Accéder au contenu principal

Quoi, post modernisme ? T'as encore oublié de prendre tes pilules, mémé !

Nos boites aux lettres sont inondées de prospectus et de catalogues divers. Ça va du flyer du pizza-yo-l'aut' du coin aux bonnes affaires d'agences immobilière, en passant par les inévitables catalogues à destinations des mamies trop esquintées pour sortir de chez elles. Ceux-là, je les feuillette toujours avant de les mettre à la corbeille. Je les adore. Ils sont bourrés d'idées. Attention, hein, j'ai pas dit de bonnes idées. Mais d'idées quand même.

Entre deux pages de tabliers et de robes/blouses ringardes que les mamies de maintenant ne mettent plus depuis trente ans, même pour éplucher les légumes, il y a quand même de grandes conquêtes de l'esprit humain. L'hyper-spécialisation des ustensiles de cuisine présentés dans ces catalogues m'épate à chaque coup. Du presse-tomates à la petite boite qui permet de garder plus longtemps un demi citron, du chapeau pour tasse qui permet à la fois de garder la tisane au chaud et de retirer le sachet sans se brûler, du moule à blinis au cercle à tartelettes réglables, on a à chaque fois l'impression de visiter l'expo du concours Lépine, on imagine l'inventeur un peu reclus et un peu lunaire qui a pour vocation de libérer l'humanité non pas des grands fléaux, mais des minuscules tracas. Et donc, un appareil pour couper la mozzarella sans se mouiller les doigts, un sac isotherme qui permet de garder le champ au frais le temps d'arriver chez les amis sans avoir pour autant l'air de sortir de chez Picard, et qui est donc classe, élégant, maquillé en paquet de Carte Noire, une boite genre tupperware à compartiments, mais à compartiments modulables pour permettre de varier la taille des portions en fonction de la taille des restes, l'ouvre bocal électrique,  le spray à jus de citron (existe aussi pour l'huile et le vinaigre), la boite à faire cuire les frites au micro-onde, la raclette spéciale à nettoyer les bords des fenêtres, la boite à camembert dont la languette permet d'éviter qu'il coule en s'adaptant à la découpe (existe aussi pour le reblochon), la paire de ciseaux avec mètre ruban incorporé, la doudoune pour chien, le coupe-ongles avec réservoir, l'épile-oreilles, le bandeau de maquillage (pour ne pas déborder), le sac porte buches, l'adaptateur qui transforme une ampoule à vis en ampoule à baïonnette (et inversement ? je ne sais pas), la soupe aux choux minceur en poudre, la couronne d'extension pour four cyclonique (j'avoue mon inculture, j'ignore totalement ce qu'est un four cyclonique), la passoire à fondue, pour récupérer les bouts perdus... Tout un inventaire à la Prévert, un modernisme à la Vian, c'est d'une poésie folle, j'adore.

Et puis, à côté de ces objets inutiles 99% du temps, mais indispensables quand on se trouve pile dans la situation qu'ils sont censé corriger (et il le fond souvent de façon assez astucieuse, quoique révélatrice d'une certaine maniaquerie), il y a les objets censés être un peu amusants, un peu jolis, bien pour lancer la conversation, et qui sont juste un poil à côté de la plaque. Genre la boule à thé geisha, qui convoque des associations d'idées à mon avis pas prévues par son concepteur. La salière électrique qui brille dans le noir me fait des nœuds au cerveau : En cas de panne de courant, ma préoccupation première n'est généralement pas de saler mon assiette. Divers portes-bouteilles décorés rivalisent dans le mauvais goût. Il y a les calendriers bonheur, les calendriers humoristiques, le pécul humoristique. Le porte brosse à chiotte en forme de chiotte est d'une classe folle. Le bain moussant à paillettes aussi. Il y a toutes sortes de bazars en forme de chat. Et là, c'est un peu plus triste, quand même. Ça rappelle les vacances à la campagne, les arrières grand-tantes se plaignant de leurs rhumatismes et évoquant le souvenir de leur troisième chien, celui qui n'avait pas passé l'hiver 51 alors qu'il avait survécu aux Allemands et aux topinambours, ces baraques pas assez ventilées qui sentent l'eau de Cologne, la poussière et le renfermé. Ça ressuscite un monde que l'on croyait disparu. Et d'un coup, on éprouve un frisson étrange, on s'imagine quarante ans dans l'avenir, la couverture sur les genoux, dodelinant du rocking-chair en écoutant le tic-tac de la comtoise et en se rappelant le bon vieux temps où Derrick passait tous les jours et les arrière-petits enfants tous les ans.

