Ayant passé pas mal de temps dans le train depuis une dizaine de jours, j'ai eu l'occasion, comme j'en parlais dernièrement, de regarder la série True Detective*, produite et écrite par Nic Pizzolatto, un auteur de polar dont j'ai un des bouquins sur ma pile depuis des mois.
Tout le monde m'avait dit que la saison un était super. Et que la saison deux était pourrie.
Je viens de m'enfiler les deux (huit épisodes chaque), et j'ai été enthousiasmé par la saison un. Scénario, acteurs, photographie, cadrage, tout y était épatant. Une enquête bien poisseuse sur un tueur en série jouissant au moins de complicités haut placées, le tout dans l'ambiance moite des bayous de Louisiane. Avec une charge malsaine qui la faisait flirter avec le fantastique, sans jamais franchir la ligne. Exercice brillant, donc. Auquel il était difficile de livrer une suite sans se planter.
Sauf que la saison 2 n'est pas une suite, et emprunte complètement d'autres chemins, justement pour éviter cet écueil. Ce que m'évoque la seconde, c'est un remake contemporain de L.A. Confidential. Des flics esquintés par la vie et borderline se retrouvent pour des raisons diverses à enquêter sur un fait divers en apparence anodin mais qui, dans une ville aussi corrompue que l'est Vinci en Californie, a des ramifications dans tous les sens. Toute la hiérarchie municipale a des intérêts dans l'affaire, tout comme le crime organisé local. Turpitudes et grosses magouilles remontent à la surface, que certains sont prêts à tout pour étouffer.
Nouveau cadre, nouvelle manière de filmer, d'éclairer et de cadrer. S'il y a de très beaux plans, ils ne m'ont pas impressionné comme certains de la saison précédente. Les acteurs sont bien. Les personnages aussi. Torturés très différemment, quand on les compare aux deux protagonistes de la première enquête, construits sur d'autres archétypes. La différence majeure, c'est qu'ils sont plus nombreux. Là où on avait deux personnages principaux travaillant en tandem, ici il y en a quatre, dont certains ne se croisent quasiment jamais, ce qui modifie très profondément la narration. Elle devient forcément plus classique.
Les correspondances, du coup, sont plus discrètes. Les très belles vues aériennes semblent à première vue un peu gratuites. Mais pourtant, elles créent une sorte de lien, les échangeurs d'autoroute devenant comme des glyphes occultes et contournés renvoyant aux sculptures de branches omniprésentes dans la saison un, mais suffisamment différentes par nature pour appuyer le fait que les forces souterraines à l'œuvre dans la région de Los Angeles ne sont pas les mêmes que celles qu'on devinait sur la côte de Louisiane. L'image de l'écheveau aux énigmatiques connexions demeure.
Si les ouragans destructeurs étaient l'arrière-plan de la première enquête, leur souvenir rythmant les recherches d'archives disparues et de lieux jamais reconstruits, les émeutes raciales sont l'évènement eschatologique fondateur de la seconde.
Le rapport au sexe, à la paternité et à la maternité y sont explorés selon des modalités différentes aussi. Les transmissions générationnelles n'y sont pas du même ordre. Mais là aussi, on voit un schéma subtil se détacher, celui de relations conflictuelles, de pertes de divers ordres, d'incapacités à communiquer sur ce qui est le plus important.
Et dans les deux saisons, on a les gens qui rament en bas de l'échelle qui commencent à s'interroger sur les petites saletés et les petits crimes entre amis d'aristocraties locales décadentes. Sur le fond, les deux saisons se répondent, et sur la forme elles cultivent leurs différences. Les scènes de fusillades de la seconde sont bien plus spectaculaires, Los Angeles oblige. L'enquête de la première entraîne ses protagonistes dans des régions plus philosophiques et plus cérébrales. La corruption n'est pas du même ordre, ni au même niveau. Et les portes de sortie, quand elles existent, ne sont pas les mêmes.
Alors oui, la première saison m'aura beaucoup plus impressionné. Mais ce n'est pas une raison pour savater la seconde comme elle a été savatée. Je la trouve d'autant plus intéressante qu'elle est très différente. C'est cette différence qui aura désarçonné ses spectateurs, je pense. Il aurait fallu qu'ils la prennent comme un objet séparé. En tant que telle, elle fonctionne très bien. En tant qu'élément d'une séquence, elle fonctionne différemment. Mais pas moins bien. La série explore des liens occultes, il est dommage que ceux qui existaient entre les deux saisons n'aient pas été remarqués.
