Accéder au contenu principal

En fait, je me demande si je suis pas plus heureux dans mon bunker

Tout avait pourtant bien commencé. Comme ça m'arrive de temps à autres, il avait fallu que je me rende sur Paris. J'avais des papiers à poser chez un éditeur, une réunion de calage avec un coauteur pour affiner des trucs sur un bouquin, et entre les deux, je déjeunais avec un collègue scénariste.

L'éditeur, je bosse depuis des années avec sans souci. Donc de ce côté là, aucun problème. Le coauteur, on s'entend bien, on veut vraiment assurer sur le bouquin, on a avancé. Donc là, aucun problème non plus. Le collègue, très sympa, en plus le petit restaurant faisait un saint Marcelin pané qui était juste une tuerie, et un rôti de porc miel et romarin qui relevait de la pure poésie gustative.

Donc franchement, que demander de plus ? Hein ? Elle était quand même plutôt positive, la journée.

Mais ça impliquait de crapahuter dans Paris en croisant des gens. Et ça, ça devient de plus en plus dur.

Déjà, on croise Guillaume Musso avec son pull à capuche de jeune (ou de fanboy de Zuckerberg, en fait je le soupçonne d'avoir un compte fèces-bouc et d'en être très content) sur à peu près tous les murs. D'accord, on a pigé, il a dépassé Marc Levy en chiffres de vente alors son éditeur est tout content et casse la tirelire pour faire encore plus de promo (en vertu de ce principe selon lequel les éditeurs ne font de la pub que pour ce qui marche déjà, histoire d'être sûrs que ça se vende. on m'a dit de ne pas m'inquiéter de ce genre de conceptions, que c'est pour ça qu'eux sont éditeurs, des gens sérieux avec pignon sur rue et moi un pauvre couillon d'auteur tout juste bon à aligner des mots pour remplir des bouquins, je ne peux pas me hisser à ce niveau d'ineffable stratégisation du monde), et je dois admettre que ça me déprime quand même assez sévèrement.

Il y a aussi un truc plus grave : par les beaux temps qui courent, les femmes arborent facilement de jolis décolletés. Ça devrait me combler d'aise, pourtant, mais dans les faits, l'association décolleté + gros tatouage gothique à base de têtes baveuses de toutes les couleurs en travers de la poitrine, je peux juste pas. Ça convoque pas les bonnes associations d'idées et en plus c'est pas joli.

Mais encore, ça, ça relevait plutôt d'un mauvais goût très sûr et totalement assumé. Pourquoi pas. Il faut de tout pour faire un monde, disaient ces grands philosophes de notre temps qu'étaient Arnold et Willie (y en a un qui est mort d'une overdose, je crois). Donc admettons, à la limite, des jolies filles qui se massacrent, je suis pas à ça près. Mais faut dire ce qui est, tatouage et piercing ce sont des trucs que je comprends assez mal. C'est comme les bijoux (un truc dont l'intérêt intrinsèque m'échappe déjà passablement), mais avec en plus le côté définitif, pas droit à l'erreur. Je m'intéresse pas assez à ma carcasse pour aller la customiser de la sorte. C'est mon côté janséniste-punk, en somme.

Mais le truc qui a été très dur, qui a déclenché ma réaction de panique face au monde dans lequel je vis, ce fut dans le métro. Des vieux violonistes du métro, il y en a de toutes sortes, dans des catégories allant du juste mauvais à l'épouvantablement criard. Celui d'aujourd'hui lorgnait plutôt vers la seconde catégorie. Jusque là, pareil, on se dit qu'on n'a que deux ou trois stations à souffrir, l'esprit humain peut occulter un brouhaha pour peu qu'il soit vaguement régulier. Mais ce violoneux sadique s'arrêtait net au milieu d'une démonstration de crissements frénétiques et suraigus pour nous lancer un "meeeeessieurs dames !" avant de reprendre de plus belle. Et quand il est passé entre les voyageurs en tendant la patte dans l'espoir délirant de se faire rémunérer ces cacophonies terroristes, j'ai vu que cet immonde salopard avait des binious auditifs pour sourds, qu'il avait probablement dû couper avant de jouer. Comme ça il n'avait même pas à souffrir de ce qu'il nous infligeait. L'intention de nuire portée à ce degré, ça dépasse la fascination du mal, ça dépasse le sadisme, c'est juste indicible.