En fait, ouais. Je devrais le mettre au panier direct aussi, ce foutu catalogue.





PS : je vous jure devant Dieu, allez vérifier vous-même si vous ne me croyez pas, mais je n'ai inventé aucun des objets qui précèdent, et qui sont vendus par correspondance à un tarif somme toute assez modique.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Ressortie

 Les éditions Delcourt ressortent Torso , un des premiers gros projets de Brian M. Bendis, avant qu'il ne devienne une star suite à ses travaux chez Marvel, Daredevil et Alias en tête, puis ne se crame les ailes à devenir grand manitou des Avengers et des X-Men . Bendis est très bon dans un domaine, celui du polar à échelle humaine, et beaucoup moins dans les grandes conflagrations super-héroïques. Torso , ça relève de la première catégorie. Je pense que c'est justement le genre de bouquin qui a conduit Joe Quesada à lui confier Daredevil , d'ailleurs, c'est là que l'auteur s'impose aux yeux de tous. Le sujet est chouette, déjà : une des premières grosses affaires de tueurs en série en Amérique, le tueur aux Torses (ou Boucher de Cleveland , dans la version romancée par Max Allan Collins, auteur dont j'ai déjà parlé dans le coin). Particularité, au moment des sinistres exploits du tueur, la sécurité publique de la ville vient d'être confiée au célèbre...

Fais tourner le juin

Bon, il est temps que je sorte un peu de mon bunker. Ça tombe bien, je suis invité à deux événements que je connais. Le samedi 31 mai et le dimanche 1er juin, je serai au Geek Up Festival des Clayes sous Bois (78). C'est dans un part, y a des animations, d'autres auteurs, j'aurai un peu de stock de mes bouquins chez les Moutons électriques, et normalement y aura des exemplaires du Pop Icons Tolkien.  Le dimanche 15 juin après-midi, je serai au Salon des auteurs du coin, à la péniche Story Boat de Conflans Ste Honorine (78). Super cadre, c'est très cosy et ça vaut le coup de passer même en coup de vent parce qu'il y a de belles balades à faire aux alentours. Voilà, c'est tout pour l'instant, je sais pas encore trop comment ça va se passer pour la suite, mes prochaines dates sont en octobre, à Marmande et à Limoges. Je vous tiens au courant d'ici là.

L’image de Cthulhu

J'exhume à nouveau un vieil article, celui-ci était destiné au petit livret de bonus accompagnant le tirage de tête de Celui qui écrivait dans les ténèbres , mon album consacré à H.P. Lovecraft. Ça recoupe pas mal de trucs que j'ai pu dire dans d'autres articles, publiés dans des anthologies ou des revues, mais aussi lors de tables rondes en festival ou en colloque (encore cet hiver à Poitiers). J'ai pas l'impression que ce texte ait été retenu pour le livret et du coup je crois qu'il est resté inédit. Ou alors c'est que je l'avais prévu pour un autre support, mais dans ce cas, je ne me souviens plus duquel. Tant pis, ça date d'il y a sept ou huit ans...   L’œuvre d’H.P. Lovecraft a inspiré depuis longtemps des auteurs de bandes dessinées. D’ailleurs, l’existence de nombreuses passerelles entre l’univers des pulps (où a officié Lovecraft) et celui des comic books n’est plus à démontrer, ces derniers empruntant une large part de leurs thèmes aux revue...

Nébulosités

 Ah, que je n'aime pas le cloud. Vraiment pas. Vous allez me dire, je suis un vieux encroûté dans ses petites habitudes de travail, ses sauvegardes à droite et à gauche, ses fichiers à portée de la main comme le tas d'or d'un dragon. Fondamentalement, c'est un portrait assez exact. Mais... Mais j'ai eu suffisamment de soucis de connexion pour être méfiant.   Et puis, y a les éditeurs qui bossent avec des ayants droits chiants. Ce qui fait que les documents de travail se retrouvent verrouillés sur des serveurs auxquels ont vous ouvre l'accès pour pouvoir bosser dessus. Et là, bien entendu, j'avais une très grosse traduction traitée comme ça. Je demande si on peut quand même m'envoyer une copie du pdf, histoire d'avoir un truc "en dur", et ça n'a pas été possible. Le document est ultra protégé. Et, ce matin, alors que le café finit de couler, j'ouvre le truc... Qui m'annonce que l'autorisation a expiré. Oui, apparemment il fal...

