Accéder au contenu principal

Voiries de l'information

 J'en avais causé cet été, j'ai été victime d'une grosse panne d'internet qui m'a handicapé pendant plus de trois semaines. Ce sont des aléas contre lesquels il est difficile de se prémunir. Ça a été réglé, on pouvait passer à autre chose.

Sauf que...


Sauf que j'ai remarqué un phénomène qui m'a remis le nez dedans.

Mais revoyons l'action au ralenti.

Par une belle matinée de juillet, j'allume mon ordi, et pas d'internet.  Je contrôle ma box, elle est allumée, mais n'arrive plus à établir la connexion. Je vérifie tous les câbles, ça ne vient pas de chez moi. Du coup, je vais voir au bout de la rue, là où se trouve l'armoire de la fibre. J'y découvre un technicien en train de sortir tous les racks. Je lui pose la question, et il me répond que tout est normal, il y a une mise à jour matérielle, il change un certain nombre de pièces. Tout sera fini avant midi.

Jusque là, pas de souci. Mais dans l'après-midi, toujours pas d'internet. Je retourne à l'armoire, le gars n'y est plus. À l'aide de mon téléphone (et avec quelques difficultés, la navigation sur téléphone est quelque chose que je trouve malcommode, et en plus ça capte pas chez, moi, donc ça implique à chaque fois de sortir. quand il fait beau, ça va, mais vous savez quelle gueule a eu notre été), je parviens à me connecter au site de mon opérateur (que par commodité on appellera Mandarine). On me signale une panne de secteur... qui sera réparée 4 semaines plus tard. J'appelle le numéro de l'assistance, je tombe sur un serveur vocal tapez 1 tapez # tapez 2, et la voix enregistrée me dit "oui, pour votre numéro, panne de secteur, c'est en cours".

Là, ça ne va plus du tout. Je fais un saut à la boutique Mandarine. Là, ça devient intéressant. Le seul truc qu'on puisse me conseiller à la base, c'est le serveur vocal pour avoir un opérateur. Je leur explique que j'ai pu avoir personne, je rappelle devant eux, et là le truc me fait "oui, vous avez déjà appelé, c'est en cours".

On m'explique alors que les boutiques, c'est du commercial, et donc cloisonné par rapport aux services techniques. Bien, bien, bien. Dans le temps, quand on me disait "pourquoi tu es chez Mandarine, ils sont plus chers", je répondais "mais leur service technique est top moumoute, les soucis sont réglés d'un claquement de doigt". Visiblement, ce n'est plus le cas. Dont acte.

On finit par me refiler une antenne 4g+Wifi qui me permettra d'attendre. Je rappelle, le phone capte très mal chez moi. Je parviens néanmoins à trouver un endroit où ça marche à peu près, au dernier étage, je mets en place. Tout le monde se connecte sur le Wifi, je file des consignes pour pas bouffer toute l'allocation de data trop vite, je redescends, je teste... Mon bureau est dans une configuration où le Wifi, ça le fera pas.

Bien. Faut faire contre mauvaise fortune aimable visage, je trouve des solutions pour transférer mes fichiers de boulot quand même (en les balançant de l'ordi vers une tablette, et en allant expédier le tout en me collant près de l'antenne), et ça me permet de reprendre une activité à peu près normale. Tout en galérant pour tout ce qui est recherches et vérifications, mais bon, ademettons.

Au bout de 15 jours de ce régime, voilà que ma consultation journalière du site de l'assistance pour voir quand ils interviendront me signale "intervention faite, problème résolu".

Je reboote ma box, je la contrôle d'un bout à l'autre. Non, c'est toujours mort. En fouillant dans les profondeurs du site de Mandarine, je parviens enfin à accéder à un chat avec "un technicien" (en fait un bot, plutôt bien fait, mais un bot, plusieurs signes ne trompent pas) et à obtenir un rendez-vous chez moi avec un technicien. On me signale que ce sera facturé 65 euros, à moins bien sûr que la panne provienne de l'extérieur de mon domicile.

Le technicien se pointe et, divine surprise, c'est un vieux de la vieille. On peut discuter. Il constate très vite que ce que je dis est vrai : la panne vient pas de chez moi (la procédure étant ce qu'elle est, et pour des raisons évidentes, il est néanmoins obligé de contrôler mes dires). Puis il va dans le boîtier du voisinage, puis dans les trappes de la rue, puis file à l'armoire.

