Accéder au contenu principal

Writever août, part 1

 

1/
Drôle d'endroit pour une rencontre. La princesse Wulfagarde croisa le sabotier Martibert en cherchant son chemin dans la forêt interdite. Ils trouvèrent la sortie ensemble, furent embastillés séparément et se retrouvèrent dix ans plus tard à l'autre bout du monde.
 
2/
Martibert et Wulfagarde se passèrent alors du consentement royal et se marièrent sur une barcasse dont le patron pêcheur avait été nommé capitaine pour l'occasion. Il les emmena ensuite sur l'île d'Hybernon, à laquelle aucun des royaumes voisins ne s'intéressait.
 
3/
Les deux guerriers mythiques du royaume, Dachille et Jonathocle, partageaient tout, les repas, les honneurs, la bataille, les armes, les butins, la tente, et même le grabat. D'après les exégètes, c'était la preuve qu'ils étaient "très bons amis".
 
4/
Le roi Arthulf et la reine Gontrade avaient souffert de leur mariage arrangé. Puis était née une complicité, ils s'ingéniaient à dresser les courtisans détestables les uns contre les autres. Cela les amusait fort, et leur mariage fut heureux, au milieu des cadavres.
 
5/
Il suffit d'une étincelle pour mettre le feu au lac. L'amant de la reine Frédénièvre défia le chambellan en duel, celui-ci le trucida pour le compte, la cour se scinda en deux, le roi incendia le palais à l'occasion d'un banquet... La fin de règne fut plus paisible.
 
6/
Après la trahison du maire du palais Carowilf, il fallait restaurer la confiance à la cour. Quelques exécutions publiques devaient y pourvoir, sans grand résultat. Le roi embaucha un mage hypnotiseur. En transe, l'entourage royal s'avéra plus docile, mais fort sot.
 
7/
Le sourire de la madone, à l'église du palais, était réputé pour redonner une chance en amour aux plus défavorisés des soupirants. C'était devenu un pèlerinage très couru, et une source de revenus non négligeable pour la couronne.
 
8/
Le texte du moine Ardubélard sur les liens sacrés du mariage avait été fort lu, mais fort mal compris. Pendant un siècle, les pratiques BDSM dominèrent dans tout le royaume. La ville de Chibarit, où l'on fabriquait de la cordelette, connut une prospérité sans égale.
 
9/
De même, le traité de Saint Daquain sur le regard porté aux choses a généré une phobie de voir l'illicite. Verres fumés, oeillères ou bandeaux devinrent à la mode, avec les accidents qu'on imagine. Il fallut la réforme de Saint Trusquin pour décriminaliser la vue.
 
10/
Les mariages princiers étaient tous arrangés, bien sûr, mais les fiançailles donnaient lieu à des déclarations qu'il fallait répéter auparavant. Le manque de sincérité de la chose était largement compensé par la qualité des mentors, tous premiers prix de l'opéra.
 
11/
Le roi Chibard avait voulu réinstituer la polygamie. À demi illettré, il devait confier la rédaction finale des actes à la reine Sigeberthe, qui lui joua un tour de sa façon. Les époux royaux y avaient droit tous les deux, et purent entretenir chacun un harem.
 
12/
Les douves du château étaient vides jusqu'au printemps. Leurs recoins devenaient, à la mauvaise saison, le lieu des rendez-vous galants. Bon, lorsque le roi y donna rendez-vous à une suivante, et la reine à un page le même soir, il y eut quelques réorganisations.
 
13/
La Passsion de Sainte Crudégonde était une pièce qui se jouait chaque année au couvent qu'elle avait fondé, pour l'anniversaire de sa mort. L'évêché ne percevait pas le sous-texte scabreux de ce spectacle censément édifiant. Les soeurs, elles, le savaient bien.
 
14/
Au palais de Lodruwig, le jeu de la séduction s'était codifié à l'extrême. On portait mouches, rubans colorés et autres pour se signaler à sa cible. Celui qui se mélangeait dans leurs signaux était l'objet de moqueries et retournait sur ses terres. La cour se vida.
 
15/
Crânes d'ennemis pour renouveler la vaisselle, dépouilles fraîches de sangliers devant la porte, les menues attentions de Thiodobert pour Frédéradre furent le ciment d'un règne heureux : même pour une nature délicate comme la reine, c'était l'intention qui comptait.

Commentaires

Tororo a dit…
Délectable, comme les précédents. Juste une question: "Celui qui se mélangeait dans leurs signaux était l'objet de moqueries et retournait sur leur terres", ça m'a d'abord semblé bizarre, après je me suis dit que c'était peut-être exprès?
Alex Nikolavitch a dit…
bien vu. c'est couillon, mais comme c'est pour des tweets, parfois je modifie les singuliers/pluriels juste pour rentrer dans le nombre de caractères. et des fois, je me loupe.

je vais corriger.
Tororo a dit…
Ha ha, je commençais à me dire que c'était une subtilité que j'avais mal comprise (que la dernière phrase envoie plein de signaux contradictoires) et que c'était moi qui est couillon.
Bon, je rentrent sur mes terres.

