Ah, longtemps que je n'avais pas fait un rêve carcéral. Des rêves d'enfermements, ça m'arrive souvent, mais ils ont un caractère accidentel, il s'agit souvent de déambulations interminables dans des espaces fermés et oppressants* dont je ne parviens pas à sortir, des centres commerciaux gigantesques et abandonnés, dont les couloirs techniques constituent un dédale déglingué.
Non, là, c'était différent. J'étais embastillé dans une institution psychiatrique. On m'y avait expédié parce qu'apparemment, le fait que je me considère comme un genre d'auteur et d'écrivain était le signe d'un trouble profond. Le fait que je fasse ce genre de rêve pourrait être d'ailleurs lui aussi le signe d'un trouble profond, genre syndrome de l'imposteur qui tel Cthulhu se réveille et s'ébroue. Le fait que je sois à la bourre sur à peu près TOUT ce que j'ai à faire dans les mois à venir doit probablement jouer un rôle là-dedans.
Au moins, les lieux sont propres et immaculés. Pas de plâtres décrépits, pas de couloirs plongés dans la pénombre, pas même de peinture jaune pisse ou bleu délavé aux murs. Tout a un côté presque 2001 dans l'esthétique (ou, maintenant que j'y pense, ça me faisait penser aussi un peu à la prison camp de travail dans Andor). J'ai une piaule propre, on m'amène de la bouffe dégueulasse sur des plateaux en plastique, rien d'anormal jusqu'alors.
Par moments, je peux traîner mes savates jusqu'à la salle commune et discuter avec des gens qui sont là pour des raisons similaires aux miennes. C-News et compagnie les ont décrétés non-citoyens, non-conformes, et probablement mal-pensants.
Je note l'omniprésence de caméras y compris dans ma piaule. Je recouvre la mienne d'un vieux calebarre, déclenchant en quelques secondes le débarquement d'un infirmier mastard et énervé, et d'une chef de service hautaine et remontée.
J'explique l'illégalité du système. Même en prison, on ne braque pas une caméra sur les chiottes. On me répond que, justement, on n'est pas en prison, et que le dispositif vise à éviter à la fois pendaisons inopinées et branlettes à la sauvette.
Je fais un esclandre, prenant tout le monde à témoin, et je profite de la confusion pour partir en courant dans les couloirs, zigzaguant entre malades shootés jusqu'aux yeux, infirmiers taillés comme des piliers de rugby et tentant de me plaquer ; je virevolte comme un patineur qui voudrait jouer les matadors.
Enfin, me voilà dans les jardins. Le mur est loin, il est couronné de barbelés et de caméras, lui aussi. Je tente un baroud d'honneur qui se solde par un réveil avec le sentiment du devoir accompli. Je crois que je les ai bien fait chier, les infirmiers.
*Tiens, j'ai profité de la réédition pour me remettre à Blame, d'ailleurs.
Commentaires
cette nuit, je me réfugiait dans des toilettes sordides pour compulser fébrilement un vieil épisode de Hulk afin de comprendre ce qui était en train de me tomber dessus. (j'étais traqué par l'armée, apparemment)