Accéder au contenu principal

Le Syndrome du Dinosaure

Bon, me voilà revenu d'Auxerre, un peu fracassé comme de juste, mais bien content d'avoir revu de vieux copains et d'avoir copieusement cochonné les pages de garde de quelques livres publiés sous mon blaze.

Mais juste avant de partir, une discussion en ligne à propos du nouveau Wolfenstein m'a rappelé un vieux papier rédigé en son temps pour l'ancien forum de Superpouvoir, et causant (entre autres) de l'utilisation du nazi comme gros méchant à tout faire :


Vous n'aimeriez sans doute pas rencontrer un dinosaure le soir au coin d'un bois. Et pourtant, vous appréciez sans doute comme tout un chacun de voir ces immenses reptiles (je dis reptile par commodité. les progrès récents de la taxinomie et de la phylogénie ont plus ou moins remis en cause ce statut et cette étiquette, au moins pour certains d'entre eux, mais tel n'est pas notre propos du jour*) dans vos BDs favorites, vos jeux vidéos ou vos films. Un gros dinosaure, bien dessiné ou bien modélisé, c'est cool. D'où le succès planétaire des Godzillas, Jurassic Parks et autres dinosaurades offertes à nos mirettes par d'industrieux industriels du spectacle.

Mais pourquoi ce succès récurrent des grosses bébêtes à écailles ? Pourquoi sont-elles cool par principe ? De nombreux psychologues (ouais, bon, j'en ai vu qu'un pour l'instant, dans un vieux magazine, et c'était il y a longtemps) (ou bien j'ai oublié) (et c'est vrai que ça doit pas sentir la rose, un dinosaure) supposent que c'est dû à la conjonction de leur aspect assez terrifiant, dédramatisé par le fait qu'ils aient tous disparu il y a fort longtemps.

Car, si physiquement le dinosaure conjugue deux facteurs qui marchent bien (le côté écailleux, donc étranger, et le côté gigantesque), il a en plus le mérite de ne plus exister. C'est pour ça que Nicolas Sarkozy** ne sera pas cool avant longtemps : il est nettement moins gros qu'un dinosaure, et il a le défaut rédhibitoire de ne pas être encore une espèces éteinte, ni même en voie de disparition (les gens aiment ça aussi, les espèces en voie de disparition, c'est pour ça que les gens aiment bien les pandas, qui sinon n'aurait aucune espèce d'intérêt : c'est gros et pas très malin, un panda, et ça ne mange même pas les gens***). Alors que les Nazis sont un méchant de choix dans les films (même sans uniforme, rappelez-vous Hans Grüber, qui joue à fond sur l'amalgame "accent un peu rugueux = Nazi"). Les Nazis sont très méchants, et ils sont éteints****. Les généraux soviétiques, c'est pareil. Les empereurs romains décadents aussi. Mais pas les terroristes islamistes, qui ne sont pas encore assez disparus : il ne viendrait à personne de les utiliser pour faire un thriller générique avec un méchant "cool".

Un méchant trop existant, trop réel, il fait trop peur pour que le mécanisme de catharsis joue à fond. L'identification est trop directe. On peut encore, du jour au lendemain, être victime d'un Sarkozy ou d'un islamiste. Alors que d'un Nazi ou d'un dinosaure, c'est déjà moins courant.

Avec un Nazi ou un dinosaure, on peut jouer à se faire peur pour de faux. Avec un Terminator aussi, parce qu'à défaut de ne plus exister, le Terminator n'existe pas encore (notons que le fait de n'exister pas encore n'est pas conceptuellement de nature à arrêter un Terminator digne de ce nom, mais passons). Ça marche d'ailleurs avec les hordes d'orcs, qui n'ont existé que dans un passé de toute façon mythique, ce qui représente une double sécurité (Un Elève Doué avait prouvé qu'on peut encore exceptionnellement tomber sur un méchant nazi dans la banlieue la plus tranquille. Avec un orc, y'a carrément moins de risque).

Pour éviter de tomber dans le cliché, néanmoins, il peut s'avérer utile de creuser d'autres menaces éteintes. Soyons créatifs. Ressortons de la naphtaline les gardes du Cardinal. L'Inquisition Espagnole. Voire même les Huns, Vandales et autres Alamans. On évitera par contre les Hygiénistes du XIXe siècle ou Jean Lecanuet. Je ne vois pas encore de moyen de les rendre cools, eux.



*en fait, c'est avant tout un problème de cladistique.

**comme je vous disais, le papier date un peu.

***et le panda a l'avantage d'être mignon. une étude a prouvé que les gens n'avaient rien à carrer des espèces en voie de disparition quand elles étaient moches.

