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Fils de pub, le retour

"La première qualité du philosophe, c'est l'étonnement", tout ça. J'aime bien être encore capable de m'étonner parfois de banalités, de prendre du champ par rapport à ce que, à force de l'avoir sous les yeux tous les jours, nous ne voyons plus.

Et puis à l'inverse, parfois, je m'étonne de ce qui étonne les gens. De ce qui leur semble curieux ou bizarre alors qu'à moi, ça semble tomber sous le sens.

Là, je suis tombé sur une interview d'un "strategy consultant" qui commentait un sondage à propos des marques plébiscitées par les Français.

Il faut savoir que la marque arrivée en tête est celle d'une célèbre chaîne de magasins de surgelés dont le nom évoque celui d'un célèbre capitaine de l'USS Enterprise. Non, pas Kirk-o-gel. L'autre. Et c'est probablement mérité, parce que c'est vrai qu'ils font de plutôt bons produits.

Bref, ce brave monsieur qui ferait sans doute mieux de se trouver un métier en rapport avec ses compétences réelles était surpris de voir plus de marques de distribution que de marques de restauration, en ces termes : "De manière surprenante, il semble plus agréable de pousser son caddie que de prendre un repas au restaurant."

En d'autres termes, voilà encore un pauvre garçon qui semble croire que Starbucks sert du café et qu'on s'y rend pour boire du bon café. Ha ha. Je pouffe.

Il n'a pas tout à fait l'air de se rendre compte que la restauration sous enseigne et la restauration tout court, ce n'est pas exactement la même chose. Oh, il y a des petites enseignes qui sont chouettes, je pense par exemple à "Chez Papa, spécialités du Sud-Ouest", dont je ne sais même pas si ça existe encore, mais ils avaient deux ou trois restaurants dans Paris, et je ne regrettais jamais d'y aller tant on y mangeait bien. Mais ce n'est probablement pas une marque de notoriété nationale, les seules qui soient concernées par une telle enquête.

Mais alors, les grosses enseignes de restauration, c'est quoi ? McDo, Flunch et Courte Paille ? Je ne veux pas être méchant et tirer sur l'ambulance de "strategy consultants" qui ont sans doute bien plus de diplômes que moi, mais quand j'ai envie de me faire plaisir en allant au restau, ce ne sont pas dans des chaînes franchisées que je vais. Je n'y vais pas consommer de la marque, je vais essayer de trouver un cadre agréable et sympa pour passer un bon moment entre amis en mangeant raisonnablement bien, et de préférence de manger quelque chose que je n'aie pas l'habitude de manger chez moi.

Ça s'appelle un biais, ce problème rencontré par ce profond penseur. Les "strategy consultants", ils sont employés par des marques. Ils sont là pour positionner des produits. Pas étonnant, dès lors, que ce soit le caddie qui arrive en tête dans leurs études, et pas la table de formica du McDo, qui a force de notoriété et d'omniprésence est devenu le symbole d'une standardisation et d'un nivèlement par le bas. Mais en ne pensant qu'en termes de marque et de produit, ils réduisent leur champ de vision. Ils deviennent aveugles à tout le reste. Leur vision de la réalité devient complètement tronquée.

Leur outil ne correspond plus au réel. C'est cela qu'a remarqué notre grand stratège. C'est cela qui le surprend. Sa grosse faute de méthode, c'est qu'il n'arrive pas à faire de cette surprise une raison de remettre ses outils en cause.


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