Puisque c'est samedi, autant poursuivre dans le thème. C'est samedi, alors c'est Robert E. Howard. Au cinéma.
Et donc, dans les récentes howarderies, il manquait à mon tableau de chasse le Solomon Kane, dont je n'avais chopé que vingt minutes lors d'un passage télé, vingt minutes qui ne m'avaient pas favorablement impressionné. Et puis là, je me suis dit "soyons fou, après tout j'ai été exhumer Kull avec Kevin Sorbo, donc je suis vacciné". Et donc, j'ai vu Solomon Kane en entier.
Mais resituons un peu. Le personnage emblématique de Robert Howard, c'est Conan. Conan le barbare, le voleur, le pirate, le fêtard, le bon vivant, devenu roi de ses propres mains, celui qui foule de ses sandales les trônes de la terre, un homme aux mélancolies aussi démesurées que ses joies. Un personnage bigger than life, jouisseur, assez amoral, mais tellement sympathique. Conan, quoi.
L'autre grand héros howardien, c'est Solomon Kane. Qui est dans une très large mesure son contraire parfait. Si Kane est un redoutable bretteur comme Conan, il a un caractère tout à fait opposé. C'est un puritain de l'époque élisabéthaine, qui réprouve beaucoup de choses, et beaucoup de choses qui font l'ordinaire et la joie de son frère cimmérien. S'il arrive régulièrement à Conan de faire passer de vie à trépas monstres et sorciers, c'est pour se protéger, ou protéger une pure jeune fille, ou se venger, ou en tirer un quelconque bénéfice. Il ne traque pas particulièrement les praticiens de la magie, et d'ailleurs, il préfère les éviter quand il le peut. Kane au contraire, a voué sa vie à la poursuite et à la destruction du mal. Il est capable de parcourir la moitié du monde connu pour faire payer ses crimes à un adorateur de Satan.
Une autre différence majeure entre les deux hommes, c'est leur biographie. Celle de Conan, malgré des lacunes, est assez bien renseignée, de sa naissance sur un champ de bataille à ses vieux jours sur le trône d'Aquilonie. De Kane, si par recoupement on devine qu'il a été soldat et marin, on ne sait rien. On ne connait de lui que sa froideur, sa haine envers la sorcellerie, et son acharnement méthodique, quasi maniaque. Kane est un mystère enveloppée non pas dans une énigme, mais dans un manteau noir de puritain calviniste, et c'est une des grandes forces du personnage. Il jaillit de la nuit, tout de noir vêtu, et y retourne dès qu'il a fait payer leurs crimes aux suppots du mal. C'est un Zorro psychopathe qui a tranché la gorge à son Don Diego et l'a laissé se vider de son sang hors champ, avant même que le récit ne commence.
C'est cette grande force qui ne peut qu'assurer sa perte dès que des producteurs hollywoodiens s'en mêlent. Car à Hollywood, on ne lance pas une license sans donner d'abord les origines des personnages. Et donc, alors qu'on pouvait partir avec un a priori sympathique (parce que caster un type appelé Purefoy dans le rôle d'un puritain c'est aussi génial que de mettre un type appelé Pine dans le pyjama du Capitaine Kirk) le film commence par une série de contresens. On voit d'abord un Kane Pirate, assoiffé d'or, un Kane qui est en fait Conan.
Puis ce Kane comprend qu'il est voué à l'enfer, et se retire dans un monastère. Deuxième contresens : Kane a toujours été décrit comme un puritain, terme qui désigne un calviniste rigoriste. Le voir chez des moines, ou s'incliner devant un crucifix, c'est ne pas comprendre ce qu'est le puritanisme, qui y préfère la croix (eh oui, il y a une nuance subtile, mais qui ici a toute son importance). Là, on est dans ce phénomène que j'avais d'ailleurs évoqué dans Apocalypses, dans cette manie que l'Amérique protestante a d'aller chercher une imagerie religieuse dans le catholicisme, pour combler le déficit iconique du protestantisme. Dans un film narrant les aventures d'un puritain fanatique et psychopathe, ça fait tache. Et un puritain tatoué, c'est gênant aussi.
Après, le film a pas mal de qualités. Le casting est vraiment sympa. C'est filmé sans génie, mais avec efficacité, et souvent un assez joli sens du cadre et de la photographie. Quand la campagne anglaise est soumise aux exactions des sbires possédés du sorcier Malachi, on convoque une imagerie de Terre Ghaste assez bienvenue, de la forêt boueuse, automnale ou hivernale, stérile. Il y a une ambiance assez cradingue qui n'est pas de mauvais aloi. En lui même, le scénario n'est même pas absurde : en tant que tel, il raconte un histoire de rédemption et de vengeance somme toute classique, mais pas mal foutue. Ce serait tout à fait tolérable si le personnage joué par Purefoy s'était appelé Albert Tartempion, John Smith ou n'importe quoi d'autre qui ne soit pas Solomon Kane, genre une prequelle sur l'ancêtre du Van Helsing du film avec Hugh Jackman (qui était assez risible aussi en tant qu'adaptation du personnage de Stoker, d'ailleurs, mais tellement couillon qu'il en devenait distrayant).