Au moment où j'écris ces lignes, je suis à nouveau dans mon cher bureau/bunker/bibliothèque. Et j'envisage d'installer une Gatling devant.

Le monde extérieur devient de plus en plus terrifiant, en fait. Comme dans les films de zombies.

Commentaires

Anonyme a dit…
Arnold est mort de maladie me semble-t-il. Willy a bien fait une overdose dans sa jeunesse, mais il a compris que c'était pas bien et il a préféré embrasser une carrière d'agent de sécurité avant d'essayer de revenir aux affaires cinématographiques.
C'est Dana Plato (qui jouait la grande sœur adoptive) qui est mort d'une overdose...
Voilà, voilà. Sinon, je suis aussi à Paris en ce moment, et je confirme que ça me soule grave !
soyouz a dit…
Ah ah ah, t'as pas tort, mais tu fais déjà presque vieux con ! T'es prêt pour la retraite !



(on dirait presque du Manti !)
Gewll a dit…
Bon,alors!La campagne c'est pour quand?
C'est vrai qu'il faut aimer les bestioles pas toujours sympatiques comme des moucherons qui m'ont empoisonné le vie pendant que je plantait mes pieds de tomates,mais quel silence!
JayWicky a dit…
Non, c'était pour dire rien du tout, c'était juste pour signaler que depuis que superpouvoir.com est mort, j'en suis réduit à mettre en lien des pages Zuckerbiergiennes sur mon nom (cliquez dessus, pour voir) pour que l'un de mes vieux textes ait encore une sorte de vie sur Internet.

Vous me direz : pourquoi ne pas reposter tes vieux textes sur le nouveau superpouvoir, Jéjé?

Et je vous répondrai : Haha ! Oui.
Alex Nikolavitch a dit…
Sauf que ça marque indisponible, mon Jéjé ! alors peut-être que c'est le concept.... je sais pas...
JayWicky a dit…
... je crois que c'est Facebook, faut pas chercher à comprendre.

Enfin, pour résumer, quelqu'un avait visiblement mis en ligne mon texte "X-Files contre X-Men", qui parlait de... je ne sais plus trop quoi, en fait.

Tiens, en passant par Google, ça marche :

http://fr-fr.facebook.com/note.php?note_id=202836536455101

Va comprendre, Charles.

Posts les plus consultés de ce blog

My mama said to get things done...

Je suis passé à Aurore Système, petit salon de SF organisé à Ground Control, à Paris, par la librairie Charybde. Je ne connaissais pas le lieu, que j'ai découvert et qui est très chouette. Je venais surtout pour une table ronde sur l'IA, qui est un des sujet importants de nos jours et déchaîne les passions, surtout sous sa forme "générative", les chat GPT, Midjourney et autres. Je me suis tenu un peu à l'écart de ces trucs-là, pour ma part. Je suis très méfiant (même s'il m'est arrivé d'employer Deep-L professionnellement pour dégrossir des traductions du français vers l'anglais, que je retravaillais en profondeur ensuite), parce que l'ai bien conscience du processus et des arrières pensées derrière. J'en ai déjà causé sur ce blog, ici et ici .  La table ronde réunissait trois pointures, Olivier Paquet, Catherine Dufour et Saul Pandelakis, qui ont écrit sur le sujet, et pas mal réfléchi. Lors des questions qui ont suivi, on a eu aussi une...

Un bouquin pour les gouverner tous

  Tiens, j'en avais pas encore causé parce que j'attendais que ce soit officialisé, mais le prochain Pop Icons portera ma signature et sur J.R.R. Tolkien (oui, je tente le zeugme acrobatique, je suis comme ça). Comme pour mon précédent, consacré à H.P. Lovecraft, il y aura une campagne de financement participatif , mais  on pourra aussi le trouver en kiosque et en librairie d'ici la fin du mois prochain. Je suis un peu moins pointu à la base en Tolkien qu'en Lovecraft, mais j'ai fait mes devoirs pour l'occasion, découvrant pas mal de trucs que je n'avais pas lus jusqu'alors, notamment ses correspondances. Voilà, foncez, pour Eorlingas, la Comté et tout le reste !    