Posts les plus consultés de ce blog

Bonneteau sémantique

Bon, même si j'ai pas vraiment d'éditeur en ce moment, pour les raisons que vous savez (si vous êtes éditeur et que je vous ai pas encore embêté en vous envoyant mes trucs, manifestez-vous), je continue à écrire.   Avec le temps, j'en ai déjà causé, je suis devenu de plus en plus "jardinier", en ce sens que quand je commence à écrire, je n'ai plus qu'un plan très succinct, indiquant juste la direction du récit et ses grosses balises et je me laisse porter par les situations et les personnages. Bon, une des raisons, c'est que quand je faisais des plans détaillés, j'en foutais la moitié au panier en cours de route. Une autre, c'est que je me fais plus confiance, à force. Là où j'ai changé mon fusil d'épaule, c'est que le truc sur lequel je bosse en ce moment est un roman d'anticipation (développant l'univers posé dans quelques unes de mes nouvelles, on retrouve d'ailleurs un personnage) et pas de fantasy. Mon plan se rédui...

Causes, toujours

 Dans la mesure où j'ai un peu de boulot, mais que ce n'est pas du tout intense comme ça a pu l'être cette année, j'en profite pour tomber dans des trous du lapin de documentation, qui vont de la ville engloutie de Kitej (pour une idée de roman avec laquelle je joue depuis l'an passé mais que je ne mettrai pas en oeuvre avant de l'avoir bien fait mûrir) à des considérations sur les influences platoniciennes sur le christianisme et le gnosticisme primitifs (pour me tenir à jour sur des sujets qui m'intéressent de façon personnelle) à des trucs de physiques fondamentale pour essayer des comprendre des choses sans doute trop pointues pour moi.     Là, ce soir, c'étaient des conversations entre physiciens et un truc m'a fait vriller. L'un d'entre eux expliquait que la causalité est une notion trop mal définie pour être encore pertinente en physique. Selon lui, soit on la repense, soit on la vire. Il cite un de ses collègues britanniques qui disai...

Sur la route encore

 Longtemps que je n'avais pas rêvé d'un voyage linguistique. Ça m'arrive de temps en temps, je ne sais pas pourquoi. Là j'étais en Norvège, je me retrouve à devoir aller dans le nord du pays pour accompagner un groupe, je prends un ferry puis une sorte de car pour y aller. Une fois sur place, on se fait une forteresse de bois surplombant un fjord, c'est féérique et grandiose. Pour le retour, pas de car. On me propose un camion qui redescend par la Suède, j'accepte le deal. Je me retrouve à voyager à l'arrière d'abord puis, après la douane, je passe devant avec le conducteur qui parle un français bancal et son collègue co-pilote qui cause un anglais foireux. Bon baragouine en suivant des routes tortueuses entre des pins gigantesques. Y a des étapes dans des trucs paumés où on s'arrête pour manger, un début de bagarre qu'on calme en payant une bouffe à tout le monde. Des paysages chouettes. Je suis jamais arrivé à destination, le réveil a sonné, ma...

Rebooteux

 Bon, on a profité de l'été pour se faire des sorties cinés avec la tribu Lavitch. Et comme il y a un tropisme comics par ici, ça a été Superman et Fantastic Four.     Pas grand-chose à dire sur le FF , qui est dans la moyenne des films Marvel en termes de scénar, mais bénéficie d'une belle direction artistique et d'un ton qui, pour le coup, colle assez avec ce qu'on était en droit d'attendre d'un film sur le quatuor le plus emblématique des comics, et qu'aucun des films précédents qui leur étaient consacrés n'arrivait à approcher (à part peut-être un peu le Corman, mais on reconnaîtra que c'est un cas particulier). Pas le film de l'année, mais un moment fun et coloré. On notera que prendre une actrice qui s'appelle Kirby pour faire le personnage le plus stanleesque de la bande ne manque pas d'ironie, mais elle fait bien le job, donc...  Fun et coloré, ce sont aussi des mots qui viennent à l'esprit en voyant le Superman , James Gunn ...

Romulus et Rémus sont dans un vaisseau

 Comme il y a des domaines sur lesquels je suis toujours un poil à la bourre, j'ai enfin vu Alien : Romulus . J'avais eu l'intention d'y aller en salle, mais pour des problèmes d'emploi du temps, ça ne s'était pas fait. Et de toute façon, vous le savez si vous me lisez depuis longtemps, j'avais signé l'avis de décès de la licence Alien il y a déjà quelques années. Bon, hier soir, après avoir passé quelques heures en recherches perso sur des sujets obscurs (le proto-canon paulinien de Marcion, ça vous parle ? Probablement pas), je me suis calé devant la télé, et en fouillant dans les menus des plateformes, je suis tombé sur Romulus et je me suis dit : allez. Y a quinze jours, en faisant la même démarche, j'étais tombé sur le documentaire de Werner Herzog sur Bokassa. Pas exactement le même délire. Je ne m'attendais pas à grand-chose. J'avais vu passer des critiques pas très sympa. Ceci dit, les bandes annonces m'avaient fait envie : décor...