Certes, en dehors des âneries fondamentales de compréhension de la nature du protagoniste, on a toutes ces bêtises hollywoodienne agaçantes (la crypte de l'église, censément abandonnée, mais dans laquelle on trouve quand même une torche allumée tous les deux mètres, ou le fait que le Kane qui a renoncé à la violence et voyage avec une famille de prolos puritains arrive à se procurer des pistolets en pleine forêt. il les a peut-être pris sur les cadavres de ses ennemis morts, mais aucun d'entre eux n'a même fait mine de se servir d'un pistolet, ni même d'en avoir un sur lui), mais le film se laisser regarder sans trop de déplaisir. Oui, on a le boss final.
Oui, on a la défaite temporaire du héros (elle aussi empruntée à Conan : Kane est crucifié comme Conan dans une sorcière viendra au monde. Chaque film tiré de Howard emprunte la moitié des trucs à une série de Howard autre que celle qu'il est censé adapter, c'est systématique) (petite élégance ironique, par contre, dans ce contexte très chrétien, le méchant qui crucifie Kane demande aux gens du village s'il ressemble à un sauveur avant de le clouer au bois). Oui, on a un vague intérêt romantique. Oui, on a la lourde révélation à tiroirs à la fin. Mais le film n'est pas mauvais en soi. C'est comme le Constantine qui serait un film d'exorciste sympa s'il s'était appelé autrement. Eh bien Solomon Kane n'est pas un mauvais film, c'est juste un mauvais film de Solomon Kane. Il y a juste un truc bien vu par rapport au vrai Kane, c'est que le film travaille pas mal sur la notion de retour au pays, joliment traitée par Howard dans la série.
Bref. C'est la moins ratée des trois dernières adaptations de Howard, mais on est quand même assez loin du compte. Sinon, j'ai entendu parler d'une adaptation animée des Clous Rouges. C'est sorti, ça, finalement ?
Et donc, dans les récentes howarderies, il manquait à mon tableau de chasse le Solomon Kane, dont je n'avais chopé que vingt minutes lors d'un passage télé, vingt minutes qui ne m'avaient pas favorablement impressionné. Et puis là, je me suis dit "soyons fou, après tout j'ai été exhumer Kull avec Kevin Sorbo, donc je suis vacciné". Et donc, j'ai vu Solomon Kane en entier.
En terme de rendu, c'est loin d'être honteux
Mais resituons un peu. Le personnage emblématique de Robert Howard, c'est Conan. Conan le barbare, le voleur, le pirate, le fêtard, le bon vivant, devenu roi de ses propres mains, celui qui foule de ses sandales les trônes de la terre, un homme aux mélancolies aussi démesurées que ses joies. Un personnage bigger than life, jouisseur, assez amoral, mais tellement sympathique. Conan, quoi.
L'autre grand héros howardien, c'est Solomon Kane. Qui est dans une très large mesure son contraire parfait. Si Kane est un redoutable bretteur comme Conan, il a un caractère tout à fait opposé. C'est un puritain de l'époque élisabéthaine, qui réprouve beaucoup de choses, et beaucoup de choses qui font l'ordinaire et la joie de son frère cimmérien. S'il arrive régulièrement à Conan de faire passer de vie à trépas monstres et sorciers, c'est pour se protéger, ou protéger une pure jeune fille, ou se venger, ou en tirer un quelconque bénéfice. Il ne traque pas particulièrement les praticiens de la magie, et d'ailleurs, il préfère les éviter quand il le peut. Kane au contraire, a voué sa vie à la poursuite et à la destruction du mal. Il est capable de parcourir la moitié du monde connu pour faire payer ses crimes à un adorateur de Satan.
Une autre différence majeure entre les deux hommes, c'est leur biographie. Celle de Conan, malgré des lacunes, est assez bien renseignée, de sa naissance sur un champ de bataille à ses vieux jours sur le trône d'Aquilonie. De Kane, si par recoupement on devine qu'il a été soldat et marin, on ne sait rien. On ne connait de lui que sa froideur, sa haine envers la sorcellerie, et son acharnement méthodique, quasi maniaque. Kane est un mystère enveloppée non pas dans une énigme, mais dans un manteau noir de puritain calviniste, et c'est une des grandes forces du personnage. Il jaillit de la nuit, tout de noir vêtu, et y retourne dès qu'il a fait payer leurs crimes aux suppots du mal. C'est un Zorro psychopathe qui a tranché la gorge à son Don Diego et l'a laissé se vider de son sang hors champ, avant même que le récit ne commence.
C'est cette grande force qui ne peut qu'assurer sa perte dès que des producteurs hollywoodiens s'en mêlent. Car à Hollywood, on ne lance pas une license sans donner d'abord les origines des personnages. Et donc, alors qu'on pouvait partir avec un a priori sympathique (parce que caster un type appelé Purefoy dans le rôle d'un puritain c'est aussi génial que de mettre un type appelé Pine dans le pyjama du Capitaine Kirk) le film commence par une série de contresens. On voit d'abord un Kane Pirate, assoiffé d'or, un Kane qui est en fait Conan.