****pareil, c'est là qu'on s'aperçoit que cet article est anciens et date d'avant la présidence Trump

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Chez les voisins

 Vous le savez peut-être, mais il m'arrive d'écrire dans la presse, notamment dans Geek le Mag (je travaille avec eux depuis déjà quelques années).  Là, ils m'ont demandé des notules pour leur site internet. Tout à fait le genre de choses que j'aurais fait normalement sur ce blog, des petites considérations sur tel personnage, telle préconception. Y en a déjà quatre en lignes : Pourquoi Hollywood ne peut pas adapter Fondation  ? Guy Gardner est-il un connard ?  L'éternel retour de Red Sonja Tezuka a-t-il vraiment inventé les mangas ?    Y a parfois un côté gentiment troll. On va voir ce que ça donne. J'essaierai de les répercuter ici à l'occasion.   pour retrouver tous mes articles sur le site :  Auteur : Alex Nikolavitch     Par ailleurs, je mets en place à partir du 2 octobre un atelier d'écriture sur l'imaginaire, à la Maison de Quartier du vieux Conflans, à Conflans Ste Honorine. Ce sera un jeudi sur deux de 20 à 22h. N'hésitez pas à...

Ruelle dans les brancards

 De nouveaux des rêves de villes d'ancien régime, labyrinthiques, aux ruelles tortueuses, aux pierres et aux huisseries de bois noircies. Cette nuit, j'étais dans la partie touristique de la vieille cité, les bâtiments vénérables sont défigurés par des boutiques de souvenirs cheap et des bars à hôtesses pour touristes en goguette.  L'une d'entre elles, qui joue les rabatteuses pour un établissement louche et surveille donc toutes les allées et venues de la rue, me fait pénétrer dans la maison d'un riche propriétaire qui écrase tous ses voisins sous les loyers. Il a une collection d'art assez étrange, un côté océanien marqué, mais remanié par Lovecraft et Derleth. Les pièces sont exposées sur des murs boisés à l'ancienne, qui assombrissent les pièces. L'éclairage ne parvient pas à compenser et tout a un côté sinistre et inquiétant. Je trouve ce que je venais chercher, une statuette ultra chelou, gigero-primitive. Je sais que si je l'embarque, je me fe...

Romulus et Rémus sont dans un vaisseau

 Comme il y a des domaines sur lesquels je suis toujours un poil à la bourre, j'ai enfin vu Alien : Romulus . J'avais eu l'intention d'y aller en salle, mais pour des problèmes d'emploi du temps, ça ne s'était pas fait. Et de toute façon, vous le savez si vous me lisez depuis longtemps, j'avais signé l'avis de décès de la licence Alien il y a déjà quelques années. Bon, hier soir, après avoir passé quelques heures en recherches perso sur des sujets obscurs (le proto-canon paulinien de Marcion, ça vous parle ? Probablement pas), je me suis calé devant la télé, et en fouillant dans les menus des plateformes, je suis tombé sur Romulus et je me suis dit : allez. Y a quinze jours, en faisant la même démarche, j'étais tombé sur le documentaire de Werner Herzog sur Bokassa. Pas exactement le même délire. Je ne m'attendais pas à grand-chose. J'avais vu passer des critiques pas très sympa. Ceci dit, les bandes annonces m'avaient fait envie : décor...

Révisions, rétrocontinuité et crises infinies, quand les héros fuient leur passé

Encore une rediff, un gros article que j'avais publié dans l'antho des Moutons électriques  Super-héros : Sous le masque. Les univers de super-héros se « rebootent » à intervalles réguliers, partiellement ou complètement. Les histoires redémarrent à zéro et l’on en profite pour dépoussiérer les concepts. Mais pourquoi ce révisionnisme ? Pourquoi le Superman de 1938 n’est-il plus exactement le même personnage que celui de 1954, de 1988 ou de 2012 ? Le temps qui passe est-il la kryptonite de ces personnages costumés ? Lorsque Siegel et Shuster créent Superman au milieu des années 1930, ils n’ont encore aucune idée de la postérité à venir de leur personnage. Et pour cause : personne chez l’éditeur n’y croit et la première histoire publiée en 1938 l’est à titre de bouche-trou dans Action Comics n°1. Mais le succès immédiat engendre des imitations et détournements, et au fil des années qui suivent, on voit apparaître Batman, Human Torch, Sub Mariner, Wonder Woman, Captain America et...

Return of the space cow-boy

 À l'occasion de ma pause post-prandiale, je m'étais remis la scène d'ouverture d' Il était une fois dans l'ouest , parce que ça fait du bien des fois de revenir aux fondamentaux. Et puis, alors que je tentais de me remettre au boulot, j'ai tilté que le nouvel épisode d' Alien Earth venait de sortir. Bon, j'en causerai pas plus avant aujourd'hui, because que j'attends la fin de la série pour me faire un avis définitif (j'aime bien  Noah Hawley à la base, y a des choses que j'apprécie là-dedans et d'autre dont... j'attends de voir comment elles vont évoluer), mais j'ai eu un petit tilt. Ça représentait en apparence une sorte de grand écart conceptuel et esthétique, Charles Bronson et son harmonica d'un côté, Timothy Olyphant peroxydé téléchargeant des données biologiques de l'autre, sauf que... non, en fait. Ben oui, le western et le récit spatial (bon, même si on est pas dans le spatial avec Alien Earth , mais avec la...