Il faut savoir que l'armoire n'est pas gérée par Mandarine, mais par un de ses concurrents. Mais que les sous-traitants de tous les opérateurs y ont accès, ne serait-ce que pour pouvoir bosser (la serrure est pétée depuis des années, d'ailleurs). Dix minutes après, internet est rétabli, le gars me confirme ce que j'avais deviné, le mec, trois semaines avant, avait fait du boulot de sagouin, et arraché un truc qui alimentait plusieurs dizaines d'abonnés dans ma rue.

Du coup, il me signale que je n'aurai pas à m'acquitter des 65 euros, et fait une demande pour que soient décomptés de ma prochaine facture les trois semaines où je n'ai eu qu'un service plus que limité. Intervention nickel, efficace, un gars compétent et cool.

Là où ça devient rigolo, c'est que, depuis son passage, je vois au moins trois fois par semaine des techniciens de divers opérateurs et de leurs sous-traitants ouvrir les boites de voisinage, puis les trappes, et filer à l'armoire générale. Au fur et à mesure que les voisins rentraient de vacances, constataient la défaillance de leur internet, et parvenaient à avoir un rendez-vous.

Et là, on voit le résultat du fonctionnement moderne de l'entreprise, celui qui conduit à cloisonner commercial et technique de façon étanche, qui conduit certaines entreprises (dont Mandarine, tiens) devant les tribunaux suite au effets toxiques de l'application stupide et bornée des doxas managériales, celui qui divise pour mieux régner, mais du coup perd de vue son métier. Sous prétexte d'économies, on se trouve à multiplier les interventions pour UNE panne localisée à un endroit connu dès le départ. Parce qu'on ouvre la concurrence de façon anarchique, qu'on recourt chaque fois que possible à la sous-traitance pour ne pas avoir à payer les gens, on se retrouve avec une quinzaine de déplacements (pour ceux que j'ai constatés de mes yeux, mais on doit pouvoir multiplier par trois), et autant de fois les mêmes questionnements, les mêmes trajets, les mêmes manipulations de l'infrastucture, quand trois mecs auraient réglé le problème une bonne fois en deux jours. Les cloisonnements successifs empêchent la remonté de l'information, et le contrôle qualité n'est jamais fait qu'a posteriori, via des sondages envoyés aux clients, ne portant que sur l'intervention elle-même, le dernier maillon de la chaîne.

Et là, je ne parle que de ce que j'ai constaté cet été dans un secteur en particulier. Maintenant, pensez à votre métier, aux process de votre entreprise, à la circulation de l'information dedans et à la forme qu'elle prend, et à toutes ces réunions où l'on n'évoque jamais les problèmes concrets. Et à la façon dont certains politiques, notamment au pouvoir, tentent d'imposer ce genre de modèle partout (coucou l'éduc'nat). Et réfléchissez à la façon dont cette organisation a déjà du mal face à la crise actuelle, et doit faire face aux crises à venir...

Vous vous sentez vraiment à l'aise ?

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Et ça va causer dans le poste encore

 Bon, ça faisait plusieurs fois qu'on me conseillait de me rapprocher de Radionorine, la petite web-radio associative dont les locaux sont à quelque chose comme **vérifie sur gogolemap** 500 mètres de la Casa Niko. Je connaissais de vue une partie de l'équipe, un pote à moi faisait une émission chez eux en son temps, un autre vient d'en lancer une, et voilà que j'ai un atelier d'écriture qui se déroule... un étage en-dessous. Bref, l'autre jour, ils m'ont invité pour que je cause de mon travail et de cet atelier. Et en préparant l'interview, on a causé hors antenne, forcément. Et donc, je peux annoncer ici qu'il y aura désormais une émission mensuelle, le Legendarium ,  où je causerai d'imaginaire littéraire (et sans doute pas que). La première sera consacrée à Robert E. Howard et Conan, le jeudi 27 novembre à 19h, la deuxième peut-être à Beowulf le jeudi 11 décembre (on essaiera de se coller le deuxième jeudi du mois autant que possible). C...

Brumes du passé

Pour diverses raisons, notamment des textes sur lesquels je travaille et qui sont très différents les uns des autres, je remets le nez dans les ancienne mythologies slaves. J'en ai déjà parlé à propos de Tchernobog , c'est un abominable foutoir, une source infinie de frustration, plus encore que l'étude des mythes celtes ou germains. En Scandinavie, Islande, Irlande et ailleurs, on a su préserver des récits, des textes, parfois des fragments énigmatiques, qui nous éclairent un tout petit peu. Pour les Slaves, on est face à un champ de ruines (je ne vais pas dire que c'est traditionnel dans ces pays-là, mais bon, un peu quand même). Même les comparatistes s'y cassent les dents. Comment interpréter Perun ? De prime abord, c'est le cousin très proche de Thor/Donar et de Taranis. Est-il en fait le descendant d'une divinité primordiale vénérée à l'âge du bronze ? Possible. Mais les mondes slaves, germains et celtes n'ont jamais été des boîtes étanches. Le...

