Accéder au contenu principal

Le dernier économiste avec les tripes du dernier banquier (mais encore faudrait-il qu'ils en aient)

L'avantage de la radio, c'est que ça permet aux cuistres de vous parler sans que vous leur aplatissiez le nez d'un high-kick bien placé. De nos jours, il faut avouer que c'est assez précieux, comme protection.

Tenez, ce matin, un économiste causait dans le poste. Alors pour ceux qui n'auraient pas tout suivi, l'économie est cette science qui réussit depuis des décennies à se revendiquer indûment une aura de sérieux parce qu'elle est fondée sur les mathématiques, et peut donc se parer des oripeaux des sciences dures. Sauf que c'est un peu comme le Code de la Bible*, c'est surtout efficace pour prévoir ce qui s'est déjà produit. Pour le reste, ça ressemble un peu à de la météo au doigt mouillé. Parce que ce que, tout à leurs chiffres, ces doctes économistes se gardent bien de se souvenir, c'est que leur chiffres représentent l'activité réelle de gens réels. Et, hormis chez quelques économistes pointus et assez peu écoutés, cette réalité des gens et surtout leur irrationalité foncière sont rarement prise en compte. On préfère se réfugier derrière des moyennes (conseil d'hygiène de base : méfiez-vous toujours des gens qui tirent de grandes conclusions à partir de moyennes, c'est la porte ouverte à toutes les escroqueries. Dès qu'ils s'agit de gens et de pognon, les médianes** sont des outils beaucoup plus  pertinents, générant bien moins de trompe-l'œil.) ou des dogmes.

Bref, ce matin, on interrogeait un économiste sur la crise de l'immobilier. Et quand le journaliste posa la question "est-ce que ce ne serait peut-être pas un tout petit peu la faute au banques qui n'accordent plus de prêts", l'économiste répondit d'un ton ferme "pensez donc, non ! C'est la faute à l'état qui ne soutient pas assez le secteur."

La dernière fois que j'avais vérifié, la doxa des économistes, c'est qu'il y avait trop d'état, qu'il fallait laisser faire le marché. Et le marché a régné en maître sur l'immobilier, permettant au secteur d'avoir souvent une croissance pendant plusieurs années de suite. On veut faire des affaires en paix, mais quand on a scié la branche sur laquelle on était assis, on vient pleurer au secours.

Parce qu'on en arrive au point où il n'est plus possible de se loger, tant les prix sont absurdes. Et les banques n'aident pas : pas plus tard que ces temps-ci, un de mes estimables collègues scénariste/traducteur s'est fait retoquer par trois banques, alors qu'il voulait acheter une vieille bicoque à retaper dans un petit bled de province. Sa profession n'inspirait visiblement pas confiance. Et ces braves banquiers n'en avaient rien à foutre qu'il payait depuis des années un loyer parisien qui représentait à lui tout seul deux fois le prix que lui coûterait son crédit. Et j'ai dans l'idée que son cas n'est pas isolé.

Tant qu'on gonflera artificiellement les prix d'un côté, et que les gens dont le métier est de prêter de l'argent ne feront pas correctement leur boulot***, ça ne risque pas de s'arranger. Et les économistes, dont le boulot est de mettre le doigt sur les points où ça coince, continuent à pérorer en se mettant des œillères pour ne pas voir leurs dogmes être pris en défaut. Et eux, bien payés comme ils sont, ils n'ont pas de problèmes à se loger.

C'est peut-être eux, qu'il faudrait exiler, en fait. Hop, tous en Belgique ! En plus, il parait que l'immobilier y est plus abordable.




*Que je brocardais encore dernièrement dans Apocalypses : une brève histoire de la fin des temps, un excellent opuscule que je vous recommande vivement et qui est en vente dans toutes les bonnes librairies, et quelques autres aussi.

** Pour la différence entre moyenne et médiane, reportez-vous à n'importe quel bon manuel de statistiques.

*** Ces cons-là sont assurés contre le défaut de paiement, mais dans leur grande avidité, ils ont fini par s'emparer aussi du marché de l'assurance sur crédit : ils sont leurs propres assureurs, à présent, histoire d'empocher sur tous les tableaux. résultat des courses, ils ont peur de prêter.

Commentaires

cubik a dit…
dis donc, je me suis pas exilé en Belgique pour y voir débarquer tous les rebuts français hein. Ici aussi il y a des banques, ça suffit comme ça

Posts les plus consultés de ce blog

My mama said to get things done...