*Oui, je suis souvent retardataire sur ce genre de trucs, ça n'a rien de neuf
Tout le monde m'avait dit que la saison un était super. Et que la saison deux était pourrie.
Je viens de m'enfiler les deux (huit épisodes chaque), et j'ai été enthousiasmé par la saison un. Scénario, acteurs, photographie, cadrage, tout y était épatant. Une enquête bien poisseuse sur un tueur en série jouissant au moins de complicités haut placées, le tout dans l'ambiance moite des bayous de Louisiane. Avec une charge malsaine qui la faisait flirter avec le fantastique, sans jamais franchir la ligne. Exercice brillant, donc. Auquel il était difficile de livrer une suite sans se planter.
Sauf que la saison 2 n'est pas une suite, et emprunte complètement d'autres chemins, justement pour éviter cet écueil. Ce que m'évoque la seconde, c'est un remake contemporain de L.A. Confidential. Des flics esquintés par la vie et borderline se retrouvent pour des raisons diverses à enquêter sur un fait divers en apparence anodin mais qui, dans une ville aussi corrompue que l'est Vinci en Californie, a des ramifications dans tous les sens. Toute la hiérarchie municipale a des intérêts dans l'affaire, tout comme le crime organisé local. Turpitudes et grosses magouilles remontent à la surface, que certains sont prêts à tout pour étouffer.
Nouveau cadre, nouvelle manière de filmer, d'éclairer et de cadrer. S'il y a de très beaux plans, ils ne m'ont pas impressionné comme certains de la saison précédente. Les acteurs sont bien. Les personnages aussi. Torturés très différemment, quand on les compare aux deux protagonistes de la première enquête, construits sur d'autres archétypes. La différence majeure, c'est qu'ils sont plus nombreux. Là où on avait deux personnages principaux travaillant en tandem, ici il y en a quatre, dont certains ne se croisent quasiment jamais, ce qui modifie très profondément la narration. Elle devient forcément plus classique.
Les correspondances, du coup, sont plus discrètes. Les très belles vues aériennes semblent à première vue un peu gratuites. Mais pourtant, elles créent une sorte de lien, les échangeurs d'autoroute devenant comme des glyphes occultes et contournés renvoyant aux sculptures de branches omniprésentes dans la saison un, mais suffisamment différentes par nature pour appuyer le fait que les forces souterraines à l'œuvre dans la région de Los Angeles ne sont pas les mêmes que celles qu'on devinait sur la côte de Louisiane. L'image de l'écheveau aux énigmatiques connexions demeure.
Si les ouragans destructeurs étaient l'arrière-plan de la première enquête, leur souvenir rythmant les recherches d'archives disparues et de lieux jamais reconstruits, les émeutes raciales sont l'évènement eschatologique fondateur de la seconde.
Le rapport au sexe, à la paternité et à la maternité y sont explorés selon des modalités différentes aussi. Les transmissions générationnelles n'y sont pas du même ordre. Mais là aussi, on voit un schéma subtil se détacher, celui de relations conflictuelles, de pertes de divers ordres, d'incapacités à communiquer sur ce qui est le plus important.
Et dans les deux saisons, on a les gens qui rament en bas de l'échelle qui commencent à s'interroger sur les petites saletés et les petits crimes entre amis d'aristocraties locales décadentes. Sur le fond, les deux saisons se répondent, et sur la forme elles cultivent leurs différences. Les scènes de fusillades de la seconde sont bien plus spectaculaires, Los Angeles oblige. L'enquête de la première entraîne ses protagonistes dans des régions plus philosophiques et plus cérébrales. La corruption n'est pas du même ordre, ni au même niveau. Et les portes de sortie, quand elles existent, ne sont pas les mêmes.
Alors oui, la première saison m'aura beaucoup plus impressionné. Mais ce n'est pas une raison pour savater la seconde comme elle a été savatée. Je la trouve d'autant plus intéressante qu'elle est très différente. C'est cette différence qui aura désarçonné ses spectateurs, je pense. Il aurait fallu qu'ils la prennent comme un objet séparé. En tant que telle, elle fonctionne très bien. En tant qu'élément d'une séquence, elle fonctionne différemment. Mais pas moins bien. La série explore des liens occultes, il est dommage que ceux qui existaient entre les deux saisons n'aient pas été remarqués.
*Oui, je suis souvent retardataire sur ce genre de trucs, ça n'a rien de neuf
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