Bonneteau sémantique

Bon, même si j'ai pas vraiment d'éditeur en ce moment, pour les raisons que vous savez (si vous êtes éditeur et que je vous ai pas encore embêté en vous envoyant mes trucs, manifestez-vous), je continue à écrire.   Avec le temps, j'en ai déjà causé, je suis devenu de plus en plus "jardinier", en ce sens que quand je commence à écrire, je n'ai plus qu'un plan très succinct, indiquant juste la direction du récit et ses grosses balises et je me laisse porter par les situations et les personnages. Bon, une des raisons, c'est que quand je faisais des plans détaillés, j'en foutais la moitié au panier en cours de route. Une autre, c'est que je me fais plus confiance, à force. Là où j'ai changé mon fusil d'épaule, c'est que le truc sur lequel je bosse en ce moment est un roman d'anticipation (développant l'univers posé dans quelques unes de mes nouvelles, on retrouve d'ailleurs un personnage) et pas de fantasy. Mon plan se rédui...

Sur la route encore

 Longtemps que je n'avais pas rêvé d'un voyage linguistique. Ça m'arrive de temps en temps, je ne sais pas pourquoi. Là j'étais en Norvège, je me retrouve à devoir aller dans le nord du pays pour accompagner un groupe, je prends un ferry puis une sorte de car pour y aller. Une fois sur place, on se fait une forteresse de bois surplombant un fjord, c'est féérique et grandiose. Pour le retour, pas de car. On me propose un camion qui redescend par la Suède, j'accepte le deal. Je me retrouve à voyager à l'arrière d'abord puis, après la douane, je passe devant avec le conducteur qui parle un français bancal et son collègue co-pilote qui cause un anglais foireux. Bon baragouine en suivant des routes tortueuses entre des pins gigantesques. Y a des étapes dans des trucs paumés où on s'arrête pour manger, un début de bagarre qu'on calme en payant une bouffe à tout le monde. Des paysages chouettes. Je suis jamais arrivé à destination, le réveil a sonné, ma...

Causes, toujours

 Dans la mesure où j'ai un peu de boulot, mais que ce n'est pas du tout intense comme ça a pu l'être cette année, j'en profite pour tomber dans des trous du lapin de documentation, qui vont de la ville engloutie de Kitej (pour une idée de roman avec laquelle je joue depuis l'an passé mais que je ne mettrai pas en oeuvre avant de l'avoir bien fait mûrir) à des considérations sur les influences platoniciennes sur le christianisme et le gnosticisme primitifs (pour me tenir à jour sur des sujets qui m'intéressent de façon personnelle) à des trucs de physiques fondamentale pour essayer des comprendre des choses sans doute trop pointues pour moi.     Là, ce soir, c'étaient des conversations entre physiciens et un truc m'a fait vriller. L'un d'entre eux expliquait que la causalité est une notion trop mal définie pour être encore pertinente en physique. Selon lui, soit on la repense, soit on la vire. Il cite un de ses collègues britanniques qui disai...

Si tu ne viens pas à Cthulhu, Cthulhu viendra à toi !

Ça ne change pas, je vais encore passer du temps et noircir du papier à cause de Lovecraft. Il ne me lâchera jamais. Ou je ne le lâcherai pas, c'est comme une valse indicible.    Bref, dans les semaines à venir, il va encore y avoir du tentacule, c'est moi qui vous le dis. Jeudi 9  octobre à 18h30 je donnerai une conférence sur Lovecraft à la Bibliothèque Francophone Multimédia (non, je ne suis pas invité sur BFM, je me respecte, un peu, quand même) de Limoges. Si vous avez des bouquins à signer, amenez-les, c'est prévu.   Vendredi 21 et samedi 22 novembre je serai au Campus Miskatonic de Verdun comme tous les ans, et cette année, en partenariat avec Actu-SF il y aura une anthologie thématique, Pixels Hallucinés, à laquelle je participe. Par ailleurs, le samedi 3 octobre je serai à Marmande pour le petit salon des Ukronies du Val, dans un joli cadre et avec une organisation très sympathique. 

Rebooteux

 Bon, on a profité de l'été pour se faire des sorties cinés avec la tribu Lavitch. Et comme il y a un tropisme comics par ici, ça a été Superman et Fantastic Four.     Pas grand-chose à dire sur le FF , qui est dans la moyenne des films Marvel en termes de scénar, mais bénéficie d'une belle direction artistique et d'un ton qui, pour le coup, colle assez avec ce qu'on était en droit d'attendre d'un film sur le quatuor le plus emblématique des comics, et qu'aucun des films précédents qui leur étaient consacrés n'arrivait à approcher (à part peut-être un peu le Corman, mais on reconnaîtra que c'est un cas particulier). Pas le film de l'année, mais un moment fun et coloré. On notera que prendre une actrice qui s'appelle Kirby pour faire le personnage le plus stanleesque de la bande ne manque pas d'ironie, mais elle fait bien le job, donc...  Fun et coloré, ce sont aussi des mots qui viennent à l'esprit en voyant le Superman , James Gunn ...