Sonja la rousse, Sonja belle et farouche, ta vie a le goût d'aventure

 Je m'avise que ça fait bien des lunes que je ne m'étais pas penché sur une adaptation de Robert E. Howard au cinoche. Peut-être est-ce à cause du décès de Frank Thorne, que j'évoquais dernièrement chez Jonah J. Monsieur Bruce , ou parce que j'ai lu ou relu pas mal d'histoires de Sonja, j'en causais par exemple en juillet dernier , ou bien parce que quelqu'un a évoqué la bande-son d'Ennio Morricone, mais j'ai enfin vu Red Sonja , le film, sorti sous nos latitudes sous le titre Kalidor, la légende du talisman .   On va parler de ça, aujourd'hui Sortant d'une période de rush en termes de boulot, réfléchissant depuis la sortie de ma vidéo sur le slip en fourrure de Conan à comment lui donner une suite consacrée au bikini en fer de Sonja, j'ai fini par redescendre dans les enfers cinématographiques des adaptations howardiennes. Celle-ci a un statut tout particulier, puisque Red Sonja n'est pas à proprement parler une création de Robert H...

Le slip en peau de bête

On sait bien qu’en vrai, le barbare de bande dessinées n’a jamais existé, que ceux qui sont entrés dans l’histoire à la fin de l’Antiquité Tardive étaient romanisés jusqu’aux oreilles, et que la notion de barbare, quoiqu’il en soit, n’a rien à voir avec la brutalité ou les fourrures, mais avec le fait de parler une langue étrangère. Pour les grecs, le barbare, c’est celui qui s’exprime par borborygmes.  Et chez eux, d’ailleurs, le barbare d’anthologie, c’est le Perse. Et n’en déplaise à Frank Miller et Zack Snyder, ce qui les choque le plus, c’est le port du pantalon pour aller combattre, comme nous le rappelle Hérodote : « Ils furent, à notre connaissance, les premiers des Grecs à charger l'ennemi à la course, les premiers aussi à ne pas trembler d’effroi à la vue du costume mède ». Et quand on fait le tour des autres peuplades antiques, dès qu’on s’éloigne de la Méditerranée, les barbares se baladent souvent en falzar. Gaulois, germains, huns, tous portent des braies. Ou alo...

Noir c'est noir. Ou pas.

 Je causais ailleurs de l'acteur Peter Stormare, qui jouait Czernobog (ou Tchernobog, ou Crnobog, prononcer "Tsr'nobog" dans ce dernier cas) dans la série American Gods , mais qui était aussi Lucifer dans le film Constantine et le nihiliste qui veut couper le zizi du Dude.   de nos jours, il lui latterait plutôt les roubignoles au Dude Tchernobog (ou Czernobog, ou Crnobog) c'est un dieu classique des mythologies slaves, sur lequel il a été beaucoup écrit, un dieu noir et hivernal opposé à la lumière, enfermé dans un cycle de mort et de résurrection, avec donc un rôle dans la fertilité. C'est sur ce mythe-là que Gaiman base son personnage dans American Gods , justement. Les chrétiens l'ont immédiatement assimilé à un diable, et c'est la lecture qu'en fait Disney dans le segment "La nuit sur le Mont Chauve" dans Fantasia .   J'entends cette image   Faut dire que le gars est pas aidé : son nom signifie précisément "dieu noir"...

Coup double

 Ainsi donc, je reviens dans les librairies le mois prochain avec deux textes.   Le premier est "Vortace", dans le cadre de l'anthologie Les Demeures terribles , chez Askabak, nouvel éditeur monté par mes vieux camarades Melchior Ascaride (dont vous reconnaissez dans doute la patte sur la couverture) et Meredith Debaque. L'idée est ici de renouveler le trope de la maison hantée. Mon pitch :   "Les fans d'urbex ne sont jamais ressortis de cette maison abandonnée. Elle n'est pourtant pas si grande. Mais pourrait-elle être hantée par... un simple trou dans le mur ?" Le deuxième, j'en ai déjà parlé, c'est "Doom Niggurath", qui sortira dans l'anthologie Pixels Hallucinés, première collaboration entre L'Association Miskatonic et les éditions Actu-SF (nouvelles).  Le pitch :  "Lorsque Pea-B tente un speed-run en live d'un "mod" qui circule sur internet, il ignore encore qu'il va déchainer les passions, un ef...

