Accéder au contenu principal

Les derniers du culte

 Pour des raisons compliquées de discussions diverses et de visionnage de conférences par des spécialistes qui donnaient des éclairages intéressants sur le sujet, j'ai remis le nez dans certains prophètes mineurs de l'Ancien Testament.

Ce qui est l'occasion d'une homélie du dimanche, ce qui tombe toujours bien.

Ces gens là avaient une tablette connectée au cloud
C'est fou quand on y pense

C'est assez curieux, les Prophètes. La plupart de leurs textes sont des écrits de circonstance, correspondant à un événement politique qui leur semblait crucial et aurait été oublié sans eux. Un roi qui se déculotte trop vite devant les Assyriens, un autre qui va privilégier tel clan de prêtres par rapport à tel autre, etc. Les fulminations contre Moab ou Edom nous parlent peu, ces peuples n'ont pas pesé bien lourd face à certaines tempêtes de l'Histoire. Les condamnations de Guilgal ou Beth-Aven non plus, je connais peu de gens capables de situer ces villes sur une carte. Tout au plus (et c'est là que ça devient intéressant, en tout cas à mes yeux) comprend-on que ces cités (des trucs qui étaient petits même pour l'époque, s'ils y avait dix mille clampins dedans ça devait être le max) (la capitale d'Egypte, c'était cinquante mille âmes, autant dire une sous-préfecture), que ces cités, donc, contenaient des sanctuaires de l'Eternel.

En creux, ces textes, lorsqu'on parvient à les remettre dans un semblant d'ordre chronologique et à situer la région de leur production, permettent de peindre un tableau, certes parcellaire, mais éclairant, des réformes religieuses en cours à l'époque.

Parce qu'il faut oublier l'image d'Epinal du "Temple de Salomon", imposant et altier, se dressant depuis l'an Mille avant notre ère sur ce qui est devenu depuis l'esplanade des mosquées. Si Salomon a construit quelque chose, c'était probablement bien moins spectaculaire que ce qui nous est décrit. Et à ce moment-là, ce n'était qu'un lieu de culte parmi d'autres pour les Hébreux, qui depuis des temps immémoriaux avaient pour habitude d'improviser des autels sur les "hauts lieux", et parfois de les pérenniser par la suite.

C'est tardivement, lorsque le Royaume du Nord commencent à crouler, que les prêtres de Jérusalem commencent à glisser l'idée que leur temple est le seul vrai, et que les rois en profitaient pour consolider leur propre pouvoir, que commencent ces fulminations contre tous les autres sanctuaires.

Et là, coup de génie de tout ce beau monde, c'est de rendre plus abstrait le culte. Alors que dans les campagnes, les gens ont chez eux des figurines de terre cuite représentant Yahweh (accompagné parfois de sa femme Ashera, oui, oui), la pensée philosophique et théologique de la prêtrise tend à le rendre plus abstrait. Le temple de Jérusalem est le premier qui supprime l'idole, et condamne dès lors comme idolâtres tous ceux qui contiennent encore des veaux d'or, représentation classique du dieu devenu Dieu.

Le mouvement commence aux alentours du règne d'Ézéchias, vers 700, et s'achève sous Josias, entre 640 et 620. On ignore quand le dieu Yahweh s'assimile complètement à son père El (ou El Shaddaï), dieu de l'étendue céleste, "l'ancien des jours à la grande barbe" dont on a une description chez Ezéchiel vers 580, mais où la fusion semble totale (Dieu y pilote une espèce de vaisseau spatial, trônant au milieu comme un capitaine dans Star Trek). Car oui, jusqu'à une date relativement tardive, les Hébreux sont polythéistes, et le récit biblique inverse sciemment le sens de diverses réformes afin d'éradiquer des esprits les formes anciennes du culte.

Décortiquer ces textes anciens et cryptiques est un passe-temps que je m'accorde à l'occasion.

Cette fois-ci, ça m'a d'ailleurs donné un grand méchant flashback, me renvoyant à un rêve que j'ai fait plusieurs fois l'an passé, et que j'avais oublié. On me confiait une vieille édition de la Bible, contenant des Chroniques supplémentaires, et surtout une foultitude de petits prophètes additionnels fulminant contre tout et n'importe quoi, apportant des pièces manquantes au grand puzzle déglingué qu'est l'histoire sainte.

Je ne sais plus ce que ça disait. De mémoire, c'était labyrinthique, un jeu de piste textuel et touffu. Peut-être ai-je, dans le secret de mon sommeil, eu accès à une révélation immense. Ou pas.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Dans le coin

 Tiens, je m'avise que j'ai fait un peu silence radio, dernièrement. La faute à pas mal de cavalcade. Marmande d'abord, en chouette compagnie, puis Limoges. Agréablement surpris par Limoges, d'ailleurs. J'y ai été fort bien accueilli, le vieux centre ville historique est très sympa, ça s'est merveilleusement bien passé. Seul bémol, la petite crèche chopée au retour, à passer d'espace climatisés un peu fort à des nids à courants d'air lors des correspondances. Bref.  Pour ceux qui n'y étaient pas, la conf limousine sur H.P. vous savez qui.     L'autre info du moment, c'est la fondation des éditions Askabak, par de vieux complices à moi. Je pense que vous reconnaîtrez la patte graphique. Première sortie annoncée, Les Demeures terribles , une anthologie fantastique.  Bien entendu, je serai dedans, avec un texte intitulé "Vortace".

