La nouvelle série Daredevil, Born Again vient de commencer chez Disney, reprenant les mêmes acteurs que l'ancienne et développant des choses intéressantes, pour ce qu'on en voit jusqu'ici, faisant évoluer la relation entre Fisk et Murdock, le Kingpin étant désormais traité sous un angle plus politique, avec quelques coups de pieds de l'âne envers Trump et ses thuriféraires, ce qui après tout est de bonne guerre. J'étais un peu passé à côté de la vieille série, dont je n'avais pas vu grand-chose, mais je j'ai tranquillement rattrapé ces derniers temps, la réévaluant à la hausse.
Du coup, ça m'a surtout donné envie de me remettre aux comics. Daredevil, c'est un personnage que j'ai toujours bien aimé. Je me suis donc refait tous les Miller en une petite semaine. Hormis quelques épisodes, je n'avais pas relu ça d'un bloc depuis une bonne dizaine d'années. Ça reste un des runs fondamentaux sur le personnage, et tout ce qui vient après se définit en fait par rapport à ce mètre étalon, quasiment jamais par rapport aux épisodes de Stan Lee.
J'en ai profité pour analyser les deux épisodes réintroduisant le Punisher. C'est intéressant, parce qu'ils auraient dû arriver beaucoup plus tôt dans la série : ils sont annoncés au moment où Roger McKenzie, co-scénarise encore les épisodes de Miller (donc celui, formidable, où Ben Urich découvre l'identité secrète de DD, permettant de réitérer les origines d'une façon fluide), mais le numéro suivant n'a absolument rien à voir, et il existe une couverture inédite ne correspondant pas à grand-chose du contenu de l'épisode publié pour lequel elle était prévue.
DD 164, c'est justement l'épisode Ben Urich
On sent donc de grosses hésitations à l'éditorial. Daredevil, à l'époque, c'est une série qui ne va pas très bien, qui est passée en bimestriel, et que Miller, encré par Klaus Janson, arrivé quelques temps avant lui et assurant une espèce de "continuité graphique" malgré la valse des dessinateurs, essaie de ranimer en lui donnant une nouvelle direction, plus âpre.
Mais les épisodes sur le Punisher, c'est peut-être trop. Ils sont publiés beaucoup plus tard, après la fin de la saga sur Elektra. C'est intéressant, d'ailleurs, parce que le découpage et la narration montrent bien qu'ils datent d'avant. Même le mix Miller/Jason est pas tout à fait le même que dans l'épisode précédent. Apparemment, le sujet (la drogue) pose encore problème vis à vis du Comics Code et l'editor, Dennis O'Neil, préfère temporiser. Une fois Miller bien mieux installé, il peut préparer ces épisodes, en mettant en scène l'évasion du Punisher et en ajoutant des pages qui collent à certains développements survenus entre-temps, notamment dans la relation avec Heather Glenn.
C'est aussi intéressant de voir que Miller prend son temps, développe tranquillement les choses, même si le succès, amenant le passage de la série en mensuel, l'oblige à se reposer de plus en plus sur son encreur (les épisodes avec le Punisher tombent peut-être à pic, d'ailleurs, pour leur permettre de souffler un peu) au point qu'il finit par lui confier le dessin tout entier et que la transition est assez fluide. Ce ne sont de grands dessinateurs ni l'un, ni l'autre (malgré des fulgurances), mais ils parviennent à créer une pure ambiance charbonneuse.
À ses débuts sur la série, Miller
est encore graphiquement un work in progress
C'est intéressant de relire tout ça d'un bloc. On voit l'évolution de Miller, ce qu'il essaie et réussit ou pas, les éléments qu'il ajoute pour donner de l'épaisseur à son petit monde, comme le retour du Kingpin, les galères récurrentes de Turk, qui sert de comic relief, la façon dont il ne sait pas toujours quoi faire de Heather Glenn. Et puis Elektra, bien sûr, dont on s'aperçoit aussi que le personnage met un peu de temps à trouver ses marques.
Tous les auteurs suivants de la série se positionneront par rapport à Miller. Je viens d'attaquer la relecture du run de Waid, par exemple, qui prend le parti de faire radicalement l'inverse, réinjectant du fun de des éléments de l'univers Marvel qu'on associe rarement à DD, comme l'Homme-Taupe, mais c'est justement une écriture en contre. Même s'il affecte de vouloir revenir au vaudeville à la Stan Lee, c'est bien par rapport à Miller qu'il se situe au départ (mais aussi aux continuateurs de Miller comme Bendis et Brubaker).
Bref, un plaisir de relecture comme à chaque fois, qui permet de plus quelques réflexions.
À propos de DD et de Miller, d'autres articles plus anciens :
Sur les DD de la période Quesada puis Bendis, mais aussi DeMatteis
Sur l'après-Miller, notamment l'après Born Again
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