Je suis passé à Aurore Système, petit salon de SF organisé à Ground Control, à Paris, par la librairie Charybde. Je ne connaissais pas le lieu, que j'ai découvert et qui est très chouette. Je venais surtout pour une table ronde sur l'IA, qui est un des sujet importants de nos jours et déchaîne les passions, surtout sous sa forme "générative", les chat GPT, Midjourney et autres. Je me suis tenu un peu à l'écart de ces trucs-là, pour ma part. Je suis très méfiant (même s'il m'est arrivé d'employer Deep-L professionnellement pour dégrossir des traductions du français vers l'anglais, que je retravaillais en profondeur ensuite), parce que l'ai bien conscience du processus et des arrières pensées derrière. J'en ai déjà causé sur ce blog, ici et ici .  La table ronde réunissait trois pointures, Olivier Paquet, Catherine Dufour et Saul Pandelakis, qui ont écrit sur le sujet, et pas mal réfléchi. Lors des questions qui ont suivi, on a eu aussi une...

Un bouquin pour les gouverner tous

  Tiens, j'en avais pas encore causé parce que j'attendais que ce soit officialisé, mais le prochain Pop Icons portera ma signature et sur J.R.R. Tolkien (oui, je tente le zeugme acrobatique, je suis comme ça). Comme pour mon précédent, consacré à H.P. Lovecraft, il y aura une campagne de financement participatif , mais  on pourra aussi le trouver en kiosque et en librairie d'ici la fin du mois prochain. Je suis un peu moins pointu à la base en Tolkien qu'en Lovecraft, mais j'ai fait mes devoirs pour l'occasion, découvrant pas mal de trucs que je n'avais pas lus jusqu'alors, notamment ses correspondances. Voilà, foncez, pour Eorlingas, la Comté et tout le reste !    

De géants guerriers celtes

Avec la fin des Moutons, je m'aperçois que certains textes publiés en anthologies deviennent indisponibles. J'aimais bien celui-ci, que j'ai sérieusement galéré à écrire à l'époque. Le sujet, c'est notre vision de l'héroïsme à l'aune de l'histoire de Cúchulainn, le "chien du forgeron". J'avais par ailleurs parlé du personnage ici, à l'occasion du roman que Camille Leboulanger avait consacré au personnage . C'est une lecture hautement recommandable.     Cúchulainn, modèle de héros ? Guerrier mythique ayant vécu, selon la légende, aux premiers temps de l’Empire Romain et du Christianisme, mais aux franges du monde connu de l’époque, Cúchulainn a, à nos yeux, quelque chose de profondément exotique. En effet, le « Chien du forgeron » ne semble ni lancé dans une quête initiatique, ni porteur des valeurs que nous associons désormais à l’héroïsme. Et pourtant, sa nature de grand héros épique demeure indiscutable, ou en tout cas...

Le grand livre des songes

 Encore un rêve où je passais voir un de mes éditeurs. Et bien sûr, celui que j'allais voir n'existe pas à l'état de veille, on sent dans la disposition des locaux, dans les gens présents, dans le type de bouquins un mix de six ou sept maisons avec lesquelles j'ai pu travailler à des titres divers (et même un peu d'une agence de presse où j'avais bossé du temps de ma jeunesse folle). Et, bien sûr, je ne repars pas sans que des gars bossant là-bas ne me filent une poignée de bouquins à emporter. Y avait des comics de Green Lantern, un roman, un truc sur Nightwing, un roman graphique à l'ambiance bizarre mettant en parallèle diverses guerres. Je repars, je m'aperçois que j'ai oublié de demander une nouveauté qui m'intéressait particulièrement, un autre roman graphique. Ça vient de fermer, mais la porte principale n'a pas encore été verrouillée. Je passe la tête, j'appelle. J'ai ma lourde pile de bouquins sous le bras. Clic. C'était ...

Le diable dans les détails

 La nouvelle série Daredevil, Born Again vient de commencer chez Disney, reprenant les mêmes acteurs que l'ancienne et développant des choses intéressantes, pour ce qu'on en voit jusqu'ici, faisant évoluer la relation entre Fisk et Murdock, le Kingpin étant désormais traité sous un angle plus politique, avec quelques coups de pieds de l'âne envers Trump et ses thuriféraires, ce qui après tout est de bonne guerre. J'étais un peu passé à côté de la vieille série, dont je n'avais pas vu grand-chose, mais je j'ai tranquillement rattrapé ces derniers temps, la réévaluant à la hausse.   Du coup, ça m'a surtout donné envie de me remettre aux comics. Daredevil, c'est un personnage que j'ai toujours bien aimé. Je me suis donc refait tous les Miller en une petite semaine. Hormis quelques épisodes, je n'avais pas relu ça d'un bloc depuis une bonne dizaine d'années. Ça reste un des runs fondamentaux sur le personnage, et tout ce qui vient après...