C Jérôme

 Ah, on me souffle dans l'oreillette que c'est la Saint Jérôme, en l'hommage au patron des traducteurs, et plus précisément des traducteurs qui se fâchent avec tout le monde, parce qu'il était très doué dans ce second domaine, le gaillard.   Jéjé par Léonard   Bon, après, et à sa décharge, c'est une époque où le dogme est pas totalement fixé et où tout le monde s'engueule en s'envoyant des accusations d'hérésie à la figure. À cette occasion, le Jéjé se montre plus polémique que traducteur et doit se défendre parce qu'il a aussi traduit des types convaincus ensuite d'hérésie. De nos jours, son grand oeuvre c'est la traduction latine de la Bible. Ce n'est pas la première du genre, mais c'est la plus précise de l'époque. Il s'est fondé notamment sur une version d'Origène (un des hérétiques qui lui vaudront des problèmes) qui mettait en colonnes six versions du texte, deux en hébreu et quatre en grec et fait des recherches de ...

Si tu ne viens pas à Cthulhu, Cthulhu viendra à toi !

Ça ne change pas, je vais encore passer du temps et noircir du papier à cause de Lovecraft. Il ne me lâchera jamais. Ou je ne le lâcherai pas, c'est comme une valse indicible.    Bref, dans les semaines à venir, il va encore y avoir du tentacule, c'est moi qui vous le dis. Jeudi 9  octobre à 18h30 je donnerai une conférence sur Lovecraft à la Bibliothèque Francophone Multimédia (non, je ne suis pas invité sur BFM, je me respecte, un peu, quand même) de Limoges. Si vous avez des bouquins à signer, amenez-les, c'est prévu.   Vendredi 21 et samedi 22 novembre je serai au Campus Miskatonic de Verdun comme tous les ans, et cette année, en partenariat avec Actu-SF il y aura une anthologie thématique, Pixels Hallucinés, à laquelle je participe. Par ailleurs, le samedi 3 octobre je serai à Marmande pour le petit salon des Ukronies du Val, dans un joli cadre et avec une organisation très sympathique. 

Dans la vallée, oho, de l'IA

 J'en avais déjà parlé ici , le contenu généré par IA (ou pour mieux dire, par LLM) envahit tout. Je bloque à vue des dizaines de chaînes par semaine pour ne pas polluer mes recommandations, mais il en pope tous les jours, avec du contenu de très basse qualité, fabriqué à la chaîne pour causer histoire ou science ou cinéma avec des textes assez nuls et des images collées au petit bonheur la chance, pour lequel je ne veux pas utiliser de bande passante ni perdre mon temps.   Ça me permet de faire un tri, d'avoir des vidéos d'assez bonne qualité. J'y tiens, depuis des années c'est ce qui remplace la télé pour moi. Le problème, c'est que tout le monde ne voit pas le problème. Plein de gens consomment ça parce que ça leur suffit, visiblement. Je suis lancé dans cette réflexion en prenant un train de banlieue ce matin. Un vieux regardait une vidéo de ce genre sans écouteurs (ça aussi, ça m'agace) et du coup, comme il était à deux places de moi, j'ai pu en ...

Chronique des années de Peste, livre 15

 Normalement, on arrive à cette période de l'année où mes aventures absurdes en Charente alimentent la War Zone. Pas cette fois-ci, vu que le festival est reporté en juin. Et vu l'ambiance, pas sûr que j'y aille, ne serait-ce que pour soutenir le mouvement des collègues appelant au boycott du festival tant que certaines choses n'auront pas été revues au niveau du statut des auteurs, notamment au niveau des conditions de venue en festival. On échange donc avec les copains des messages gag nous donnant rendez-vous à tel ou tel bar d'Angoulème, et c'est quand même bien grinçant. On rit tellement jaune qu'on s'interroge sur l'état de notre foie, ou qu'on se croit dans les Simpsons. Alors qu'en vrai, nos gouvernants fonctionnent comme dans un épisode de South Park. Bref, tenez pas compte, je suis aigri et grognon, là, entre ces confinements qui devraient en être mais n'en sont pas, et ont tous les inconvénients des vrais sans en avoir l'ef...

