ultra emblématique, à mon sens, c'est Thulsa Doom. Apparu dans une nouvelle de Kull même pas publiée du vivant de Howard, c'est un méchant générique ressemblant assez à Skull Face, créé l'année suivante dans une histoire de Steve Costigan. Les refus sur Kull ont toujours inspiré Howard : la première histoire de Conan, c'est la version remaniée de la dernière histoire de Kull.
Mais donc, concepts et personnages se baladent d'une adaptation à l'autre, c'est assez fascinant à voir. À la décharge des auteurs, le corpus d'origine de Conan, c'est moins de vingt histoires publiées par Howard, alors que des comics il y en a eu plusieurs centaines depuis 1970.
Dans les comics, justement, Doom est réintroduit dans King Kull, puis dans Conan. Le fait que Doom soit présenté dans la nouvelle d'origine comme virtuellement immortel, ce qui explique que Doom puisse être encore là 1500 ans après la disparition du roi Kull. Il devient un antagoniste assez important, au point que dans de le film... C'est lui qui servira de méchant, sous l'apparence massive et avec la voix iconique (si on peut dire iconique pour une voix) de James Earl "Vader and CNN" Jones. Il faut dire que Roy Thomas, l'auteur de la plupart de ces comics, a été conseiller sur le film. De fait, celui-ci ne prend l'oeuvre de Howard que comme prétexte. John Milius et Oliver Stone y plaquent leurs propres obsessions (d'où les ressemblances thématiques entre la fin de Conan et celle d'Apocalypse Now) (et on se prend à rêver de Brando en méchant dans un Conan).
Au passage, même Thulsa Doom n'a plus grand-chose à voir avec ce qu'il était dans les textes d'origine ni même les comics. Dont acte.
Le destin d'un personnage devenu iconique comme Conan (c'est arrivé précédemment à Tarzan, à Zorro, c'est arrivé ensuite à James Bond) c'est d'échapper à son créateur, de se décliner à l'envi, de se trahir, de se voir accoler toutes sortes de choses, tout un lore qui n'était pas là à l'origine.
On peut le déplorer ou s'en foutre. Ça n'a pas une énorme importance, après tout, mais c'est toujours rigolo de débobiner les fils pour voir comment tout ça s'agrège.
Et à ce propos, le replay de mon émission de l'autre jour sur Two Guns Bob.

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