De géants guerriers celtes

Avec la fin des Moutons, je m'aperçois que certains textes publiés en anthologies deviennent indisponibles. J'aimais bien celui-ci, que j'ai sérieusement galéré à écrire à l'époque. Le sujet, c'est notre vision de l'héroïsme à l'aune de l'histoire de Cúchulainn, le "chien du forgeron". J'avais par ailleurs parlé du personnage ici, à l'occasion du roman que Camille Leboulanger avait consacré au personnage . C'est une lecture hautement recommandable.     Cúchulainn, modèle de héros ? Guerrier mythique ayant vécu, selon la légende, aux premiers temps de l’Empire Romain et du Christianisme, mais aux franges du monde connu de l’époque, Cúchulainn a, à nos yeux, quelque chose de profondément exotique. En effet, le « Chien du forgeron » ne semble ni lancé dans une quête initiatique, ni porteur des valeurs que nous associons désormais à l’héroïsme. Et pourtant, sa nature de grand héros épique demeure indiscutable, ou en tout cas...

Le grand livre des songes

 Encore un rêve où je passais voir un de mes éditeurs. Et bien sûr, celui que j'allais voir n'existe pas à l'état de veille, on sent dans la disposition des locaux, dans les gens présents, dans le type de bouquins un mix de six ou sept maisons avec lesquelles j'ai pu travailler à des titres divers (et même un peu d'une agence de presse où j'avais bossé du temps de ma jeunesse folle). Et, bien sûr, je ne repars pas sans que des gars bossant là-bas ne me filent une poignée de bouquins à emporter. Y avait des comics de Green Lantern, un roman, un truc sur Nightwing, un roman graphique à l'ambiance bizarre mettant en parallèle diverses guerres. Je repars, je m'aperçois que j'ai oublié de demander une nouveauté qui m'intéressait particulièrement, un autre roman graphique. Ça vient de fermer, mais la porte principale n'a pas encore été verrouillée. Je passe la tête, j'appelle. J'ai ma lourde pile de bouquins sous le bras. Clic. C'était ...

Medium

 Un truc que je fais de temps en temps, c'est de la médiation culturelle. Ce n'est pas mon métier, mais je connais suffisamment bien un certain nombre de sujets pour qu'on fasse appel à moi, parfois, pour accompagner des groupes scolaires dans des expos, des trucs comme ça. Là, on m'a appelé un peu à l'arrache pour accompagner une animation interactive sur les mangas, et notamment les mangas de sport, avec des groupes de centres de loisirs. Bon, c'est pas ma discipline de prédilection, j'ai révisé un peu vite fait. Le truc, c'est qu'on m'en a causé la semaine passée. La personne qui devait s'en charger était pas trop sur d'elle. La mairie du coin (dans une banlieue un poil sensible) voyait pas le truc bien s'emmancher, la patronne d'une asso où je donne des cours l'a su, a balancé mon nom, m'a prévenu... Et c'en était resté là. Je restais à dispo au cas où. On m'a rappelé ce matin "bon, on va avoir besoin de t...

Sweet sixteen

Bon, ayé, nous voilà en 2016, donc tous mes vœux à tous. Et comme bonne résolution de nouvel an, et comme les années précédente, j'ai pris la résolution de ne pas prendre de bonnes résolutions. Parce que primo on ne les tient pas, et secundo on a mauvaise conscience de ne pas les tenir, donc c'est doublement contre-productif. Hier soir, pour le réveillon, il a fallu que je me démerde pour servir un truc sympa un peu au débotté, à l'arrache, avec ce que j'ai pu dénicher à la supérette du coin, préalablement pillée par d'autres retardataires juste un peu moins retardataires que moi. Déjà qu'ils n'ont pas des masses de choix en temps normal, là c'était un peu le Sud Soudan. Donc outre les entrées basiques, petits canapés agrémentés de garnitures sympas, j'ai préparé un truc un peu nouvelle cuisine, dont l'idée mes venue en furetant dans le rayon (bon, si ça se trouve, ça existe déjà, mais j'ai trouvé le truc, de mon côté, en faisant un jeu...

