Ça fait une paye que j'avais envie de vous expliquer dans les grandes lignes tout le mal que je pense de Platon et pourquoi. Alors, vous allez me dire "mais qu'est-ce que tu nous fais, Niko ? Platon est enseigné dans les écoles, c'est un des fondements de la pensée occidentale, quand même !"
Ben justement, et c'est bien le problème. On continue d'enseigner Platon comme l'un des fondements de la philo, et c'est un peu comme enseigner la guerre des Gaules en ne se fondant que sur les écrits de Jules César (ce qui est intéressant, sur César, c'est surtout de voir ce qu'en disent les contemporains, et c'est pas triste).
Donc, quelques notations en vrac. Ceci n'a pas vocation a être un traité de philo (je n'aurais pas la prétention de jouer les philosophes) (ou alors, quand je vois ce qui s'intitule "philosophe" de nos jours, peut-être que je me respecte trop pour ça, c'est possible aussi) mais quelques remarques, clés de lecture, agacements et râleries. Vous avez bien sûr le droit de ne pas être d'accord avec.
Le grand crime intellectuel de Platon, à mon sens, c'est, constatant que les Idées (et surtout les idées absolues) ne coïncidaient jamais pleinement avec les choses, d'avoir professé la supériorité des premières. Que ce soit en économie ou en politique (et même en stratégie militaire ou en sciences, quand on y pense), c'est un principe qui est à la clé de bien des catastrophes, c'est la négation du pragmatisme et le règne de la tour d'ivoire. Si les faits sont têtus, changez les faits, en somme.
Car les Idées sont le domaine des philosophes. Mais le philosophe, chez Platon, c'est un peu bonhomme à la BHL qui se mêle de gouverner en pratiquant le terrorisme intellectuel et en conseillant les pires crapules (le passage du bonhomme en Sicile, c'était ça, il est allé faire le kakou chez un dictateur, le tyran Denys, qui a fini par le virer d'ailleurs). Ou pire, c'est un technocrate déconnecté du réel et concentré sur les idées, ça c'est ce qu'on trouve dans la République.
La République, c'est comme le Manifeste du Parti Communiste, c'est un mode d'emploi, un but à atteindre. Et Platon est clair : pour lui, il faut une aristocratie qui tienne le peuple dans l'ignorance pour en assurer l'unité. c'est complètement effrayant. La société idéale de Platon est par nature inégalitaire, et cultive cette inégalité comme une vertu (et sa définition de la justice, qui sous-tend le système, est à l'avenant). Ce que propose Platon, c'est le contraire de la démocratie (en voyant nos politiciens qui se targuent de tradition républicaine en développant des discours autoritaires, on doit se souvenir que République et Démocratie ne sont accolées dans notre système que par un accident de l'Histoire). Quand notre démocratie s'appuie sur Platon, c'est pour se vider de son sens (et les anti-démocrates de nos sociétés carburent sur un logiciel qui est du Platon de troisième génération, voir les polémiques autour de l'école et de la perte des valeurs, par exemple).
La défense de Socrate est éclairante, par exemple : il le voit et le présente comme une victime de la démocratie. Rappelons que le procès de Socrate a lieu quand la démocratie est rétablie à Athènes, après une période de dictature sanglante. Dont une partie des animateurs étaient des disciples de Socrate. Alors oui, l'impiété n'était sans doute qu'un prétexte pour régler des comptes, mais il semblerait bien qu'on ait voulu faire un exemple d'un homme vu comme l'inspirateur idéologique de purges bien plus brutales que son exécution.
Il y a aussi le mythe de l'Atlantide, que Platon crée, popularise ou semble reprendre à son compte, on ne sait pas trop. Rapidement, il met de côté l'aspect destruction pour se concentrer sur autre chose. L'Atlantide de Platon est une utopie, éclairée par ses autres textes.
Par ailleurs, poser l'immortalité de l'âme comme régulateur ultime du truc, comme garde fou, c'est fort de café aussi. Ça se conçoit dans la pensée de l'époque, bien entendu, mais dès lors qu'on déconnecte cette notion, tout le système devient très, très inquiétant.
Le mépris des arts de création, vus comme nuisibles, et de l'artisanat, vu comme vil, me gêne terriblement. Parce que du coup, on voit bien que l'Enarque, sous une forme ou une autre, est la production logique du système.
Sur la création poétique et artistique, qu'il considère comme un travestissement du réel bon seulement à embrouiller notre compréhension, force est de reconnaitre qu'il n'en a pas saisi la dimension métaphorique puissante qui permet justement les pas de côté éclairant le réel. Ou qu'il feint de ne pas la comprendre. Des bouffées de son approche remontent avec régularité, et l'on voit des condamnations assénées d'un air compassé à l'encontre des littératures de l'imaginaire, notamment (je parle de ce que je connais le mieux) et on voit encore les dégâts sur la littérature "générale", la pulsion de réel qui la traverse, et on peut d'ailleurs parier que la prochaine rentrée littéraire nous gavera de "journaux de confinement" et autres macérations autocentrées. Curieusement, à l'époque, quelqu'un a eu un regard beaucoup plus intéressant sur le sujet. Si la Poétique d'Aristote n'est pas au-dessus de tout reproche (il suffit de lire ses pages les plus misogynes), elle met quand même le doigt sur pas mal de choses qui restent valides aujourd'hui. Inutile de dire que j'ai choisi mon camp…
Bref, ces petites notations en vrac, compilant des trucs que j'ai repéré au fil du temps (désolé pour l'aspect décousu du truc) me semblent vaguement salutaire. Les commentaires sont là pour qu'on en discute, au pire, si jamais mes agacements à l'emporte pièce s'avéraient à côté de la plaque.
