Ouais, je sais, encore une rediff d'un vieux texte. Je l'aime particulièrement, celui-ci, il tape bien dans certaines de mes vieilles fixettes sur le langage comme masque et non moyen de description du réel.
Il y a une sorte de poésie étrange dans le techno-babble... Là faut que je m'arrête tout de suite... Déjà, je triche. Plutôt que de dire techno-blabla, par exemple, j'utilise une forme anglophone qui fait tout de suite plus tech, justement. C'est honteux. Et ça va anéantir mon argumentation, en plus.
Et puis merde, je m'en fous après tout.
Donc...
Il y a une sorte de poésie étrange dans le techno-babble, ce langage curieux qu'on trouve généralement dans les séries télés de SF et les comics avec savants fous (mes préférés), langage qui tente de masquer sous des noms ronflants le total manque de connaissances scientifique des auteurs. Les torpilles à photon, zones négatives, vitesses de distorsion et autres tubes de jeffries, personne, pas même les fans les plus hardcore, n'est capable d'en donner une explication qui soit à la fois cohérente et qui tienne vaguement la route sur un plan scientifique.
Mais bon, quand un tech de l'Enterprise dit "les cristaux de dilithium ne sont plus alignés, faut redescendre en vitesse d'impulsion", on sait que ça chie pour le vaisseau. Et c'est l'essentiel, le dialoguiste a réussi à faire passer le message sans avoir à utiliser des expressions triviales du genre "on est foutus". Le dialogue entre le répliquant et son créateur, dans Blade Runner, est un grand moment dramatique. Mais les considérations génétiques qu'il contient sont dramatiques aussi. Si avec un peu de bienveillance et de bonne volonté, on peut comprendre les notions brassées, il faut bien reconnaître que sur le plan purement de la façon dont marchent nos petits gènes, c'est du grand n'importe quoi.
Dès qu'on creuse, c'est pire. Papy Asimov (je rigole, mais j'adore Asimov. Même Will Smith n'a pas réussi à me le faire renier), avec ses robots à cerveau positronique, fait monter d'un niveau le degré d'émerveillement : le positron (plus communément appelé positon), c'est l'antiélectron, l'électron positif. Jusque là, n'importe qui qui ne dormait pas en cours de chimie en Quatrième peut suivre. En tant qu'électron d'un genre un peu particulier, il se comporte à peu près comme un électron. On peut donc dire que le cerveau positronique (au coeur de tout le cycle romanesque asimovien, ne l'oublions pas) est un genre de cerveau électronique un peu particulier. Jusque là, pas de problème. Sauf que l'électron positif, il appartient à cette catégorie d'objets physiques qu'on appelle l'antimatière. Eh oui, l'antimatière, pour le coup, même si c'est beaucoup employé dans le techno-babble, justement, ça existe en vrai et on la produit régulièrement dans des accélérateurs de particules. Il y a même des positrons (en faible proportion) dans le vent solaire. Tout ça pour dire que, si les positrons du cerveau des robots sont mis en contact avec la matière ordinaire, ça risque de déclencher des trucs pas cools, genre explosion avec émission de radiations ionisantes bien cancérigènes. Un truc qu'Asimov n'a jamais exploité dans ses textes. Alors qu'on pourrait avoir le truc du genre un méchant qui braque un pistolet vers la tête d'un robot en gueulant : "si je lui tire une balle dans la tête, alors on crévera tous dans d'atroces souffrances, alors foutez-moi tranquille". On serait quand même moins emmerdé s'il avait doté ses robots d'un cerveau électronique, comme tout le monde.
Et le techno-babble a un petit frère. Le magical-babble. Dans les Marvel Comics, par exemple, il y a l'invocation aux Vishanti, les bandeaux de Cytorrak, etc... Toutes les séries télés présentant des sorcières, des chasseurs de vampires et autres combattants du paranormal vont jongler avec ce genre de trucs, piochés dans les J'Ai Lu L'Aventure Mystérieuse, dans Lovecraft, dans les pages horoscope de Télé 7 Jours voire, pour les plus croustillants, dans le Vermot. Dès que les scénaristes s'y connaissent vaguement en sataniques du dimanche, en templiers d'extrême droite et en savants nazis, hop, ils balancent plein de termes à la con, du genre orgone, Azathoth ou grande loge blanche. Des éditeurs que je ne citerai pas ont construit des collections entières là-dessus.
Ce qui est très amusant, c'est de voir ce techno-babble contaminer aussi le langage normal. Par exemple, la radio-activité est une réalité. Il y a la radio-activité naturelle, la radio-activité légère (celle d'une montre qui brille dans le noir, par exemple) et puis les phénomènes à la Tchernobyl qui fournissent aux cirques du monde leur contingent de moutons à cinq pattes. Eh bien le mot est employé à toutes les sauces, de l'araignée radio-active de Peter Parker (devenue, la mode changeant, une araignée OGM) aux expressions du genre "le quartier il est un peu radio-actif pour ta gueule, maintenant", et la radio-activité est utilisée à toutes les sauces.