Le Messie de Dune saga l'autre

Hop, suite de l'article de l'autre jour sur Dune. Là encore, j'ai un petit peu remanié l'article original publié il y a trois ans. Je ne sais pas si vous avez vu l'argumentaire des "interquelles" (oui, c'est le terme qu'ils emploient) de Kevin J. En Personne, l'Attila de la littérature science-fictive. Il y a un proverbe qui parle de nains juchés sur les épaules de géants, mais l'expression implique que les nains voient plus loin, du coup, que les géants sur lesquels ils se juchent. Alors que Kevin J., non. Il monte sur les épaules d'un géant, mais ce n'est pas pour regarder plus loin, c'est pour regarder par terre. C'est triste, je trouve. Donc, voyons l'argumentaire de Paul le Prophète, l'histoire secrète entre Dune et le Messie de Dune. Et l'argumentaire pose cette question taraudante : dans Dune, Paul est un jeune et gentil idéaliste qui combat des méchants affreux. Dans Le Messie de Dune, il est d...

Bonneteau sémantique

Bon, même si j'ai pas vraiment d'éditeur en ce moment, pour les raisons que vous savez (si vous êtes éditeur et que je vous ai pas encore embêté en vous envoyant mes trucs, manifestez-vous), je continue à écrire.   Avec le temps, j'en ai déjà causé, je suis devenu de plus en plus "jardinier", en ce sens que quand je commence à écrire, je n'ai plus qu'un plan très succinct, indiquant juste la direction du récit et ses grosses balises et je me laisse porter par les situations et les personnages. Bon, une des raisons, c'est que quand je faisais des plans détaillés, j'en foutais la moitié au panier en cours de route. Une autre, c'est que je me fais plus confiance, à force. Là où j'ai changé mon fusil d'épaule, c'est que le truc sur lequel je bosse en ce moment est un roman d'anticipation (développant l'univers posé dans quelques unes de mes nouvelles, on retrouve d'ailleurs un personnage) et pas de fantasy. Mon plan se rédui...

Romulus et Rémus sont dans un vaisseau

 Comme il y a des domaines sur lesquels je suis toujours un poil à la bourre, j'ai enfin vu Alien : Romulus . J'avais eu l'intention d'y aller en salle, mais pour des problèmes d'emploi du temps, ça ne s'était pas fait. Et de toute façon, vous le savez si vous me lisez depuis longtemps, j'avais signé l'avis de décès de la licence Alien il y a déjà quelques années. Bon, hier soir, après avoir passé quelques heures en recherches perso sur des sujets obscurs (le proto-canon paulinien de Marcion, ça vous parle ? Probablement pas), je me suis calé devant la télé, et en fouillant dans les menus des plateformes, je suis tombé sur Romulus et je me suis dit : allez. Y a quinze jours, en faisant la même démarche, j'étais tombé sur le documentaire de Werner Herzog sur Bokassa. Pas exactement le même délire. Je ne m'attendais pas à grand-chose. J'avais vu passer des critiques pas très sympa. Ceci dit, les bandes annonces m'avaient fait envie : décor...

Sonja la rousse, Sonja belle et farouche, ta vie a le goût d'aventure

 Je m'avise que ça fait bien des lunes que je ne m'étais pas penché sur une adaptation de Robert E. Howard au cinoche. Peut-être est-ce à cause du décès de Frank Thorne, que j'évoquais dernièrement chez Jonah J. Monsieur Bruce , ou parce que j'ai lu ou relu pas mal d'histoires de Sonja, j'en causais par exemple en juillet dernier , ou bien parce que quelqu'un a évoqué la bande-son d'Ennio Morricone, mais j'ai enfin vu Red Sonja , le film, sorti sous nos latitudes sous le titre Kalidor, la légende du talisman .   On va parler de ça, aujourd'hui Sortant d'une période de rush en termes de boulot, réfléchissant depuis la sortie de ma vidéo sur le slip en fourrure de Conan à comment lui donner une suite consacrée au bikini en fer de Sonja, j'ai fini par redescendre dans les enfers cinématographiques des adaptations howardiennes. Celle-ci a un statut tout particulier, puisque Red Sonja n'est pas à proprement parler une création de Robert H...

Révisions, rétrocontinuité et crises infinies, quand les héros fuient leur passé

Encore une rediff, un gros article que j'avais publié dans l'antho des Moutons électriques  Super-héros : Sous le masque. Les univers de super-héros se « rebootent » à intervalles réguliers, partiellement ou complètement. Les histoires redémarrent à zéro et l’on en profite pour dépoussiérer les concepts. Mais pourquoi ce révisionnisme ? Pourquoi le Superman de 1938 n’est-il plus exactement le même personnage que celui de 1954, de 1988 ou de 2012 ? Le temps qui passe est-il la kryptonite de ces personnages costumés ? Lorsque Siegel et Shuster créent Superman au milieu des années 1930, ils n’ont encore aucune idée de la postérité à venir de leur personnage. Et pour cause : personne chez l’éditeur n’y croit et la première histoire publiée en 1938 l’est à titre de bouche-trou dans Action Comics n°1. Mais le succès immédiat engendre des imitations et détournements, et au fil des années qui suivent, on voit apparaître Batman, Human Torch, Sub Mariner, Wonder Woman, Captain America et...