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War, uh ? What is it good for ?

 On pourrait se dire qu'un blog appelé "War Zone" devrait être un truc vachement vénère. Et donc je vois d'ici votre déception en me voyant plutôt prodiguer des considérations érudites sur des sujets obscurs, des calembours sans visibilité et autres trucs somme toute assez inoffensifs. La vérité, c'est que je me suis assagi avec l'âge : la toute première incarnation de la War Zone, c'était y a 30 ans dans le fanzine Heroes et c'était effectivement un déversoir à mauvaise humeur. C'était un billet régulier sur des choses qui m'agaçaient dans les comics.


Essayons donc aujourd'hui de sacrifier aux mânes de ce glorieux ancêtres (oui, glorieux apparemment : je suis surpris de loin en loin par d'anciens lecteurs de ce truc qui m'abordent en festival, ça fait toujours bizarre) je vais non pas me livrer à un billet énervé, mais causer de comics de guerre.

Oui, je suis taquin comme ça.

Il y a un paradoxe, dans les oeuvres sur la guerre, c'est que quel que soit leur côté antimilitariste, elle vont toujours attirer des fans d'histoire militaire parfois bien belliqueux. C'était déjà un truc que j'avais remarqué à l'adolescence, des crânes rasés qui allaient voir Platoon ou Full Metal pour avoir leur dose d'action. À l'inverse, même un type comme moi, incapable de travailler en équipe, d'obéir aveuglément aux ordres, et de viser correctement, et donc peu soupçonnable de militarisme galopant, entretient un rapport ambigu avec ce genre de matériau.

J'y repense en bossant, en ce moment, parce que j'ai pas mal de comics de guerre à traduire. Si, dans les comics américains, le super-héros fait figure de genre dominant, cela n'a pas toujours été le cas, et parmi les autres, le comics de guerre a toujours eu son public. Le Sgt. Rock de Joe Kubert en est la preuve, Kirby a souvent oeuvré dans le genre aussi (avec Sgt. Fury, les Losers, etc.) et une part appréciable des publications EC était estampillée pan-pan (même si, et ça a posé des soucis, le regard des auteurs était très nuancé, voire critique, ce qui en période de Guerre de Corée et de Chasse aux Sorcières était un peu dangereux).

 

Et donc, voilà que je me replonge régulièrement là-dedans. Depuis deux ou trois ans, par exemple, j'officie sur la traduction de Vietnam Journal, chez Delirium, par Don Lomax, traduction difficile à plusieurs titres. Primo parce qu'il faut retrouver tout un jargon, deuzio parce que Lomax, vétéran de ce conflit, a des choses à dire dessus, et que certains tomes sont très, très durs. Je m'étais pris un jour de repos après avoir rendu le 4, tellement j'étais pas à l'aise. Je recommande vivement, c'est une oeuvre forte, le tome 6 est pour bientôt.

Là, ce mois-ci, je suis sur Battlefields, de Garth Ennis, pour les copains de Komics Initiative. Ennis, c'est devenu avec le temps le pape actuel des comics de guerre. Même dans des séries de super-héros, comme The Boys, il arrive à coller des épisodes entiers sur les Ardennes ou les Malouines. Son Punisher Max donnait bien fort dans le genre aussi.

Ennis, il est de tradition britannique, lecteur dans sa jeunesse de Battler Britton et autres récits ou de vaillants tommies exterminaient du Nazi par paquet de douze avec leur bite et leur couteau (y avait une série télé de ce genre en Yougo, avec des Partisans qui se faisaient des divisions blindées en mode Thierry la Fronde). Le récit de guerre fait partie de son ADN, il en fout partout, dans Hitman, dans Preacher, quand il n'y consacre pas des séries dédiées, comme Johnny Red (aussi chez KI), Adventures of the Riffle Brigade (pas réédité depuis une paye et inédit VF, ce qui est dommage, l'épisode avec la burne perdue d'Hitler, c'est quelque chose) (je vous jure que ce truc existe), ses Fury (dont j'ai traduits jadis ceux qui se déroulaient dans le passé) et maintenant, donc, Battlefields. Des récits de la Seconde Guerre Mondiale s'attachant à la petite histoire, au caractère humain des choses. Parce qu'il faut le rappeler, sous son côté sale gosse, Garth Ennis est un humaniste. Ça le rend toujours intéressant.

Il est, au fond, pile sur le paradoxe que j'évoquais plus haut : critique de la guerre, mais fasciné, montrant la toxicité des situations, mais aussi la façon dont elles révèlent les caractères, pour le pire et le meilleur.

Bref, pour les semaines qui viennent, je suis en mode "c'était pas ma guerre, colonel".




En complément, deux papiers sur Garth Ennis, écrits il y a déjà quelques années :

Garth Ennis est-il de droite ?

Hulk Smash

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