Accéder au contenu principal

Nota bene

A force de lire ici même mes vaticinations régulières, les plus perspicaces d'entre vous auront sans doute noté que je suis un grand malade accumulant de la documentation et des notes sur tout, comme d'autres accumulent avec un plaisir et un soin maniaques les Dinky Toys ou les timbres postes.

Le problème récurrent, dans ce genre d'accumulation, c'est le classement et le tri. Encore, quand il s'agit de documentation "en dur", la répartition dans les étagères permet de s'y retrouver un peu. Les vieux textes sacrés sont ensemble, les bouquins d'astrophysique dans le même coin, les élucubrations d'illuminés ont leur étagère bien à elles, avec certes des tas d'exceptions, mais c'est encore gérable. Le numérique a changé la donne. Les articles de journaux téléchargés sur les sites d'infos, les pages copiées-collées dans des fichiers Word, les e-books récupérés Dieu sait où ont une furieuse tendance à échouer dans des dossiers intitulés "doc" ou "à trier" qui, à mesure des migration de matériel, se retrouvent parfois au fond de sous-dossiers sur des disques externes d'archivage.

Et il en va bien sûr de même pour les notes. Si les calepins "en dur" sont réunis dans un même tiroir (mais leur contenu est par essence méta-bordélique), mes fichiers de note sont devenus un truc plus tentaculaire que la pire créature surgie d'une nuit d'insomnie d'H.P.L. Parce qu'hormis les diverses générations de fichiers "notes en vrac", qui servent de déversoir à idées et à infos, il y a les tentatives toutes avortées en cours de route d'organiser tout ça. Et c'est forcément pire. Il y a les fichiers ouverts exprès pour une idée de scénario de BD. Et donc stockés dans le sous dossier idoine de mon dossier "scénars de BD", qui en sortent en général pour intégrer le sous-dossier consacré au projet en question, quand je me mets à sérieusement bosser dessus (c'est à dire une fois sur quatre, à peu près).

Il y a les fichiers de notes structurantes, des sortes d'essais à usage personnel, ne servant qu'à alimenter la réflexion (je viens de retomber, en cherchant tout à fait autre chose, sur une huitaine de feuillets consacrés à l'évolution de l'éthique judéo-chrétienne entre le premier et le troisième siècle, sujet auquel j'avais consacré pas mal de temps il y a une dizaine d'années, dans un sous-dossier contenant aussi un comparatif entre un album de Steve Reich et certains travaux théoriques de Bach, alors que parler de musique m'emmerde en général assez, et écrire sur la musique ne m'est absolument pas naturel, mais aussi un projet de roman abandonné deux ou trois fois après avoir été un projet de scénar, et un fatras de considérations sur les super-héros, dont une partie avait fini, une fois mise en forme, dans un de mes bouquins).

Et puis il y a les bouts d'idées et de dialogues coupées d'un projet, mais gardées, parce que je ne jette rien. Et qui parfois ont bourgeonné dans plusieurs directions, un même personnage se retrouvant dans plusieurs projets différents et contradictoires et abandonnés à divers stades d'élaboration. Il y a les notes sur des personnages historiques, vaguement classées par périodes. Les citations dont j'ai malheureusement omis d'indiquer la source. Les biographies de personnages. Les traits culturels marquants de civilisations imaginaires. Les spéculations en roue libre sur l'ésotérisme médiéval, l'exobiologie ou la théorie de la narration. Les idées à utiliser quand je serai scénariste de Batman, de Shazam ou des X-Men (que je finis parfois par utiliser dans des trucs personnels qui ont un peu plus de chance d'exister). Et puis des trucs foutraques, à la limite de l'écriture automatique ou de l'association libre.