La pataphysique, science ultime

 Bon, c'est l'été. Un peu claqué pour trop mettre à jour ce blog, mais si j'en aurais un peu plus le temps que les mois précédents, mais là, justement, je souffle un peu (enfin presque, y a encore des petites urgences qui popent ici et là, mais j'y consacre pas plus de deux heures par jour, le reste c'est me remettre à écrire, bouger, faire mon ménage, etc.) Bref, je me suis dit que j'allais fouiller dans les étagères surchargées voir s'il y avait pas des trucs sympas que vous auriez peut-être loupés. Ici, un papier d'il y a déjà huit ans sur... la pataphysique.     Le geek, et plus encore son frère le nerd, a parfois une affinité avec la technologie, et assez souvent avec les sciences. Le personnage du nerd fort en science (alors que le « jock », son ennemi héréditaire, est fort en sport) est depuis longtemps un habitué de nos productions pop-culturelles préférées. Et, tout comme l’obsession du geek face à ses univers préféré, la démarche de la science ...

Boy-scouts go home !

 Bon, je suis plus débordé que je ne l'aurais cru en cette période. Du coup, une autre rediff, un article datant d'il y a cinq ans. Au moment où Superman se retrouve à faire équipe avec Guy Gardner à l'écran, c'est peut-être le moment de ressorti celui-ci. Les super-héros sont des gentils propres sur eux affrontant des méchants ridicules, avec une dialectique générale qui est, selon le cas, celle du match de catch ou de la cour de récré. C’est en tout cas l’image qu’en a une large partie du grand public. Certains, notamment Superman, correspondent assez à ce cliché. D’autres héros s’avèrent moins lisses, et contre toute attente, ça ne date pas d’hier : aux origines des super-héros, dans les années 1930-40, on est même très loin de cette image de boy-scouts. Les héros de pulps, ancêtres directs des super-héros, boivent et courent la gueuse comme Conan, massacrent à tour de bras, comme le Shadow ou lavent le cerveau de leurs adversaires comme Doc Savage. Superman, tel que...

Fils de...

Une petite note sur une de ces questions de mythologie qui me travaillent parfois. Je ne sais pas si je vais éclairer le sujet ou encore plus l'embrouiller, vous me direz. Mon sujet du jour, c'est Loki.  Loki, c'est canoniquement (si l'on peut dire vu la complexité des sources) le fils de Laufey. Et, mine de rien, c'est un truc à creuser. Chez Marvel, Laufey est représenté comme un Jotun, un géant. Et, dans la mythologie nordique, le père de Loki est bien un géant. Sauf que... Sauf que le père de Loki, en vrai, c'est un certain Farbauti, en effet géant de son état. Un Jotun, un des terribles géants du gel. Et, dans la poésie scaldique la plus ancienne, le dieu de la malice est généralement appelé fils de Farbauti. Laufey, c'est sa mère. Et, dans des textes un peu plus tardifs comme les Eddas, il est plus souvent appelé fils de Laufey. Alors, pourquoi ? En vrai, je n'en sais rien. Cette notule n'est qu'un moyen de réfléchir à haute voix, ou plutôt...

Dans la vallée, oho, de l'IA

 J'en avais déjà parlé ici , le contenu généré par IA (ou pour mieux dire, par LLM) envahit tout. Je bloque à vue des dizaines de chaînes par semaine pour ne pas polluer mes recommandations, mais il en pope tous les jours, avec du contenu de très basse qualité, fabriqué à la chaîne pour causer histoire ou science ou cinéma avec des textes assez nuls et des images collées au petit bonheur la chance, pour lequel je ne veux pas utiliser de bande passante ni perdre mon temps.   Ça me permet de faire un tri, d'avoir des vidéos d'assez bonne qualité. J'y tiens, depuis des années c'est ce qui remplace la télé pour moi. Le problème, c'est que tout le monde ne voit pas le problème. Plein de gens consomment ça parce que ça leur suffit, visiblement. Je suis lancé dans cette réflexion en prenant un train de banlieue ce matin. Un vieux regardait une vidéo de ce genre sans écouteurs (ça aussi, ça m'agace) et du coup, comme il était à deux places de moi, j'ai pu en ...

En avant, marche !

Ça faisait longtemps, non, les homélies du dimanche ? Faut dire que j'ai enchaîné des gros trucs depuis septembre. Vous avez déjà vu un des résultats avec le bouquin sur Tolkien, mais d'autres choses vont arriver. Bref, je remettais le nez dans les vieux textes, parce que ça fait pas de mal, des fois, quand on est surmené et que j'écoute aussi les conférences du Collège de France sur l'exégèse biblique et tout ça. C'est le genre de trucs qui me requinquent quand je fais une pause. Et forcément, ça remet en route le ciboulot. Les rouages grincent au début, mais...  Vous vous rappelez peut-être de ma vieille réflexion sur  le Dieu qui "se promenait dans le jardin au souffle du jour" , il y a déjà... pfou, trop longtemps. un petit Edmund Dulac, parce que bon c'est toujours bien, Dulac   J'aime bien cette image de la Genèse, avec son petit côté presque bucolique et très incarné, les restes d'une vision moins abstraite et moins cosmique de Dieu, une...