"Je m'en voudrais de me faire l'avocat de la drogue, de la boisson, de la violence ou de la folie devant qui que ce soit, mais en ce qui me concerne elles m'ont toujours réussi."
(Hunter S. Thompson, 1937-2005)
Hunter S. Thompson n'était pas à proprement parler un gentil garçon. Journaliste engagé, travaillant souvent sous l'influence de substances dont on se bornera à dire qu'elles n'étaient pas recommandées par le ministère de la santé, connu pour son mauvais esprit perpétuel, ce fut aussi le théoricien de ce qu'on a appelé le Gonzo Journalisme. L'expression n'est d'ailleurs pas de lui, mais a été employée pour la première fois en parlant d'un de ses articles par Bill Cardoso, journaliste au Boston Sunday Globe. Ça n'avait d'ailleurs rien d'élogieux, vu que le terme gonzo désigne, dans la région de Boston, le dernier pochard debout à la fin d'une bonne cuite collective. Mais passons, le mot est resté, et Thompson s'en est vite emparé.
Mais qu'est-ce que le Gonzo Journalisme ? Eh bien c'est tout ce que le journalisme n'est pas censé être. C'est subjectif, orienté, et ça s'intéresse moins aux faits qu'à la perception qu'en ont les gens, au premier rang desquels le journaliste lui-même. Qui plus est, la couverture de l'événement devient souvent annexe : plutôt que d'aller sur le terrain, le vrai gonzo journaliste trouve le bar où se réunit la presse, s'installe dans un coin et ouvre grand les oreilles, une technique que Thompson a raffinée après un reportage chez les Hell's Angels qui s'était terminé par un tabassage en règle.
Thompson est un auteur qui a marqué les lettres américaines, en tout cas. Alors qu'il n'était même pas encore mort, des personnages inspirés de lui sont apparus dans au moins trois films (dont un adapté de son livre Las Vegas Parano), et plusieurs bandes dessinées.
Mieux encore, son suicide fut l'occasion d'un coup de pied de l'âne de la part d'un de ses détracteurs, qui en tentant de le faire passer pour quantité négligeable, montrait au contraire l'importance de la nuisance qu'avait pu représenter le bonhomme. En effet, Thompson avait en son temps, et ce y compris avant le Watergate, cassé pas mal de sucre sur le dos du président Nixon. Quand Thompson se tua début 2005 (pour info, l'arme du suicide est paraît-il actuellement en la possession de Johnny Depp, qui avait incarné l'écrivain, ou l'un de ses masques, sur grand écran), Henry Kissinger prit le temps de commenter l'événement en ces termes : "Au moins, Nixon ne s'est pas tiré une balle comme ce bouffon instable qui n'était même pas capable d'aligner une phrase grammaticalement correcte". Qu'un Secrétaire d'État, qui joua avec les destins de plusieurs pays et brouilla les cartes au point d'être considéré selon les sources comme un grand diplomate ou un affreux criminel de guerre, qu'un tel personnage s'abaisse à commenter le suicide d'un "bouffon instable"… Cela vaut compliment.
Commentaires
en BD, Transmetropolitan, déjà. plus des trucs un peu plus obscurs.