"Mais pour qui vous prenez-vous ?"
Voilà bien une question qui m'insupporte, tiens. Bon, ça fait longtemps qu'on ne me l'a pas trop adressée, vu que la réponse est alors "pour un Serbe de 2 mètres et 110 kilos, pourquoi ?" ce qui peut avoir tendance à calmer le jeu, surtout si je pose bien ma voix. Mais bon, quelqu'un que je connait y a encore eu droit.
Qu'est-ce qu'elle signifie, cette question qui n'en est pas une ? Elle n'en est pas une parce que la réponse induite, dans la tête de qui la pose est : "quelqu'un qui n'a pas à la ramener".
C'est le signe d'une absence d'argument, c'est le dernier recours pour maintenir une position de surplomb symbolique, de se raccrocher à une convention sociale fumeuse qui permet de rester au-dessus, de balayer le désaccord en le ramenant à l'aigreur du petit (par coïncidence, c'est un peu le sens de la longue tirade de la responsable du festival d'Angoulème, qu'on peut résumer à "vous êtes qui pour me critiquer?", prends en de la graine, Chat-gepetto, là).
Parce qu'en général, cette question en dit plus long sur la personne qui la crache. C'est le fait de quelqu'un qui vous réduit à une étiquette considérée comme méprisable, qui va sous-entendre qu'il y a des gens plus haut placés que vous dans la grande hiérarchie des choses qui sont plus fondés que vous à ouvrir leur gueule. En général, c'est le fait de gens qui se parent de titres ou d'une bonne fiche de paye mais ne sont, dans le fond, que des employés de bureau (oui, ça marche dans les deux sens, hein, et ça ils n'aiment pas), des fonctionnaires administratifs, des banquiers, etc. des gens qui n'ont pas la moindre idée (et refuse de l'avoir) de ce que vous êtes et faites réellement, des conditions concrètes de votre existence.
Ne vous laissez pas avoir à leur morgue, ce sont des gens esclaves de leur système et de leurs passions tristes. Cette question est l'aveu de leur vacuité foncière.
Oui, je suis reparti à jouer les Roland Barthes de chez Temu, faites pas attention, je manque de sommeil.
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