Ben justement, et c'est bien le problème. On continue d'enseigner Platon comme l'un des fondements de la philo, et c'est un peu comme enseigner la guerre des Gaules en ne se fondant que sur les écrits de Jules César (ce qui est intéressant, sur César, c'est surtout de voir ce qu'en disent les contemporains, et c'est pas triste).
Donc, quelques notations en vrac. Ceci n'a pas vocation a être un traité de philo (je n'aurais pas la prétention de jouer les philosophes) (ou alors, quand je vois ce qui s'intitule "philosophe" de nos jours, peut-être que je me respecte trop pour ça, c'est possible aussi) mais quelques remarques, clés de lecture, agacements et râleries. Vous avez bien sûr le droit de ne pas être d'accord avec.
Le grand crime intellectuel de Platon, à mon sens, c'est, constatant que les Idées (et surtout les idées absolues) ne coïncidaient jamais pleinement avec les choses, d'avoir professé la supériorité des premières. Que ce soit en économie ou en politique (et même en stratégie militaire ou en sciences, quand on y pense), c'est un principe qui est à la clé de bien des catastrophes, c'est la négation du pragmatisme et le règne de la tour d'ivoire. Si les faits sont têtus, changez les faits, en somme.
Car les Idées sont le domaine des philosophes. Mais le philosophe, chez Platon, c'est un peu bonhomme à la BHL qui se mêle de gouverner en pratiquant le terrorisme intellectuel et en conseillant les pires crapules (le passage du bonhomme en Sicile, c'était ça, il est allé faire le kakou chez un dictateur, le tyran Denys, qui a fini par le virer d'ailleurs). Ou pire, c'est un technocrate déconnecté du réel et concentré sur les idées, ça c'est ce qu'on trouve dans la République.
La République, c'est comme le Manifeste du Parti Communiste, c'est un mode d'emploi, un but à atteindre. Et Platon est clair : pour lui, il faut une aristocratie qui tienne le peuple dans l'ignorance pour en assurer l'unité. c'est complètement effrayant. La société idéale de Platon est par nature inégalitaire, et cultive cette inégalité comme une vertu (et sa définition de la justice, qui sous-tend le système, est à l'avenant). Ce que propose Platon, c'est le contraire de la démocratie (en voyant nos politiciens qui se targuent de tradition républicaine en développant des discours autoritaires, on doit se souvenir que République et Démocratie ne sont accolées dans notre système que par un accident de l'Histoire). Quand notre démocratie s'appuie sur Platon, c'est pour se vider de son sens (et les anti-démocrates de nos sociétés carburent sur un logiciel qui est du Platon de troisième génération, voir les polémiques autour de l'école et de la perte des valeurs, par exemple).
La défense de Socrate est éclairante, par exemple : il le voit et le présente comme une victime de la démocratie. Rappelons que le procès de Socrate a lieu quand la démocratie est rétablie à Athènes, après une période de dictature sanglante. Dont une partie des animateurs étaient des disciples de Socrate. Alors oui, l'impiété n'était sans doute qu'un prétexte pour régler des comptes, mais il semblerait bien qu'on ait voulu faire un exemple d'un homme vu comme l'inspirateur idéologique de purges bien plus brutales que son exécution.
Il y a aussi le mythe de l'Atlantide, que Platon crée, popularise ou semble reprendre à son compte, on ne sait pas trop. Rapidement, il met de côté l'aspect destruction pour se concentrer sur autre chose. L'Atlantide de Platon est une utopie, éclairée par ses autres textes.
Par ailleurs, poser l'immortalité de l'âme comme régulateur ultime du truc, comme garde fou, c'est fort de café aussi. Ça se conçoit dans la pensée de l'époque, bien entendu, mais dès lors qu'on déconnecte cette notion, tout le système devient très, très inquiétant.
Le mépris des arts de création, vus comme nuisibles, et de l'artisanat, vu comme vil, me gêne terriblement. Parce que du coup, on voit bien que l'Enarque, sous une forme ou une autre, est la production logique du système.
Sur la création poétique et artistique, qu'il considère comme un travestissement du réel bon seulement à embrouiller notre compréhension, force est de reconnaitre qu'il n'en a pas saisi la dimension métaphorique puissante qui permet justement les pas de côté éclairant le réel. Ou qu'il feint de ne pas la comprendre. Des bouffées de son approche remontent avec régularité, et l'on voit des condamnations assénées d'un air compassé à l'encontre des littératures de l'imaginaire, notamment (je parle de ce que je connais le mieux) et on voit encore les dégâts sur la littérature "générale", la pulsion de réel qui la traverse, et on peut d'ailleurs parier que la prochaine rentrée littéraire nous gavera de "journaux de confinement" et autres macérations autocentrées. Curieusement, à l'époque, quelqu'un a eu un regard beaucoup plus intéressant sur le sujet. Si la Poétique d'Aristote n'est pas au-dessus de tout reproche (il suffit de lire ses pages les plus misogynes), elle met quand même le doigt sur pas mal de choses qui restent valides aujourd'hui. Inutile de dire que j'ai choisi mon camp…
Bref, ces petites notations en vrac, compilant des trucs que j'ai repéré au fil du temps (désolé pour l'aspect décousu du truc) me semblent vaguement salutaire. Les commentaires sont là pour qu'on en discute, au pire, si jamais mes agacements à l'emporte pièce s'avéraient à côté de la plaque.
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