Unions, ré-unions, il en restera toujours quelque chose si on s'y prend pas comme des chancres

 Bon, j'en ai jamais fait mystère, mais j'ai tendance à faire savoir autour de moi que la réunionite est un peu le cancer de notre société moderne. Je supporte pas les grandes tablées où, passé l'ordre du jour ça oscille entre le concours de bite et la branlette en rond, pour des résultats concerts qui seraient obtenus en règle générale avec un mail de dix lignes.   éviter la Cogip   Quoi ? Oui, je suis inapte au simagrées du monde de l'entreprise moderne, chacun de mes passages dans des grands groupes m'a convaincu que c'étaient des carnavals de... non, aucun mot utilisable en public ne me vient. Et mes passages aux conseils d'administrations d'associations n'ont pas été mieux. Le problème, ce n'est même pas la structure, qu'elle soit filiale d'un truc caquaranqué ou petit truc local tenu avec des bouts de ficelle. Et pourtant, des fois, faut bien en passer par là, j'en ai conscience. Voir les gens en vrai, se poser autour d'une ...

Le diable dans les détails

 La nouvelle série Daredevil, Born Again vient de commencer chez Disney, reprenant les mêmes acteurs que l'ancienne et développant des choses intéressantes, pour ce qu'on en voit jusqu'ici, faisant évoluer la relation entre Fisk et Murdock, le Kingpin étant désormais traité sous un angle plus politique, avec quelques coups de pieds de l'âne envers Trump et ses thuriféraires, ce qui après tout est de bonne guerre. J'étais un peu passé à côté de la vieille série, dont je n'avais pas vu grand-chose, mais je j'ai tranquillement rattrapé ces derniers temps, la réévaluant à la hausse.   Du coup, ça m'a surtout donné envie de me remettre aux comics. Daredevil, c'est un personnage que j'ai toujours bien aimé. Je me suis donc refait tous les Miller en une petite semaine. Hormis quelques épisodes, je n'avais pas relu ça d'un bloc depuis une bonne dizaine d'années. Ça reste un des runs fondamentaux sur le personnage, et tout ce qui vient après...

Numérologie

Tous les auteurs, je crois, ont leur petites coquetteries et afféteries d'écriture, des trucs auxquels ils tiennent et qui ne fascinent généralement qu'eux, et que personne ne remarque vraiment.   Bon, tout le monde a remarqué mes titres alambiquées sur la trilogie du Chien Noir , en allitération, reprenant la première phrase de chaque roman. C'était pour moi un moyen de me glisser dans des formes très anciennes, des codes de l'épopée, même si, fondamentalement, je ne sais pas si ces textes constituent en soi des épopées. Ils ont quelques moments épiques, je crois, mais ce n'en est pas la clé principale. Plus discret, il y a un jeu numérologique qui a émergé en cours de route. Mais reprenons : Trois Coracles, au départ, était conçu comme un one shot . Ce qui m'avait motivé, je l'ai déjà raconté, c'était l'histoire d'Uther, j'avais l'idée de transformer cette note en bas de page du récit arthurien en intrigue principale. Une fois le roman...

We have ignition !

Ayé, je viens de recevoir au courrier un exemplaire de Cosmonautes ! les Conquerants de l'Espace , mon dernier bouquin en date. L'on y explore deux mille ans et plus de projections vers le firmament, et c'est chez les Moutons électriques, excellent éditeur chez qui j'avais déjà commis Mythe & Super-Héros , Apocalypses ! une brève histoire de la fin des temps ainsi que diverses petites choses dans la revue Fiction .    Le mois prochain, vous pourrez aussi me retrouver dans le Dico des Créatures Oubliées , aux côtés de gens fort estimables comme Patrick Marcel, André-François Ruaud, Xavier Mauméjean ou Richard D. Nolane, et j'en passe. Ça sortira le 2 octobre, toujours chez les Moutons électriques.