J'ai continué à méditer cette histoire d'initiation féminine. La question qui m'avait été posée à Lyon ne portait pas uniquement sur le côté purement mythique, mais également sur les structures narratives associées, telles qu'on peut les employer à notre époque dans des récits de divertissement.
Or, trois exemples viennent à l'esprit pour des voyages féminins : Wendy, Dorothy et Alice, respectivement héroïnes de Peter Pan, du Magicien d'Oz et d'Alice au Pays des Merveilles ainsi que De l'Autre Côté du Miroir. Sans s'étendre (pouf pouf) sur la relecture qu'en donne Alan Moore dans Lost Girls (mais on pourrait), il y a des rapprochements évidents à opérer dans ce domaine.
Trois jeunes filles propulsées dans des environnements oniriques. Et la nature de ces mondes qu'elles visitent lève d'emblée la dichotomie que j'évoquais entre le voyage initiatique masculin (tourné vers l'extérieur et les étrangers) et le voyage initiatique féminin (tourné vers l'intérieur et le foyer). S'ils sont oniriques, ces mondes étranges sont intérieurs, mais son vécus néanmoins comme extérieurs (on est peut-être là-dedans dans la définition de l'hystérie telle que la donnaient les gentils docteurs phallocrates du XIXe siècle). Le voyage de ces héroïnes peut donc s'interpréter comme un exil aux confins de leur propre inconscient. Il peut aussi s'interpréter autrement, c'est la magie de la polysémie, mais c'est cette interprétation intérieure qui m'intéresse aujourd'hui.
Et qu'y découvre-t-on, dans ces mondes ? Toutes les figures masculines qui, en bonne logique campbellienne, devraient être celles de mentor à suivre ou d'autorité à combattre, sont ici grotesques ou affaiblies, ce sont des Crochet à moitié dingues, des Rois de Cœur écrasés par leur femme, des Grand Oz se réduisant, in fine, à ce petit monsieur caché derrière le rideau. Celle qui serait la plus acceptable dans un rôle classique d'initiateur, c'est Peter Pan, et il est androgyne, pas formé, et trop amoral pour être réellement suivi.
Ce qui frappe, là-dedans, c'est le côté subversif qui transpire à chaque tournant (surtout chez Alice, quand on y pense). L'autorité est tournée en dérision, la logique du jeu prime sur celle du monde des adultes, et les héroïnes s'y affirment tant qu'elles peuvent. C'est un aspect que tente de corriger la série des Narnia, avec son arrière-monde magique, mais ses figures paternelles bienveillantes et son discours christique. Et il est à noter que les filles, quoique présentes, n'y sont pas tellement mises au premier plan.
D'une façon générale, le chemin parcouru n'est pas tant celui de la réalisation que de l'émancipation (même s'il y a un retour au réel à la fin du récit, ce réel est percé d'une ouverture), ce qui contrevient probablement aux initiations féminines les plus connues, mais correspond peut-être à celles des marginales, sorcières, rebouteuses et sages-femmes.
Bon, tout cela, ce ne sont que des notes prises à la volée et à peine remises en ordre. Mais elles constituent peut-être des pistes à suivre et à creuser. Gageons qu'on y reviendra.
Or, trois exemples viennent à l'esprit pour des voyages féminins : Wendy, Dorothy et Alice, respectivement héroïnes de Peter Pan, du Magicien d'Oz et d'Alice au Pays des Merveilles ainsi que De l'Autre Côté du Miroir. Sans s'étendre (pouf pouf) sur la relecture qu'en donne Alan Moore dans Lost Girls (mais on pourrait), il y a des rapprochements évidents à opérer dans ce domaine.
Trois jeunes filles propulsées dans des environnements oniriques. Et la nature de ces mondes qu'elles visitent lève d'emblée la dichotomie que j'évoquais entre le voyage initiatique masculin (tourné vers l'extérieur et les étrangers) et le voyage initiatique féminin (tourné vers l'intérieur et le foyer). S'ils sont oniriques, ces mondes étranges sont intérieurs, mais son vécus néanmoins comme extérieurs (on est peut-être là-dedans dans la définition de l'hystérie telle que la donnaient les gentils docteurs phallocrates du XIXe siècle). Le voyage de ces héroïnes peut donc s'interpréter comme un exil aux confins de leur propre inconscient. Il peut aussi s'interpréter autrement, c'est la magie de la polysémie, mais c'est cette interprétation intérieure qui m'intéresse aujourd'hui.
Et qu'y découvre-t-on, dans ces mondes ? Toutes les figures masculines qui, en bonne logique campbellienne, devraient être celles de mentor à suivre ou d'autorité à combattre, sont ici grotesques ou affaiblies, ce sont des Crochet à moitié dingues, des Rois de Cœur écrasés par leur femme, des Grand Oz se réduisant, in fine, à ce petit monsieur caché derrière le rideau. Celle qui serait la plus acceptable dans un rôle classique d'initiateur, c'est Peter Pan, et il est androgyne, pas formé, et trop amoral pour être réellement suivi.
Ce qui frappe, là-dedans, c'est le côté subversif qui transpire à chaque tournant (surtout chez Alice, quand on y pense). L'autorité est tournée en dérision, la logique du jeu prime sur celle du monde des adultes, et les héroïnes s'y affirment tant qu'elles peuvent. C'est un aspect que tente de corriger la série des Narnia, avec son arrière-monde magique, mais ses figures paternelles bienveillantes et son discours christique. Et il est à noter que les filles, quoique présentes, n'y sont pas tellement mises au premier plan.
D'une façon générale, le chemin parcouru n'est pas tant celui de la réalisation que de l'émancipation (même s'il y a un retour au réel à la fin du récit, ce réel est percé d'une ouverture), ce qui contrevient probablement aux initiations féminines les plus connues, mais correspond peut-être à celles des marginales, sorcières, rebouteuses et sages-femmes.
Bon, tout cela, ce ne sont que des notes prises à la volée et à peine remises en ordre. Mais elles constituent peut-être des pistes à suivre et à creuser. Gageons qu'on y reviendra.
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