Accéder au contenu principal

Le plus mal chaussé

Cette note de blog est absolument exceptionnelle. Pour une fois, elle parlera de fringues et de soldes, sujets qui, pour citer un de nos anciens présidents, m'en touche une sans faire bouger l'autre. Faut-il que la situation soit désespérée pour que j'en vienne à parler de ça ici. Et je ne parle pas de la cravate de Mélenchon et Rufin (quoique je pourrais. en fait, le dress code de l'assemblée, qui transforme la représentation nationale en armée de croque-morts, aurait été adapté pour l'enterrement en grandes pompes du code du travail. mais comme il sera jeté à la sauvette à la fosse commune, ça ne change plus grand-chose)

Contrairement à nos élites qui jugent les gens sur la façon dont ils s'habillent,  je me fous globalement pas mal de ce que j'ai sur le dos, du moment que ça me tient chaud et que mes roubignoles ne dépassent pas. Comme 80% de mon activité professionnelle se déroule dans mon bunker où personne ne rentre sauf la famille et les amis, ça n'a aucune importance (ce qui me permet même de pondre mon prochain roman ou mon prochain album en calbute quand il fait trop chaud).

Pour les chaussures, c'est pire encore. Plus c'est simple, mieux c'est, en ce qui me concerne.

Sauf que les Clark's que j'avais depuis des années sont en train de me lâcher (mon petit cordonnier, au bout de la rue, se fait fort de les sauver, c'est le docteur House des groles, mais son intervention les immobilise pour quelques temps), que mes bottes ont défuncté y a longtemps (et que c'est devenu horriblement cher, ces machins), il a fallu que je me rabatte momentanément sur une paire de chaussure de yachtman assez ridicules que j'avais acheté pour rien lors de vacances en Bretagne, y a des années, et qui me servaient depuis de savates pour les travaux. Le cuir en est couvert de mouchetures de peintures et bouffé par l'abrasion due à la manipulation de ciment et de plâtre, mais elles tiennent bon. En attendant mes Clark's, elles feront l'affaire. De toute façon, je n'ai pas le choix, c'est tout ce qui me reste dans mon placard.

Hier, je suis sorti. Il faisait beau, j'avais besoin de faire quelques courses alimentaires, je me suis dit que je passerais à la bibliothèque rendre quelques trucs, faire la causette et prendre des nouvelles, avant d'aller à la supérette qui est juste derrière. Programme simple et banal.

Sauf que, trois minutes après que je sois entré dans le temple du savoir et de la culture, crac, le temps a tourné. Et quand je dis "tourné", c'était du genre à pousser le vieux Noé à se faire hara-kiri avec un couteau à huitres. Le déluge universel, à côté de ce qui est tombé hier, c'est une petite bruine, un crachin tout au plus. Bref. J'ai tenté de traverser la rue séparant la bibliothèque de la supérette. Six mètres qui ont suffi à me tremper jusqu'aux os. Une fois dans le magasin, j'ai pris mon temps, attendant que ça se tasse. 45 minutes plus tard, il ne pleuvait plus que normalement. Couvrant mes courses, j'ai entrepris d'affronter la rue, sur le kilomètre et demi qui me séparait de chez moi.

Il me pleuvait encore dessus, mais ça, ce n'était pas le vrai problème. Le vrai problème, ça a été de traverser l'avenue en pente qui s'était transformé d'un coup en affluent torrentiel de la Seine. Quand je suis enfin arrivé de l'autre côté, mes chaussures (et mon pantalon) étaient aussi imbibés qu'un métalleux du Hellfest après trois jours de festival.

Je suis rentré, je me suis changé, j'ai mis mes chaussures à sécher. Ce matin, il a fallu que je ressorte. Oh, pour une bricole, mais en remettant mes chaussures, je me suis avisé d'un problème. Même après une nuit, elles demeuraient trempées et faisaient "schlouk-schlouk" à chaque pas. La conclusion s'impose : avant samedi (où je suis en dédicaces et me dois d'être vaguement présentable), il me faut une nouvelle paire (les Clarks seront peut-être sorties du bloc, mais Cordonnier House m'a dit que ce n'était pas sûr, ça dépendait des complications opératoires, et si ça se trouve, c'est un lupus).