Conan, ou Vulmea le pirate noir, sinon, à la rigueur
Puis ce Kane comprend qu'il est voué à l'enfer, et se retire dans un monastère. Deuxième contresens : Kane a toujours été décrit comme un puritain, terme qui désigne un calviniste rigoriste. Le voir chez des moines, ou s'incliner devant un crucifix, c'est ne pas comprendre ce qu'est le puritanisme, qui y préfère la croix (eh oui, il y a une nuance subtile, mais qui ici a toute son importance). Là, on est dans ce phénomène que j'avais d'ailleurs évoqué dans Apocalypses, dans cette manie que l'Amérique protestante a d'aller chercher une imagerie religieuse dans le catholicisme, pour combler le déficit iconique du protestantisme. Dans un film narrant les aventures d'un puritain fanatique et psychopathe, ça fait tache. Et un puritain tatoué, c'est gênant aussi.
N'oublions pas que ce sont les descendants de ces gens-là
qu'on retrouve dans la Petite Maison dans la Prairie
Ça se voit un peu quand même
Certes, en dehors des âneries fondamentales de compréhension de la nature du protagoniste, on a toutes ces bêtises hollywoodienne agaçantes (la crypte de l'église, censément abandonnée, mais dans laquelle on trouve quand même une torche allumée tous les deux mètres, ou le fait que le Kane qui a renoncé à la violence et voyage avec une famille de prolos puritains arrive à se procurer des pistolets en pleine forêt. il les a peut-être pris sur les cadavres de ses ennemis morts, mais aucun d'entre eux n'a même fait mine de se servir d'un pistolet, ni même d'en avoir un sur lui), mais le film se laisser regarder sans trop de déplaisir. Oui, on a le boss final.
Et aussi un boss intermédiaire en plein trip Leatherface
Oui, on a la défaite temporaire du héros (elle aussi empruntée à Conan : Kane est crucifié comme Conan dans une sorcière viendra au monde. Chaque film tiré de Howard emprunte la moitié des trucs à une série de Howard autre que celle qu'il est censé adapter, c'est systématique) (petite élégance ironique, par contre, dans ce contexte très chrétien, le méchant qui crucifie Kane demande aux gens du village s'il ressemble à un sauveur avant de le clouer au bois). Oui, on a un vague intérêt romantique. Oui, on a la lourde révélation à tiroirs à la fin. Mais le film n'est pas mauvais en soi. C'est comme le Constantine qui serait un film d'exorciste sympa s'il s'était appelé autrement. Eh bien Solomon Kane n'est pas un mauvais film, c'est juste un mauvais film de Solomon Kane. Il y a juste un truc bien vu par rapport au vrai Kane, c'est que le film travaille pas mal sur la notion de retour au pays, joliment traitée par Howard dans la série.
Bref. C'est la moins ratée des trois dernières adaptations de Howard, mais on est quand même assez loin du compte. Sinon, j'ai entendu parler d'une adaptation animée des Clous Rouges. C'est sorti, ça, finalement ?
Commentaires
Une crucifix est une croix à laquelle on ajoute une représentation du Christ...
la nuance est certes subtile, j'en conviens, mais elle a son importance.
Pax vobiscum et tout ce qui s'ensuit.
(Sinon, la différence entre crucifix et croix est assez simple à comprendre : crucifix : Jésus et sur la croix ; croix : on fait une croix sur Jésus.)
Si vis pacem para bellum.
Mais rappelons à l'amateur VRAIMENT dévoyé de Howard l'existence de la série animée "Conan l'aventurier" du début des années 90, particulièrement effroyable, dont la mesure est tout de suite donnée par l'inquiétant synopsis de Wikipédia : "Iramon a transformé les parents de Conan en pierre. Conan part à la recherche de ce criminel avec son épée en métal-étoile, un métal qui a la particularité de renvoyer les hommes-serpents, serviteurs d'Iramon, dans leur monde appelé les Abysses, en un seul coup."
De fait, les avis divergent sur le pire du pire: le pompon est-il tenu par cette série franco-américaine (65 épisodes!) ou bien par la série Live de 1997 avec le dénommé Ralf Moeller dans le rôle du cimmérien ?
Seuls les palais décadents des princes stygiens sont capables d'apprécier la saveur de tels nectars.
"Sadly, the animated film has been put on indefinite hold."
Tu trouveras des bouts d'essai ici :
http://ultimateconanfan.blogspot.fr/2010/02/conan-red-nails-teasers.html
An animated feature based on this story, Conan: Red Nails, is currently in production. Actor Ron Perlman will provide the voice of Conan. Tolkemec is voiced by Mark Hamill in this version. However, there have been no updates to the film's website [19] since December 2007. IMDB currently lists the film for release in 2010.