Ça fait très longtemps que j'avais envie de me relire Rendez-vous avec Rama, le roman d'Arthur C. Clarke (connu pour avoir également écrit une série sur des odyssées spatiales, dont les adaptations ciné sont installées assez haut dans la liste de mes obsessions).
Pourquoi ai-je précisément entrepris cette relecture maintenant ? Ça, c'est assez compliqué. Le bouquin, je l'avais lu au départ dans la deuxième moitié des années 80, vers 15-16 ans, en bibliothèque, à l'époque où j'écumais tout ce que celles du quartier et des quartiers voisins avaient en termes de SF. La plupart n'en avaient pas des masses, mais certains auteurs étaient pas trop mal représentés : Clarke, bien sûr, mais aussi Asimov, Van Vogt, Dick, Herbert, et puis parfois des bizarreries, des Fleuve Noir, des collections oubliés, un ou deux Néo.
Dès que j'avais eu trois sous, j'avais repris quelques Clarke, mais pas Rama, je ne sais plus pourquoi. Par contre, j'ai retrouvé dans mon fourbi un exemplaire de Rama II, bouquin que j'avais pas aimé du tout. Je trouvais qu'à force de vouloir tardivement explorer l'univers mis en place dans le premier, il en sabotait toute la puissance et le normalisait. Ça devenait Lambda plutôt que Rama.
Alors, pourquoi relire le premier tome là, maintenant, tout ce suite ? Primo, je me l'étais repris en VO, parce que je l'avais trouvé à vil prix à un moment, il y a une petite dizaine d'années, où je me relisais plein de Clarke. Mais il s'est retrouvé sur le bas-côté du tourbillon de mes lectures et relectures.
J'y ai repensé très, très fort, comme tout le monde, il y a un peu plus de cinq ans lors du passage dans notre système solaire de Oumuamua, mystérieux astéroïde venu d'une autre étoile, qui est passé vite fait pour un coucou avant de repartir. La comparaison avec Rama (d'autant que même la forme de l'objet était évocatrice), s'est imposée d'elle-même à pas mal de monde, j'ai l'impression. En tout cas, j'ai suivi de très près l'évolution des découvertes sur l'astéroïde. Mais je m'étais précisément refusé à relire Rama pour ne pas porter mes attentes à un niveau délirant. Récemment, j'ai été voir où en était l'état de la recherche sur Oumuamua, et... ça m'a redonné envie. Un atelier à l'autre bout de la région, impliquant trois heures de transports par jour cette semaine, a fait le reste. J'ai pioché le bouquin dans ma pile.
Parce que oui, Rendez-vous avec Rama ça raconte précisément ce que nous avons vécu y a cinq ans, en tout cas ceux parmi nous qui nous intéressons aux nouvelles venues du ciel : Un objet extrasolaire s'approche de nous à grandes vitesse, après avoir traversé des gouffres d'infini. Une expédition est envoyée à la hâte, en détournant un vaisseau dont ce n'était pas le rôle au départ, mais seul à même de pouvoir opérer le contact avant que les lois de la gravité ne projettent l'objet, baptisé Rama, vers la prochaine étape de son voyage.
Mal équipés, pas forcément formés pour cela, en communication distante (avec le lag qu'on imagine) avec un conseil scientifique terrien dont les membres se tirent des bourres, nos vaillants astronautes ont l'impression de mettre le pied dans un tombeau. La gigantesque structure artificielle est en effet vide de toute vie. En effet, le voyage entre étoiles est si long que l'écosystème interne s'est effondré il y a fort longtemps. Hormis quelques systèmes automatiques se réveillant à l'approche de notre soleil, tout là-dedans est mort depuis des temps immémoriaux.
Mais pas sans danger pour autant.
La puissance d'évocation de certaines descriptions et la démesure de la chose m'avaient marqué à l'époque. J'avais encore très bien certaines scènes en tête. Et, si le style (ou parfois non style) de Clarke peut en rebuter certains, je le trouve au contraire hyper efficace, surtout en VO (deuxième fois seulement que je lis cet auteur dans sa langue d'origine, troisième en comptant son petit essai sur l'astronautique écrit au tournant des années 50-60) et dans le cadre où il écrit, c'est à dire la hard-SF. Nombreux, les personnages sont pas mal campés, mais ne restent que des esquisses un peu archétypales. C'est son sujet qui intéresse Clarke, et les réactions des personnages face à leur environnement et au gigantisme des enjeux qui l'intéressent.
Rama, c'est une histoire de premier contact, mais un premier contact partiel, énigmatique, décevant, laissant plus de questions à la fin qu'au départ. Un peu comme 2001, en somme. C'est toute la force du truc, c'est ça qui fait que le bouquin grave des choses dingues dans la tête de ses lecteurs. C'est pour ça que nous y avons tous repensé en 2017-2018.
Forcément, pas étonnant que j'aie détesté sa première suite (il y en a eu d'autres, j'ai même pas tenté), qui, en recourant à la coécriture, essaie de développer des personnages, des conflits classiques, etc... et surtout d'apporter tardivement des réponses (y a 20 ans d'écart environ entre les deux romans). Autant je défends les suites tardives de Fondation (avec leurs défauts) parce que la structure même de la série conduisait à avancer le curseur toujours plus vers le futur. Mais dans le cas de Rama... C'était précisément le genre de mayonnaise à laquelle il ne fallait pas retoucher.
Reste un roman que j'ai relu avec un énorme plaisir, et un cylindre vide qui file à des vitesses proprement astronomiques, mais encore insuffisantes, entre les étoiles.
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