Et bien entendu, de temps à autres, il me prend l'envie d'aller ranger un peu tout ça. Et forcément, en cours de route, un boulot urgent me tombe dessus, et je remets le tout de côté, à moitié trié, les notes BD déplacées à un autre endroit, des tas de trucs disparates regroupés dans un sous-dossier "à trier-3" avec des doublons dans tous les sens, des compilations un peu hasardeuses réalisées selon une logique qui, sur l'instant, me semblait évidente, mais qui forcément, quand je remettrai le nez là-dedans, dans six mois, un an ou plus, me semblera parfaitement obscure. Et avant que je ne remette le nez dedans, de toute façon, de nouvelles notes et de nouveaux fichiers composés de bouts d'articles récupérés à droite à gauche se seront accumulés, avec toute l'iconographie démentielle qui va avec.

On sait comment travaillent les fils Tolkien et Herbert, proposant des suites et des compléments à l'œuvre paternelle en épluchant les tombereaux de notes laissées par leurs géniteurs. Et là, je me dis que si mes gamins ont un jour la même idée, ça risque de donner des bouquins vraiment croquignolets.

Commentaires

midnighter a dit…
fascinant
Odrade a dit…
Rien de sexuel (historique, fantasmatique, ésotérique, tantrique...), là-dedans ? Ou tu censures tes propos ?

Je pensais que tu étais plutôt touche-à-tout dans ta documentation.


¦o)
O.
Alex Nikolavitch a dit…
pas grand-chose, non. Quelques tentatives de textes pornographiques, mais mes notes sur la magie sexuelles concernaient essentiellement Crowley. rien de bien original donc dans ce domaine.
Odrade a dit…
Ahaaah.
Un Tengu Dedans ou un Croisement en vue ?


O.
Alex Nikolavitch a dit…
Sur Crowley ? Un scénar bouclé, qu'il va falloir que je publie un jour.
Odrade a dit…
Magistral, Alex. Magistral.

;o)
O.

Posts les plus consultés de ce blog

Et ça va causer dans le poste encore

 Bon, ça faisait plusieurs fois qu'on me conseillait de me rapprocher de Radionorine, la petite web-radio associative dont les locaux sont à quelque chose comme **vérifie sur gogolemap** 500 mètres de la Casa Niko. Je connaissais de vue une partie de l'équipe, un pote à moi faisait une émission chez eux en son temps, un autre vient d'en lancer une, et voilà que j'ai un atelier d'écriture qui se déroule... un étage en-dessous. Bref, l'autre jour, ils m'ont invité pour que je cause de mon travail et de cet atelier. Et en préparant l'interview, on a causé hors antenne, forcément. Et donc, je peux annoncer ici qu'il y aura désormais une émission mensuelle, le Legendarium ,  où je causerai d'imaginaire littéraire (et sans doute pas que). La première sera consacrée à Robert E. Howard et Conan, le jeudi 27 novembre à 19h, la deuxième peut-être à Beowulf le jeudi 11 décembre (on essaiera de se coller le deuxième jeudi du mois autant que possible). C...

Le slip en peau de bête

On sait bien qu’en vrai, le barbare de bande dessinées n’a jamais existé, que ceux qui sont entrés dans l’histoire à la fin de l’Antiquité Tardive étaient romanisés jusqu’aux oreilles, et que la notion de barbare, quoiqu’il en soit, n’a rien à voir avec la brutalité ou les fourrures, mais avec le fait de parler une langue étrangère. Pour les grecs, le barbare, c’est celui qui s’exprime par borborygmes.  Et chez eux, d’ailleurs, le barbare d’anthologie, c’est le Perse. Et n’en déplaise à Frank Miller et Zack Snyder, ce qui les choque le plus, c’est le port du pantalon pour aller combattre, comme nous le rappelle Hérodote : « Ils furent, à notre connaissance, les premiers des Grecs à charger l'ennemi à la course, les premiers aussi à ne pas trembler d’effroi à la vue du costume mède ». Et quand on fait le tour des autres peuplades antiques, dès qu’on s’éloigne de la Méditerranée, les barbares se baladent souvent en falzar. Gaulois, germains, huns, tous portent des braies. Ou alo...