Ça tombe bien, c'est le jour des soldes. J'ai un gros magasin de chaussure à deux-cents mètres. J'y fais un saut. Je vais pouvoir me rééquiper à peu de frais (oui, parce que si je peux mettre des sommes folles dans des bouquins, dépenser plus de quarante balles dans des croquenots, ça me file des ulcères).

Et là, c'est le drame.

Ça me fait le coup à chaque fois, vous remarquerez. Quand je commence à fouiner dans les rayons de ce genre de boutique, j'ai l'impression d'être chez les gars chargés d'équiper l'armée de Khazad-Dum. Au-delà de la taille 45, les chaussures, on n'en trouve pas. Donc pour un gars de mon format généreux, auquel il faut du 47 (ou à la rigueur un 46 qui taille grand), ça peut poser problème.

Mais comme je suis un mec trop têtu pour mon propre bien, je fouille. Je trouve des trucs très élégants en 46, mais que je n'arrive même pas à enfiler. Je fouille encore.

Et là, c'est un festival. Parce qu'à force d'obstination butée quasiment vallsienne, du 47, j'en trouve.

Alors, il y avait :
-De ces trucs à bout pointu que portent les encravatés, de nos jours, qu'ils trouvent cool mais qui à moi (parce que j'ai plus de culture qu'eux, sans doute, ce qui n'a rien d'un exploit vu le niveau général. vous avez déjà tenté de discuter avec un agent immobilier ?) évoquent les poulaines ridicules que portaient les bellâtres de la cour des Valois. Au temps pour la "modernité" dont se targuent de nos jours les encravatés. (spoiler : la Modernité, elle a justement été inventée après que le dernier Valois soit mort en se défonçant lui-même le crâne quand il a voulu passer une porte à cheval parce qu'il trouvait ça badass)

-Des sandales qu'on ne voit qu'aux pieds des psychiatres soixante-huitards et des mères de famille qui font le pèlerinage de Chartres, quand ils n'ont pas peur d'avoir l'air complètement caricatural.

-Des trucs de vieux. Mais quand je dix vieux, c'est vraiment pour vieux qui ont des épines calcanéennes, des rhumatismes et qui ne peuvent mettre rien d'autre que des machins descriptibles par l'expression "pantoufles pour aller dehors".

-Des écrase-merde de randonneur, qui me seraient utiles si j'avais du fumier à rentrer, mais depuis que je ne suis plus libraire, je ne m'occupe plus de la rentrée littéraire.

Bref, j'ai cru mourir.

J'ai fini par trouver des trucs tolérables, planqués tout en bas (en général, ce ne sont pas les gens d'1m40 qui portent du 46-47, donc le 38, vous devriez le mettre en bas, madame du magasin de chaussures, et le 47 en haut des étagères ET PAS L'INVERSE, CORNECUL DE BORDEL A CHIOTTE !), mais ça a été de haute lutte. Pour ne pas qu'une telle aventure déplorable ne se répète dans un avenir mesurable, j'ai même pris deux paires.

Putain, 35 minutes dans un magasin de chaussures, ça doit être un record absolu pour moi. En cumulé sur deux ans, je n'y passe pas autant de temps, normalement. Ils m'ont encore énervé, ces cons-là.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Au ban de la société

 Tiens, je sais pas pourquoi (peut-être un trop plein de lectures faites pour le boulot, sur des textes ardus, avec prise de note) j'ai remis le nez dans les Justice Society of America de Geoff Johns, période Black Reign . J'avais sans doute besoin d'un fix de super-héros classique, avec plein de persos et de pouvoirs dans tous les sens, de gros enjeux, etc. Et pour ça, y a pas à dire JSA ça fait très bien le job. La JSA, c'est un peu la grand-mère des groupes super-héroïques, fondée dans les années 40, puis réactivée dans les années 60 avec les histoires JLA/JSA su multivers. C'étaient les vieux héros patrimoniaux, une époque un peu plus simple et innocente. Dans les années 80, on leur avait donné une descendance avec la série Infinity Inc . et dans les années 90, on les avait réintégrés au prix de bricolages divers à la continuité principale de DC Comics, via la série The Golden Age , de James Robinson et Paul Smith, qui interprétait la fin de cette époque en la...

