Je viens de m'aviser d'un truc : Philip K. Dick est un des auteurs de SF les plus souvent adaptés au cinéma et à la télévision, mais ce sont surtout ses nouvelles qui ont intéressé les producteurs.
Faisons un bilan : de sa quarantaine de romans, seuls Blade Runner et Le maître du haut château ont eu les honneurs d'une adaptation audiovisuelle, respectivement sur grand et petit écran. Tout le reste, Total Recall (deux films et une série), Impostor (un film avec Gary Sinise et Vincent d'Onofrio), Minority Report, Planète Hurlante, ce sont des nouvelles assez courtes. Sans parler d'Electric Dreams, série anthologique reprenant là aussi quelques unes de ses nouvelles.
Pourquoi n'a-t-on pas d'adaptation d'Ubik ou du Temps désarticulé, de L'oeil dans le ciel (bouquin qui m'a retourné la tête, notamment la séquence du distributeur automatique miraculeux) ni de Loterie Solaire ? Pourtant, son univers fait de micro-transactions (voir les séquences où la porte de l'appartement refuse de s'ouvrir sans qu'on y glisse une pièce) est terriblement actuel. Ce qui était satirique à l'époque est devenu notre quotidien. Plus qu'une gorafisation du monde, nous nous trouvons dans une dickification de notre environnement : publicités invasives et ciblées (comme dans Simulacres), surveillance généralisée, police prédictive... Il a mis le doigt sur plein de trucs. Trump ou Musk, pour ne citer qu'eux, sont des personnages assez dickiens (et je me souviens d'un discours de Macron, sur une télé dont le son était coupé, m'évoquant immédiatement ses dirigeants en plastique).
De fait, Dick a infusé partout. On peut voir Underground, film palmedorisé d'Emir Kusturica, comme une adaptation un peu libre (mais pas tant que ça) de La vérité avant-dernière, ou Truman Show du Temps désarticulé.
J'avoue que je le voyais pas comme ça, Petar Popara Crni
Mais pourquoi les nouvelles plus que les romans ? J'ai peut-être une piste. Une nouvelle, c'est une histoire courte, qui donne plus de latitude à l'adaptateur, latitude dont il a besoin de faire usage lorsqu'il s'agit d'histoires à chute. Celle d'Impostor est astucieusement retravaillée pour que les lecteurs ne s'autospoilent pas la fin du film, celle de Nouveau Modèle est démultipliée, une fois de trop d'ailleurs à mon sens, dans Planète Hurlante.
Total Recall et Minority Report sont l'occasion de développer tout un contexte matériel et social tout juste esquissé dans le texte d'origine. Les auteurs et directeurs artistiques peuvent exercer le regard qu'ils portent sur l'histoire et lancer leur boite à images interne. Toute adaptation est une version, une dérivation, une projection, n'épuisant pas les possibilités.
C'est, fondamentalement, très dickien en soi.
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