Brumes du passé

Pour diverses raisons, notamment des textes sur lesquels je travaille et qui sont très différents les uns des autres, je remets le nez dans les ancienne mythologies slaves. J'en ai déjà parlé à propos de Tchernobog , c'est un abominable foutoir, une source infinie de frustration, plus encore que l'étude des mythes celtes ou germains. En Scandinavie, Islande, Irlande et ailleurs, on a su préserver des récits, des textes, parfois des fragments énigmatiques, qui nous éclairent un tout petit peu. Pour les Slaves, on est face à un champ de ruines (je ne vais pas dire que c'est traditionnel dans ces pays-là, mais bon, un peu quand même). Même les comparatistes s'y cassent les dents. Comment interpréter Perun ? De prime abord, c'est le cousin très proche de Thor/Donar et de Taranis. Est-il en fait le descendant d'une divinité primordiale vénérée à l'âge du bronze ? Possible. Mais les mondes slaves, germains et celtes n'ont jamais été des boîtes étanches. Le...

Sonja la rousse, Sonja belle et farouche, ta vie a le goût d'aventure

 Je m'avise que ça fait bien des lunes que je ne m'étais pas penché sur une adaptation de Robert E. Howard au cinoche. Peut-être est-ce à cause du décès de Frank Thorne, que j'évoquais dernièrement chez Jonah J. Monsieur Bruce , ou parce que j'ai lu ou relu pas mal d'histoires de Sonja, j'en causais par exemple en juillet dernier , ou bien parce que quelqu'un a évoqué la bande-son d'Ennio Morricone, mais j'ai enfin vu Red Sonja , le film, sorti sous nos latitudes sous le titre Kalidor, la légende du talisman .   On va parler de ça, aujourd'hui Sortant d'une période de rush en termes de boulot, réfléchissant depuis la sortie de ma vidéo sur le slip en fourrure de Conan à comment lui donner une suite consacrée au bikini en fer de Sonja, j'ai fini par redescendre dans les enfers cinématographiques des adaptations howardiennes. Celle-ci a un statut tout particulier, puisque Red Sonja n'est pas à proprement parler une création de Robert H...

Coup double

 Ainsi donc, je reviens dans les librairies le mois prochain avec deux textes.   Le premier est "Vortace", dans le cadre de l'anthologie Les Demeures terribles , chez Askabak, nouvel éditeur monté par mes vieux camarades Melchior Ascaride (dont vous reconnaissez dans doute la patte sur la couverture) et Meredith Debaque. L'idée est ici de renouveler le trope de la maison hantée. Mon pitch :   "Les fans d'urbex ne sont jamais ressortis de cette maison abandonnée. Elle n'est pourtant pas si grande. Mais pourrait-elle être hantée par... un simple trou dans le mur ?" Le deuxième, j'en ai déjà parlé, c'est "Doom Niggurath", qui sortira dans l'anthologie Pixels Hallucinés, première collaboration entre L'Association Miskatonic et les éditions Actu-SF (nouvelles).  Le pitch :  "Lorsque Pea-B tente un speed-run en live d'un "mod" qui circule sur internet, il ignore encore qu'il va déchainer les passions, un ef...

Hail to the Tao Te King, baby !

Dernièrement, dans l'article sur les Super Saiyan Irlandais , j'avais évoqué au passage, parmi les sources mythiques de Dragon Ball , le Voyage en Occident (ou Pérégrination vers l'Ouest ) (ou Pèlerinage au Couchant ) (ou Légende du Roi des Singes ) (faudrait qu'ils se mettent d'accord sur la traduction du titre de ce truc. C'est comme si le même personnage, chez nous, s'appelait Glouton, Serval ou Wolverine suivant les tra…) (…) (…Wait…). Ce titre, énigmatique (sauf quand il est remplacé par le plus banal «  Légende du Roi des Singes  »), est peut-être une référence à Lao Tseu. (vous savez, celui de Tintin et le Lotus Bleu , « alors je vais vous couper la tête », tout ça).    C'est à perdre la tête, quand on y pense. Car Lao Tseu, après une vie de méditation face à la folie du monde et des hommes, enfourcha un jour un buffle qui ne lui avait rien demandé et s'en fut vers l'Ouest, et on ne l'a plus jamais revu. En chemin, ...

