En parlant cosmos hier, je me suis souvenu de ce vieux texte pondu pour SP qui évoque précisément le même sujet. Du coup, hop, je le rebalance.
En fait, je crois que ce que je reproche fondamentalement aux années 70, c'est d'avoir enterré la course à l'espace. Vous me direz qu'on a continué à aller dans l'espace après cette époque, mais c'était plus pareil. Il n'y avait plus ce sens de l'épique. La navettes spatiale n'est qu'un gros camion de l'espace, l'équivalent orbital d'un Scania ou d'un Berliet. La magie s'est enfuie.
Je ne veux pas avoir l'air d'un indécrottable nostalgique, mais quand j'étais minot, il y a de ça bien plus d'un quart de siècle, quand je ne savais même pas encore lire, je scotchais le mercredi après midi devant les reportages montrant l'homme sur la Lune. À l'époque, c'était tout frais, tout neuf, la mauvaise qualité du matériel lunaire, des retransmissions et de la télé familiale se combinant pour donner aux images un aspect fantomatique, rythmé par le bip acide des fins de communication. Sur l'écran, il se passait clairement quelque chose de pas de ce monde. Ça avait même un côté vaguement inquiétant.
Ce qui est rigolo, c'est qu'à la même époque, je ne ratais pas un épisode de Cosmos 1999. Et que je faisait clairement la différence : la Lune, la vraie, c'était ces spectres incertains sautillant dans un paysage quasi inexistant, cendreux, morne. Pis encore, sur la vraie Lune, il ne se passait rien de spécial, juste des types en train de marcher, de regarder, de sautiller... Parce que ce qui était spécial et magique, c'était déjà d'être là, d'y être arrivé en s'asseyant au sommet d'une bombe volante fabriquée par des Nazis de l'espace (mais j'ignorais que c'était les méchants des films de guerre du mardi soir qui avaient construit la fusée, à l'époque). Cosmos 1999, au contraire, c'était conçu pour le spectacle, la dramaturgie, et ça contribuait paradoxalement à banaliser le contexte lunaire lui-même. Les types portaient des costumes quasi normaux (c'était les années 70, je vous le rappelle, une autre époque, au cours de laquelle le sens esthétique des designers a connu des avatars étonnants), se posaient des problèmes normaux (c'est à dire le même genre de trucs que dans les autres séries télé que je suivais à l'époque, genre échapper au méchant du jour, ne pas faire naufrage, trouver le traître, etc.), et pour eux c'était normal de se balader aux commandes d'un Aigle, dont ils avaient de toute façon des réserves plus inépuisables que la réserve de pièces détachées Renault du garagiste yougo qui sévissait à cinquante mètre de chez moi. Toujours est-il que Cosmos 1999, j'adorais, je trouvais ça bien. Mais les reportages sur les astronautes réels, c'était autre chose. Ça, c'était carrément magique.
Quand je regarde autour de moi, je m'aperçois que rares, finalement, sont ceux que ça fait rêver, tout ça. Certains se demandent pourquoi dépenser autant d'argent pour aller dans des endroits où il n'y a même pas de pétrole. D'autres se disent que si Dieu avait voulu qu'on aille dans l'espace, il nous aurait greffé un scaphandre à la naissance. Et l'immense majorité s'en fout, ne se réveillant que quand une navette explose en vol, tuant la totalité de son équipage. Le sang fait vendre.
L'espace est devenu tristement banal. Le moindre téléviseur, le moindre téléphone, la moindre régate, le moindre bulletin météo, la moindre opération militaire dépendent du bon vouloir d'un satellite. Pire, la moindre balade en voiture dépend des satellites GPS, parce que les gens ont la flemme de lire une carte. Des Russes battent des records de durée en apesanteur dans l'indifférence générale. La magie n'y est plus, l'épopée non plus. Comme disait un savant allemand dans Ministry of Space, de Warren Ellis (Ellis qui revendique, lui, le fait d'être un space geek) : "ces gens-là n'ont pas le sens de l'opéra". Voilà, les ruptures de joint en caoutchouc et les impacts de briques réfractaires ont assassiné le mythe, le rendant tristement banal au même titre qu'un bout de pneu projeté à une vitesse quasi sonique a assassiné le Concorde.