Souvent, même les infos sérieuses emploient du techno-babble, en ce sens que les termes scientifiques employés sont vidés de tout sens, et utilisés une fois sur deux hors de propos et donc n'ont pas forcément l'air d'avoir plus de sens que les explications du professeur Bergman dans Cosmos 1999. Le journaleux lit son texte sans comprendre ce qu'il raconte plus que ne le faisait Gillian Anderson quand elle débitait les répliques de Scully face à un Mulder admiratif.
Alors on entend parler des gènes de ceci et gènes de cela que pas mal d'études sérieuses (forcément sérieuses, on en parle aux infos, alors vous pensez) nous présentent. Hé les mecs, les gènes codent des protéines, pas des comportements. Le gène de l'alcoolisme, de l'homosexualité ou de la bosse des maths, ça me fait doucement rigoler. Toute l'astuce pour le journaleux est d'avoir l'air d'y croire et de savoir ce que veulent dire les termes (c'est comme dans Urgences : vous croyez vraiment que Georges Cloné il sait ce que c'est qu'une hémorragie sous-durale ?) et il a l'air d'un pro. Mais ça reste dans le meilleur des cas de la bouillie verbale, dans le pire un outil à embrouiller les masses en leur faisant croire qu'elles ont compris, voire qu'elles ont compris qu'elles ne peuvent pas comprendre.
Pis encore, les gourous de la communication et les gourous de sectes s'y mettent aussi ! Comprenant le potentiel de ce genre de jargons dénués de sens, ils en rajoutent partout, soit pour rendre "scientifiques" des étalages de banalités, soit pour rendre délibérément obscurs leur fatras habituel. Voir la "scientifique" de Raèl expliquer pourquoi leur technique de clonage allait forcément marcher était d'une cocasserie sans nom (y'a encore des gens pour croire que la mémoire d'une personne s'inscrit dans les gènes, et donc que l'âme et la personnalité de cette personne seront présentes dans le clone) (rappelons au passage qu'un gène ne code que la production d'une protéine) dès qu'on a un peu suivi l'état de la recherche dans ce domaine. Mais pour un clampin moyen, ça peut avoir l'air très carré. En cela, le techno-babble rejoint les jargons divers qui fleurissent un peu partout, qu'ils soient professionnels, sociaux, etc...
À cette différence près que le jargon est censé améliorer l'efficacité de la communication entre membres du groupe. Alors que le techno-babble, le vrai, n'est là que pour masquer un vide en ne disant quasiment rien. De la poésie, je vous dis.
Il y a une sorte de poésie étrange dans le techno-babble... Là faut que je m'arrête tout de suite... Déjà, je triche. Plutôt que de dire techno-blabla, par exemple, j'utilise une forme anglophone qui fait tout de suite plus tech, justement. C'est honteux. Et ça va anéantir mon argumentation, en plus.
Et puis merde, je m'en fous après tout.
Donc...
Il y a une sorte de poésie étrange dans le techno-babble, ce langage curieux qu'on trouve généralement dans les séries télés de SF et les comics avec savants fous (mes préférés), langage qui tente de masquer sous des noms ronflants le total manque de connaissances scientifique des auteurs. Les torpilles à photon, zones négatives, vitesses de distorsion et autres tubes de jeffries, personne, pas même les fans les plus hardcore, n'est capable d'en donner une explication qui soit à la fois cohérente et qui tienne vaguement la route sur un plan scientifique.
Mais bon, quand un tech de l'Enterprise dit "les cristaux de dilithium ne sont plus alignés, faut redescendre en vitesse d'impulsion", on sait que ça chie pour le vaisseau. Et c'est l'essentiel, le dialoguiste a réussi à faire passer le message sans avoir à utiliser des expressions triviales du genre "on est foutus". Le dialogue entre le répliquant et son créateur, dans Blade Runner, est un grand moment dramatique. Mais les considérations génétiques qu'il contient sont dramatiques aussi. Si avec un peu de bienveillance et de bonne volonté, on peut comprendre les notions brassées, il faut bien reconnaître que sur le plan purement de la façon dont marchent nos petits gènes, c'est du grand n'importe quoi.