La fille-araignée

Tiens, ça fait une paye que j'avais pas balancé une nouvelle inédite... Voilà un truc que j'ai écrit y a 6 mois de ça, suite à une espèce de cauchemar fiévreux. J'en ai conservé certaines ambiances, j'en ai bouché les trous, j'ai lié la sauce. Et donc, la voilà... (et à ce propos, dites-moi si ça vous dirait que je fasse des mini-éditions de certains de ces textes, je me tâte là-dessus) Elle m’est tombée dessus dans un couloir sombre de la maison abandonnée. Il s’agissait d’une vieille villa de maître, au milieu d’un parc retourné à l’état sauvage, jouxtant le canal. Nul n’y avait plus vécu depuis des décennies et elle m’avait tapé dans l’œil un jour que je promenais après le travail, un chantier que j’avais accepté pour le vieil épicier du coin. J’en avais pour quelques semaines et j’en avais profité pour visiter les alentours. Après avoir regardé autour de moi si personne ne m'observait, je m’étais glissé dans une section effondrée du mur d’enceinte, j’...

La fin du moooonde après la fin de l'année

 Ah, tiens, voilà qu'on annonce pour l'année prochaine une autre réédition, après mon Cosmonautes : C'est une version un peu augmentée et au format poche de mon essai publié à l'occasion de la précédente fin du monde, pas celle de 2020 mais celle de 2012. Je vous tiens au courant dès que les choses se précisent. Et la couve est, comme de juste, de Melchior Ascaride.

Perte en ligne

 L'autre soir, je me suis revu Jurassic Park parce que le Club de l'Etoile organisait une projo avec des commentaires de Nicolas Allard qui sortait un chouette bouquin sur le sujet. Bon outil de promo, j'avais fait exactement la même avec mon L'ancelot y a quelques années. Jurassic Park , c'est un film que j'aime vraiment bien. Chouette casting, révolution dans les effets, les dinos sont cools, y a du fond derrière (voir la vidéo de Bolchegeek sur le sujet, c'est une masterclass), du coup je le revois de temps en temps, la dernière fois c'était avec ma petite dernière qui l'avait jamais vu, alors qu'on voulait se faire une soirée chouette. Elle avait aimé Indiana Jones , je lui ai vendu le truc comme ça : "c'est le mec qui a fait les Indiana Jones qui fait un nouveau film d'aventures, mais cette fois, en plus, y a des dinos. Comment peut-on faire plus cool que ça ?" Par contre, les suites, je les ai pas revues tant que ça. L...

Matin et brouillard

On sent qu'on s'enfonce dans l'automne. C'est la troisième matinée en quelques jours où le fleuve est couvert d'une brume épaisse qui rend invisible le rideau d'arbres de l'autre côté, et fantomatique tout ce qui est tapi sur les quais : voiture, bancs, panneaux. Tout a un contraste bizarre, même la surface de l'eau, entre gris foncé et blanc laiteux, alors qu'elle est marronnasse depuis les inondations en aval, le mois dernier. Une grosse barge vient de passer, j'entends encore vaguement dans le lointain son énorme moteur diesel. Son sillage est magnifique, dans cette lumière étrange, des lignes d'ondulations obliques venant s'écraser, puis rebondir sur le bord, les creux bien sombre, les crêtes presque lumineuses. Elles rebondissent, se croisent avec celles qui arrivent, et le jeu de l'interférence commence. Certaines disparaissent d'un coup, d'autres se démultiplient en vaguelettes plus petites, mais conservant leur orienta...