Alors la Chine et l'Inde reparlent d'aller sur la Lune. Et les Américains, du coup, reparlent de Mars. Et de fait, il faudrait bien un défi de cette ampleur pour nous réveiller tous, pour ranimer la magie. Les rêves de nos contemporains sont de plus en plus petits. En posant le pied sur Mars, au contraire, l'homme se remettra à tutoyer les dieux.
En fait, je crois que ce que je reproche fondamentalement aux années 70, c'est d'avoir enterré la course à l'espace. Vous me direz qu'on a continué à aller dans l'espace après cette époque, mais c'était plus pareil. Il n'y avait plus ce sens de l'épique. La navettes spatiale n'est qu'un gros camion de l'espace, l'équivalent orbital d'un Scania ou d'un Berliet. La magie s'est enfuie.
Je ne veux pas avoir l'air d'un indécrottable nostalgique, mais quand j'étais minot, il y a de ça bien plus d'un quart de siècle, quand je ne savais même pas encore lire, je scotchais le mercredi après midi devant les reportages montrant l'homme sur la Lune. À l'époque, c'était tout frais, tout neuf, la mauvaise qualité du matériel lunaire, des retransmissions et de la télé familiale se combinant pour donner aux images un aspect fantomatique, rythmé par le bip acide des fins de communication. Sur l'écran, il se passait clairement quelque chose de pas de ce monde. Ça avait même un côté vaguement inquiétant.
Ouais, d'accord, on est en plein dans la surcompensation phallique, là
Mais quand même, on m'ôtera pas de l'idée que ça a de la gueule
Ce qui est rigolo, c'est qu'à la même époque, je ne ratais pas un épisode de Cosmos 1999. Et que je faisait clairement la différence : la Lune, la vraie, c'était ces spectres incertains sautillant dans un paysage quasi inexistant, cendreux, morne. Pis encore, sur la vraie Lune, il ne se passait rien de spécial, juste des types en train de marcher, de regarder, de sautiller... Parce que ce qui était spécial et magique, c'était déjà d'être là, d'y être arrivé en s'asseyant au sommet d'une bombe volante fabriquée par des Nazis de l'espace (mais j'ignorais que c'était les méchants des films de guerre du mardi soir qui avaient construit la fusée, à l'époque). Cosmos 1999, au contraire, c'était conçu pour le spectacle, la dramaturgie, et ça contribuait paradoxalement à banaliser le contexte lunaire lui-même. Les types portaient des costumes quasi normaux (c'était les années 70, je vous le rappelle, une autre époque, au cours de laquelle le sens esthétique des designers a connu des avatars étonnants), se posaient des problèmes normaux (c'est à dire le même genre de trucs que dans les autres séries télé que je suivais à l'époque, genre échapper au méchant du jour, ne pas faire naufrage, trouver le traître, etc.), et pour eux c'était normal de se balader aux commandes d'un Aigle, dont ils avaient de toute façon des réserves plus inépuisables que la réserve de pièces détachées Renault du garagiste yougo qui sévissait à cinquante mètre de chez moi. Toujours est-il que Cosmos 1999, j'adorais, je trouvais ça bien. Mais les reportages sur les astronautes réels, c'était autre chose. Ça, c'était carrément magique.
Fantômes d'époques enfuies
L'espace est devenu tristement banal. Le moindre téléviseur, le moindre téléphone, la moindre régate, le moindre bulletin météo, la moindre opération militaire dépendent du bon vouloir d'un satellite. Pire, la moindre balade en voiture dépend des satellites GPS, parce que les gens ont la flemme de lire une carte. Des Russes battent des records de durée en apesanteur dans l'indifférence générale. La magie n'y est plus, l'épopée non plus. Comme disait un savant allemand dans Ministry of Space, de Warren Ellis (Ellis qui revendique, lui, le fait d'être un space geek) : "ces gens-là n'ont pas le sens de l'opéra". Voilà, les ruptures de joint en caoutchouc et les impacts de briques réfractaires ont assassiné le mythe, le rendant tristement banal au même titre qu'un bout de pneu projeté à une vitesse quasi sonique a assassiné le Concorde.
Mars, et ça repart !
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