Dès qu'on creuse, c'est pire. Papy Asimov (je rigole, mais j'adore Asimov. Même Will Smith n'a pas réussi à me le faire renier), avec ses robots à cerveau positronique, fait monter d'un niveau le degré d'émerveillement : le positron (plus communément appelé positon), c'est l'antiélectron, l'électron positif. Jusque là, n'importe qui qui ne dormait pas en cours de chimie en Quatrième peut suivre. En tant qu'électron d'un genre un peu particulier, il se comporte à peu près comme un électron. On peut donc dire que le cerveau positronique (au coeur de tout le cycle romanesque asimovien, ne l'oublions pas) est un genre de cerveau électronique un peu particulier. Jusque là, pas de problème. Sauf que l'électron positif, il appartient à cette catégorie d'objets physiques qu'on appelle l'antimatière. Eh oui, l'antimatière, pour le coup, même si c'est beaucoup employé dans le techno-babble, justement, ça existe en vrai et on la produit régulièrement dans des accélérateurs de particules. Il y a même des positrons (en faible proportion) dans le vent solaire. Tout ça pour dire que, si les positrons du cerveau des robots sont mis en contact avec la matière ordinaire, ça risque de déclencher des trucs pas cools, genre explosion avec émission de radiations ionisantes bien cancérigènes. Un truc qu'Asimov n'a jamais exploité dans ses textes. Alors qu'on pourrait avoir le truc du genre un méchant qui braque un pistolet vers la tête d'un robot en gueulant : "si je lui tire une balle dans la tête, alors on crévera tous dans d'atroces souffrances, alors foutez-moi tranquille". On serait quand même moins emmerdé s'il avait doté ses robots d'un cerveau électronique, comme tout le monde.
Et le techno-babble a un petit frère. Le magical-babble. Dans les Marvel Comics, par exemple, il y a l'invocation aux Vishanti, les bandeaux de Cytorrak, etc... Toutes les séries télés présentant des sorcières, des chasseurs de vampires et autres combattants du paranormal vont jongler avec ce genre de trucs, piochés dans les J'Ai Lu L'Aventure Mystérieuse, dans Lovecraft, dans les pages horoscope de Télé 7 Jours voire, pour les plus croustillants, dans le Vermot. Dès que les scénaristes s'y connaissent vaguement en sataniques du dimanche, en templiers d'extrême droite et en savants nazis, hop, ils balancent plein de termes à la con, du genre orgone, Azathoth ou grande loge blanche. Des éditeurs que je ne citerai pas ont construit des collections entières là-dessus.
Ce qui est très amusant, c'est de voir ce techno-babble contaminer aussi le langage normal. Par exemple, la radio-activité est une réalité. Il y a la radio-activité naturelle, la radio-activité légère (celle d'une montre qui brille dans le noir, par exemple) et puis les phénomènes à la Tchernobyl qui fournissent aux cirques du monde leur contingent de moutons à cinq pattes. Eh bien le mot est employé à toutes les sauces, de l'araignée radio-active de Peter Parker (devenue, la mode changeant, une araignée OGM) aux expressions du genre "le quartier il est un peu radio-actif pour ta gueule, maintenant", et la radio-activité est utilisée à toutes les sauces.
Souvent, même les infos sérieuses emploient du techno-babble, en ce sens que les termes scientifiques employés sont vidés de tout sens, et utilisés une fois sur deux hors de propos et donc n'ont pas forcément l'air d'avoir plus de sens que les explications du professeur Bergman dans Cosmos 1999. Le journaleux lit son texte sans comprendre ce qu'il raconte plus que ne le faisait Gillian Anderson quand elle débitait les répliques de Scully face à un Mulder admiratif.
Alors on entend parler des gènes de ceci et gènes de cela que pas mal d'études sérieuses (forcément sérieuses, on en parle aux infos, alors vous pensez) nous présentent. Hé les mecs, les gènes codent des protéines, pas des comportements. Le gène de l'alcoolisme, de l'homosexualité ou de la bosse des maths, ça me fait doucement rigoler. Toute l'astuce pour le journaleux est d'avoir l'air d'y croire et de savoir ce que veulent dire les termes (c'est comme dans Urgences : vous croyez vraiment que Georges Cloné il sait ce que c'est qu'une hémorragie sous-durale ?) et il a l'air d'un pro. Mais ça reste dans le meilleur des cas de la bouillie verbale, dans le pire un outil à embrouiller les masses en leur faisant croire qu'elles ont compris, voire qu'elles ont compris qu'elles ne peuvent pas comprendre.
Pis encore, les gourous de la communication et les gourous de sectes s'y mettent aussi ! Comprenant le potentiel de ce genre de jargons dénués de sens, ils en rajoutent partout, soit pour rendre "scientifiques" des étalages de banalités, soit pour rendre délibérément obscurs leur fatras habituel. Voir la "scientifique" de Raèl expliquer pourquoi leur technique de clonage allait forcément marcher était d'une cocasserie sans nom (y'a encore des gens pour croire que la mémoire d'une personne s'inscrit dans les gènes, et donc que l'âme et la personnalité de cette personne seront présentes dans le clone) (rappelons au passage qu'un gène ne code que la production d'une protéine) dès qu'on a un peu suivi l'état de la recherche dans ce domaine. Mais pour un clampin moyen, ça peut avoir l'air très carré. En cela, le techno-babble rejoint les jargons divers qui fleurissent un peu partout, qu'ils soient professionnels, sociaux, etc...
À cette différence près que le jargon est censé améliorer l'efficacité de la communication entre membres du groupe. Alors que le techno-babble, le vrai, n'est là que pour masquer un vide en ne disant quasiment rien. De la poésie, je vous dis.
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