IA, IA, Fhtagn

 En ce moment, je bosse entre autres sur des traductions de vieux trucs pulps apparemment inédits sous nos latitudes. C'est un peu un bordel parce qu'on travaille à partir de PDFs montés à partir de scans, et que vu le papier sur lequel étaient imprimés ces machins, c'est parfois pas clean-clean. Les illustrateurs n'avaient  vraiment peur de rien Par chance, les sites d'archives où je vais récupérer ce matos (bonne nouvelle d'ailleurs archive.org qui est mon pourvoyeur habituel en vieilleries de ce genre, semble s'être remis de la récente attaque informatique qui avait failli m'en coller une. d'attaque, je veux dire) ont parfois une version texte faite à partir d'un OCR, d'une reconnaissance de caractère. Ça aide vachement. On s'use vachement moins les yeux. Sauf que... Ben comme c'est de l'OCR en batch non relu, que le document de base est mal contrasté et avec des typos bien empâtées et un papier qui a bien bu l'encre, le t...

Sorties

Hop, vite fait, mes prochaines sorties et dédicaces : Ce week-end, le 9 novembre, je suis comme tous les ans au Campus Miskatonic de Verdun, pour y signer toute mon imposante production lovecraftienne et sans doute d'autres bouquins en prime.   Dimanche 1er décembre, je serai au Salon des Ouvrages sur la BD à la Halle des blancs manteaux à Paris, avec mes vieux complices des éditions La Cafetière. Je participerai également à un Congrès sur Lovecraft et les sciences, 5 et 6 décembre à Poitiers.

Au nom du père

 Tout dernièrement, j'ai eu des conversations sur la manière de créer des personnages. Quand on écrit, il n'y a dans ce domaine comme dans d'autre aucune règle absolue. Certains personnages naissent des nécessité structurelle du récit, et il faut alors travailler à leur faire dépasser leur fonction, d'autres naissent naturellement d'une logique de genre ou de contexte, certains sont créés patiemment et se développent de façon organique et d'autres naissent d'un coup dans la tête de leur auteur telle Athéna sortant armée de celle de Zeus. Le Père Guichardin, dans les Exilés de la plaine , est un autre genre d'animal. Lui, c'est un exilé à plus d'un titre. Il existe depuis un sacré bail, depuis bien avant le début de ma carrière d'auteur professionnel. Il est né dans une nouvelle (inédite, mais je la retravaillerai à l'occasion) écrite il y a plus d'un quart de siècle, à un moment où je tentais des expériences d'écriture. En ce temp...

Et merde...

J'avais une idée d'illus sympa, un petit détournement pour mettre ici et illustrer une vacherie sur notre Leader Minimo, histoire de tromper l'ennui que distille cette situation pré insurrectionnelle pataude et molle du chibre dans laquelle tente péniblement de se vautrer l'actualité. Et donc, comme de juste en pareil cas, je m'en étais remis à gougueule pour trouver la base de mon détournement. Le truc fastoche, un peu potache, vite fait en prenant mon café. Sauf que gougueule est impitoyable et m'a mis sous le nez les oeuvres d'au moins deux type qui avaient exactement eu la même idée que moi. Les salauds. Notez que ça valide mon idée, d'une certaine façon. Mais quand même. C'est désobligeant. Ils auraient pu m'attendre. C'est un de ces cas que mon estimable et estimé collègue, le mystérieux J.W., appelle "plagiat par anticipation". Bon, c'est plutôt pas mal fait, hein. Mais ça m'agace.

Deux-ception

 C'est complètement bizarre. Je rêve de façon récurrente d'un festival de BD qui a lieu dans une ville qui n'existe pas. L'endroit où je signe est dans un chapiteau, sur les hauteurs de la ville (un peu comme la Bulle New York à Angoulème) mais entre cet endroit et la gare routière en contrebas par laquelle j'arrive, il y a un éperon rocheux avec des restes de forteresse médiévale, ça redescend ensuite en pente assez raide, pas toujours construite, jusqu'à une cuvette où il y a les restaus, bars et hôtels où j'ai mes habitudes. L'hôtel de luxe est vraiment foutu comme ça sauf que la rue sur la droite est en très forte pente Hormis l'avenue sur laquelle donne l'hôtel de luxe (où je vais boire des coups dans jamais y loger, même en rêve je suis un loser), tout le reste du quartier c'est de la ruelle. La géographie des lieues est persistante d'un rêve à l'autre, je sais naviguer dans ce quartier. Là, cette nuit, la particularité c'ét...