De géants guerriers celtes

Avec la fin des Moutons, je m'aperçois que certains textes publiés en anthologies deviennent indisponibles. J'aimais bien celui-ci, que j'ai sérieusement galéré à écrire à l'époque. Le sujet, c'est notre vision de l'héroïsme à l'aune de l'histoire de Cúchulainn, le "chien du forgeron". J'avais par ailleurs parlé du personnage ici, à l'occasion du roman que Camille Leboulanger avait consacré au personnage . C'est une lecture hautement recommandable.     Cúchulainn, modèle de héros ? Guerrier mythique ayant vécu, selon la légende, aux premiers temps de l’Empire Romain et du Christianisme, mais aux franges du monde connu de l’époque, Cúchulainn a, à nos yeux, quelque chose de profondément exotique. En effet, le « Chien du forgeron » ne semble ni lancé dans une quête initiatique, ni porteur des valeurs que nous associons désormais à l’héroïsme. Et pourtant, sa nature de grand héros épique demeure indiscutable, ou en tout cas...

En repassant loin du Mitan

 Bilan de la semaine : outre un peu de traduction, j'ai écrit  - 20000 signes d'un prochain roman - 20000 signes de bonus sur le prochain Chimères de Vénus (d'Alain Ayrolles et Etienne Jung - 30000 signes d'articles pour Geek Magazine    Du coup je vous mets ci-dessous un bout de ce que j'ai fait sur ce roman (dans l'univers du Mitan, même si je n'ai plus d'éditeur pour ça à ce stade, mais je suis buté). Pour la petite histoire, la première scène du bouquin sera tirée, poursuivant la tradition instaurée avec Les canaux du Mitan, d'un rêve que je j'ai fait. Le voici (même si dans la version du roman, il n'y aura pas de biplans) . On n'est pas autour de la plaine, cette fois-ci, je commence à explorer le vieux continent :   Courbé, il s’approcha du fond. À hauteur de sa poitrine, une niche était obstruée par une grosse pierre oblongue qu’il dégagea du bout des doigts, puis fit pivoter sur elle-même, dévoilant des visages entremêlés. Une fo...

Ça va s'arranger, Monsieur Milan !

Hop, encore un petit article sauvé du naufrage de superpouvoir. J'ai hésité à le poster sur la nouvelle version du site, et puis finalement je le rapatrie ici, comme ça ne parle pas vraiment de comics. Petit tour de table pour débuter la négo La provocation a toujours été consubstantielle de l'activité artistique. à quoi ça tient, mystère. Peut-être au fait que l'artiste, par nature, est un peu en marge du corps social et a donc la distance nécessaire pour l'interroger. Mais "provocation", le mot semble faible pour qualifier les outrances de Laibach. travailleurs de tous les pays... Pour ceux qui ne connaissent pas, Laibach, c'est un peu l'ancêtre sous amphètes de Rammstein. D'ailleurs, un des membres de Laibach le disait : "ouais, c'est bien, ce qu'ils font, Rammstein. Ils rendent notre style de musique accessible aux kids, c'est important." Je paraphrase. Mais donc, provocation. C'est un mot qu...

Aïe glandeur

Ça faisait bien longtemps que je ne m'étais pas fendu d'un bon décorticage en règle d'une bonne bousasse filmique bien foireuse. Il faut dire que, parfois, pour protéger ce qu'il peut me rester de santé mentale, et pour le repos de mon âme flétrie, je m'abstiens pendant de longues périodes de me vautrer dans cette fange nanardesque que le cinéma de genre sait nous livrer par pleins tombereaux. Et puis parfois, je replonge. Je repique au truc. De malencontreux enchaînements de circonstances conspirent à me mettre le nez dedans. Là, cette fois-ci, c'est la faute à un copain que je ne nommerai pas parce que c'est un traducteur "just wow", comme on dit, qui m'avait mis sur la piste d'une édition plus complète de la musique du film Highlander . Et qu'en effet, la galette était bien, avec de chouettes morceaux qui fatalement mettent en route la machine à nostalgie. "Fais pas le con, Niko ! Tu sais que tu te fais du mal !" ...