Medium

 Un truc que je fais de temps en temps, c'est de la médiation culturelle. Ce n'est pas mon métier, mais je connais suffisamment bien un certain nombre de sujets pour qu'on fasse appel à moi, parfois, pour accompagner des groupes scolaires dans des expos, des trucs comme ça. Là, on m'a appelé un peu à l'arrache pour accompagner une animation interactive sur les mangas, et notamment les mangas de sport, avec des groupes de centres de loisirs. Bon, c'est pas ma discipline de prédilection, j'ai révisé un peu vite fait. Le truc, c'est qu'on m'en a causé la semaine passée. La personne qui devait s'en charger était pas trop sur d'elle. La mairie du coin (dans une banlieue un poil sensible) voyait pas le truc bien s'emmancher, la patronne d'une asso où je donne des cours l'a su, a balancé mon nom, m'a prévenu... Et c'en était resté là. Je restais à dispo au cas où. On m'a rappelé ce matin "bon, on va avoir besoin de t...

Numérologie

Tous les auteurs, je crois, ont leur petites coquetteries et afféteries d'écriture, des trucs auxquels ils tiennent et qui ne fascinent généralement qu'eux, et que personne ne remarque vraiment.   Bon, tout le monde a remarqué mes titres alambiquées sur la trilogie du Chien Noir , en allitération, reprenant la première phrase de chaque roman. C'était pour moi un moyen de me glisser dans des formes très anciennes, des codes de l'épopée, même si, fondamentalement, je ne sais pas si ces textes constituent en soi des épopées. Ils ont quelques moments épiques, je crois, mais ce n'en est pas la clé principale. Plus discret, il y a un jeu numérologique qui a émergé en cours de route. Mais reprenons : Trois Coracles, au départ, était conçu comme un one shot . Ce qui m'avait motivé, je l'ai déjà raconté, c'était l'histoire d'Uther, j'avais l'idée de transformer cette note en bas de page du récit arthurien en intrigue principale. Une fois le roman...

Trop de la Bal

 Bon, parmi les petits plaisirs angoumoisins, hormis les moments passés avec des amis et amies qu'on voit trop peu, hormis les bouteilles, hormis les expos d'originaux, il y a aussi fouiller dans les bacs. C'est ainsi que j'ai mis la main à vil prix sur un Savage Sword of Conan dans la collection Hachette. Je dois avoir dix ou douze de ces bouquins réimprimant au départ les aventures des années 70, publiées à l'époque en noir et blanc et en magazine, du célèbre Cimmérien de Robert E. Howard, souvent pris pour lire dans le train, quand j'en chopais un à la gare. Autant dire que ma collection est salement dépareillée. Mais comme ce sont à chaque fois des récits complets, ça n'a guère d'importance. En fait, c'est typiquement la série dans laquelle vous pouvez taper au pif sans trop de risque de déception.      Celui-ci, le n°5, je m'en voulais de l'avoir raté et je n'avais pas réussi à remettre la main dessus par la suite. Graphiquement y a...

Unions, ré-unions, il en restera toujours quelque chose si on s'y prend pas comme des chancres

 Bon, j'en ai jamais fait mystère, mais j'ai tendance à faire savoir autour de moi que la réunionite est un peu le cancer de notre société moderne. Je supporte pas les grandes tablées où, passé l'ordre du jour ça oscille entre le concours de bite et la branlette en rond, pour des résultats concerts qui seraient obtenus en règle générale avec un mail de dix lignes.   éviter la Cogip   Quoi ? Oui, je suis inapte au simagrées du monde de l'entreprise moderne, chacun de mes passages dans des grands groupes m'a convaincu que c'étaient des carnavals de... non, aucun mot utilisable en public ne me vient. Et mes passages aux conseils d'administrations d'associations n'ont pas été mieux. Le problème, ce n'est même pas la structure, qu'elle soit filiale d'un truc caquaranqué ou petit truc local tenu avec des bouts de ficelle. Et pourtant, des fois, faut bien en passer par là, j'en ai conscience. Voir les gens en vrai, se poser autour d'une ...

Qu'ils sont vilains !

En théorie de la narration existe un concept important qui est celui d'antagoniste. L'antagoniste est un des moteurs essentiels de l'histoire, il est à la fois le mur qui bloque le héros dans sa progression, et l'aiguillon qui l'oblige à avancer. L'antagoniste peut être externe, c'est l'adversaire, le cas le plus évident, mais il peut aussi être interne : c'est le manque de confiance en lui-même de Dumbo qui est son pire ennemi, et pas forcément les moqueurs du cirque, et le plus grand ennemi de Tony Stark, tous les lecteurs de comics le savent, ce n'est pas le Mandarin, c'est lui même. Après, l'ennemi est à la fois un ennemi extérieur et intérieur tout en même temps, mais ça c'est l'histoire de Superior Spider-man et c'est de la triche.  Tout est une question de ne pas miser sur le mauvais cheval Mais revoyons l'action au ralenti. L'antagoniste a toujours existé, dans tous les récits du monde. Comme le s...