Deuxième partie du mois de juillet...
16.
Le mage Grodobert avait eu une intuition. Il étudia la combinatoire, établit des tableaux, et parvint à produire un éphéméride des moments les moins dangereux ou les plus efficaces pour invoquer tel et tel démon. pour ce faire, il avait dépouillé son propre journal, puis compilé méticuleusement les notes de tous ses prédécesseurs.
Ses successeurs contestèrent ses travaux. Une telle rationalisation de l'art de la sorcellerie leur semblait un contresens.
17.
La grande faille de l'alchimie, c'est le caractère solitaire de ses adeptes. Chacun fait son truc dans son coin.
Pourtant, Sarouwilf était parvenu à réunir quelques confrères, qui se passaient leurs recettes, ingrédients et appareils.
Le Grand Art connut une forme d'âge d'or, jusqu'à ce que lors d'une réunion, Glontrand transforme une grande quantité de plomb en plutonium.
Le cratère de Marcassonne est désormais un lieu maudit, peuplé de créatures contrefaites, où il fait mauvais s'aventurer.
18.
Le gros problème, avec les anneaux, épées et autres objets enchantés jusqu'aux yeux, c'est qu'ils pouvaient être retrouvés des siècles après avoir cessé d'être utiles, et alors les ennuis commençaient. Le sorcier Mortgrain eut l'idée géniale d'employer des runes qui cessaient d'être efficace avec le temps. Au bout de cinquante ou cent ans, les objets redevenaient ordinaires.
19.
Inculquer la notion de travail aux Groboldes, après leur conquête, avait relevé de la gageure. Ces sauvages n'avaient aucune notion d'horaires. Pourtant, leurs artisans étaient réputés dans le monde entier. Mais dès qu'on tentait de les contraindre, ils faisaient la même merde que les autres.
Les conseillers de Saucron le nécromant s'interrogeaient sur ce décevant mystère. On décida de conquérir Elfes de la vallée perdue. Peut-être se montreraient-ils plus civilisables.
20.
Être sbire de Saucron le nécromant était une activité précaire. Si l'on n'était pas assez avide ni stupide, il pouvait en prendre ombrage.
Gare alors au malheureux. Il devait rivaliser de massacres et de prises de butins.
Sinon, il était consigné à l'entretien des latrines infernales.
21.
Dans cette région montagneuse, il était difficile de voir arriver les ennemis avant qu'il ne soit trop tard. Le sorcier Kadroumane avait donc fait construire une tour immense, au sommet de laquelle il avait fait dresser un mat. Tout en haut avait été ménagée une plateforme d'observation.
On ne voyait pas arriver l'ennemi plus qu'avant : le moindre coup de vent violent transformait ce mat en catapulte.
22.
L'innovation, en sorcellerie, était quelque chose de mal vu. C'est pourquoi les grimoires de Morgrain étaient généralement conservés sous clé. Le vieux mage avait tenté de dépasser les codes de sa profession, avec parfois des résultats fracassants, mais souvent des conséquences discutables. Sa disparition mystérieuse avait été mise sur le compte d'une de ses inventions.
23.
Être agile, dans les mines d'orichalque de Biglothron, c"'était un avantage, tant les veines du précieux métal étaient étroites et contournées. Plutôt que d'envoyer des enfants ou des grobelains de petite taille, on finit par recourir à des micro-golems. ce qu'ils perdaient en motricité fine était gagné en dimensionnement.
Par contre, en cas d'inondation des galeries ça en mettait partout.
24.
Le service du temple devait être assuré par des vierges des deux sexes. Outre le fait que c'était difficile à trouver dans un royaume hédoniste, le fait que les prêtres aient été... des prêtres... n'arrangeait rien. On finit par réformer le culte en profondeur.
25.
Saucron avait ouvert une école de ce qu'il appelait "management". On y apprenait à détruire l'esprit d'initiative des subordonnés à coup de menteries, à leur briser l'esprit, à détruire toute perspective, parce que cela permettait d'en récolter le mana, l'énergie mentale. D'où le nom, d'ailleurs.
26.
Le terme était mystérieux et correspondait à une époque précise mais obscure. "Entrepocène".... On finit par décider que les derniers repas de plein de gens avaient eu lieu dans ces entrepôts d'entreprises de distribution qui fleurissaient partout.
Peut-être n'était-on pas si loin de la réalité, d'ailleurs.
27.
La Startup Planet était une bonne idée, sur le papier, un monde pépinière d'idées et d'entreprises, consacré uniquement à la recherche de moyens de simplifier la vie d'utilisateurs dans toute la galaxie.
Son modèle social s'effondra en deux ans. Faute de droits, les petites mains qui assuraient la logistique de la nourriture et de l'entretien ne parvenaient pas à vivre décemment, ni à se loger.
Les autorités du quadrant découvrirent des charniers de livreurs à aérocycle.
28.
Saucron s'était fait installer un immense bureau de bois précieux dans son saint des saints. Il pouvait ainsi impressionner ses visiteurs avec ses piles de dossier et de grimoires, ses boules de cristal et astrolabes.
Les habitués des lieux remarquèrent vite qu'il n'y touchait jamais. Ce n'était qu'un décor.
29.
L'écosystème des grandes cavernes avait trois superprédateurs qui se disputaient le contrôle des galeries : les grobelains, les immondes groboldes, et des araignées grosses comme des vaches. Plus malins, les grobelains avaient appris à rabattre les groboldes vers les nids des araignées mâles, plus craintives, qui savaient se contenter de proies plus petites. Un équilibre se fit, au détriment des affreux petits gnomes.
30.
La vente des effets personnels du roi Chibard avait permis de renflouer les caisses de l'état après le décès de ce monarque dépravé. Ses successeurs n'avaient que faire de guépières en cuir aux mensurations de comtesses mortes une génération auparavant, ni de godemichés runiques, dotés d'enchantements surprenants.
31.
Saucron avait réorganisé son conseil. Les apprentis nécromants dont il s'était entouré visaient sa place et il voulait de la loyauté envers lui, même si la plupart avaient trahi leurs anciens maîtres pour le rejoindre.
Il s'entoura de zorques. Ceux-ci étaient apparemment loyaux, mais bêtes à manger des cailloux.
Il estima avoir gagné au change.
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