En repassant loin du Mitan

 Bilan de la semaine : outre un peu de traduction, j'ai écrit  - 20000 signes d'un prochain roman - 20000 signes de bonus sur le prochain Chimères de Vénus (d'Alain Ayrolles et Etienne Jung - 30000 signes d'articles pour Geek Magazine    Du coup je vous mets ci-dessous un bout de ce que j'ai fait sur ce roman (dans l'univers du Mitan, même si je n'ai plus d'éditeur pour ça à ce stade, mais je suis buté). Pour la petite histoire, la première scène du bouquin sera tirée, poursuivant la tradition instaurée avec Les canaux du Mitan, d'un rêve que je j'ai fait. Le voici (même si dans la version du roman, il n'y aura pas de biplans) . On n'est pas autour de la plaine, cette fois-ci, je commence à explorer le vieux continent :   Courbé, il s’approcha du fond. À hauteur de sa poitrine, une niche était obstruée par une grosse pierre oblongue qu’il dégagea du bout des doigts, puis fit pivoter sur elle-même, dévoilant des visages entremêlés. Une fo...

Aïe glandeur

Ça faisait bien longtemps que je ne m'étais pas fendu d'un bon décorticage en règle d'une bonne bousasse filmique bien foireuse. Il faut dire que, parfois, pour protéger ce qu'il peut me rester de santé mentale, et pour le repos de mon âme flétrie, je m'abstiens pendant de longues périodes de me vautrer dans cette fange nanardesque que le cinéma de genre sait nous livrer par pleins tombereaux. Et puis parfois, je replonge. Je repique au truc. De malencontreux enchaînements de circonstances conspirent à me mettre le nez dedans. Là, cette fois-ci, c'est la faute à un copain que je ne nommerai pas parce que c'est un traducteur "just wow", comme on dit, qui m'avait mis sur la piste d'une édition plus complète de la musique du film Highlander . Et qu'en effet, la galette était bien, avec de chouettes morceaux qui fatalement mettent en route la machine à nostalgie. "Fais pas le con, Niko ! Tu sais que tu te fais du mal !" ...

Noir c'est noir. Ou pas.

 Je causais ailleurs de l'acteur Peter Stormare, qui jouait Czernobog (ou Tchernobog, ou Crnobog, prononcer "Tsr'nobog" dans ce dernier cas) dans la série American Gods , mais qui était aussi Lucifer dans le film Constantine et le nihiliste qui veut couper le zizi du Dude.   de nos jours, il lui latterait plutôt les roubignoles au Dude Tchernobog (ou Czernobog, ou Crnobog) c'est un dieu classique des mythologies slaves, sur lequel il a été beaucoup écrit, un dieu noir et hivernal opposé à la lumière, enfermé dans un cycle de mort et de résurrection, avec donc un rôle dans la fertilité. C'est sur ce mythe-là que Gaiman base son personnage dans American Gods , justement. Les chrétiens l'ont immédiatement assimilé à un diable, et c'est la lecture qu'en fait Disney dans le segment "La nuit sur le Mont Chauve" dans Fantasia .   J'entends cette image   Faut dire que le gars est pas aidé : son nom signifie précisément "dieu noir"...

Ça va s'arranger, Monsieur Milan !

Hop, encore un petit article sauvé du naufrage de superpouvoir. J'ai hésité à le poster sur la nouvelle version du site, et puis finalement je le rapatrie ici, comme ça ne parle pas vraiment de comics. Petit tour de table pour débuter la négo La provocation a toujours été consubstantielle de l'activité artistique. à quoi ça tient, mystère. Peut-être au fait que l'artiste, par nature, est un peu en marge du corps social et a donc la distance nécessaire pour l'interroger. Mais "provocation", le mot semble faible pour qualifier les outrances de Laibach. travailleurs de tous les pays... Pour ceux qui ne connaissent pas, Laibach, c'est un peu l'ancêtre sous amphètes de Rammstein. D'ailleurs, un des membres de Laibach le disait : "ouais, c'est bien, ce qu'ils font, Rammstein. Ils rendent notre style de musique accessible aux kids, c'est important." Je paraphrase. Mais donc, provocation. C'est un mot qu...