Another brick in the wall

Je causais y a quelques semaines de ça, dans une note sur Conan , de l'époque où Walt Simonson, connu notamment pour son excellent passage sur Thor dans les années 80, dont il donne une sorte d'épilogue pirate dans sa récente série Ragnarök, que je recommande assez, était tombé dans une pleine marmite de Druillet, tout comme son pote Jim Starlin (le papa de Thanos). Ça doit correspondre à l'époque où René Goscinny était allé démarcher des éditeurs US avec sous le bras des albums tirés de Pilote. Y avait du Mézières, du Moebius, et du Druillet. Et ça a complètement fait vriller pas mal de gens, même si Goscinny était rentré déçu, sans explosion de la publication d'auteurs franco-belges outre-Atlantique, le format de publication des oeuvres de chez nous n'existant tout simplement pas là-bas dans les années 70 (Starlin, encore lui, sera un peu plus tard un pionner de ce format "graphic novel" avec Death of Captain Marvel).  L'influence de Druillet (qui re...

Le nouveau Eastern

 Dans mon rêve de cette nuit, je suis invité dans une espèce de festival des arts à Split, en Croatie. Je retrouve des copains, des cousins, j'y suis avec certains de mes rejetons, l'ambiance est bonne. Le soir, banquets pantagruéliques dans un hôtel/palais labyrinthique aux magnifiques jardins. Des verres d'alcools locaux et approximatifs à la main, les gens déambulent sur les terrasses. Puis un pote me fait "mate, mec, c'est CLINT, va lui parler putain !"   Je vais me présenter, donc, au vieux Clint Eastwood, avec un entourage de proches à lui. Il se montre bienveillant, je lui cause vaguement de mon travail, puis je me lance : c'est ici, en Dalmatie, qu'il doit tourner son prochain western. Je lui vante les paysage désolés, les déserts laissés derrière eux par les Vénitiens en quête de bois d'ouvrage, les montagnes de caillasse et les buissons rabougris qui ont déjà servi à toutes sortes de productions de ce genre qui étaient tellement fauchées ...

L'iron Man de la Cannebière ?

 Dans mon rêve de cette nuit, j'étais en train de participer au tournage d'un film de guerre/catastrophe. Je faisais partie de l'équipage d'un véhicule blindé , bardé de mitrailleuses, opérant sur une côte. On était en ville, zigzaguant entre les voitures du quai, aux aguets. L'ambiance était vaguement post-nucléaire, les conducteurs avaient des gueules d'irradiés ou d'intervenants sur C-News, c'était moche en tout cas, ça puait la dégénérescence à plein nez. "Ça risque encore de péter" nous dit le lieutenant, joué par Matthew McConaughey. Inquiet, je regarde autour de moi, on est sur une voie des quais et soudain je vous l'eau enfler. Quelqu'un a déclenché un tsunami, peut-être à l'aide d'une bombe sous-marine. "Accrochez-vous, il va nous tomber dessus!" je hurle en me disant que ça va être la fin du film et qu'on aura droit à un freeze-frame juste avant que l'eau ne s'abatte sur nous, vaillants soldats al...

Ça gaze ?

 Pour diverses raisons, personnelles, je n'ai pas trop mis à jour cet espace. Mais, hier, alors que j'avais passé la soirée à être l'interprète de Guy Gavriel Kay lors d'une rencontre en librairie, et c'est un homme tout à fait charmant, en plus d'être un auteur dont certaines préoccupations recoupent dangereusement les miennes, une conversation sans rapport avec des lecteurs est tombée sur mon boulot dans Le château des étoiles.    Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, j'accompagne depuis l'origine l'excellente série d'Alex Alice, consacrée à la conquête des espaces éthériques sous le Second Empire. Alex m'a demandé de rédiger les bonus de la Gazette des étoiles , une prépublication au format journal (on retrouve désormais ces textes également dans l'intégrale débutée cet automne), puis ceux de l'édition grand format des albums, et enfin les textes de l'artbook sorti l'an passé. J'accompagne également le spin-off Les...

My mama said to get things done...

Je suis passé à Aurore Système, petit salon de SF organisé à Ground Control, à Paris, par la librairie Charybde. Je ne connaissais pas le lieu, que j'ai découvert et qui est très chouette. Je venais surtout pour une table ronde sur l'IA, qui est un des sujet importants de nos jours et déchaîne les passions, surtout sous sa forme "générative", les chat GPT, Midjourney et autres. Je me suis tenu un peu à l'écart de ces trucs-là, pour ma part. Je suis très méfiant (même s'il m'est arrivé d'employer Deep-L professionnellement pour dégrossir des traductions du français vers l'anglais, que je retravaillais en profondeur ensuite), parce que l'ai bien conscience du processus et des arrières pensées derrière. J'en ai déjà causé sur ce blog, ici et ici .  La table ronde réunissait trois pointures, Olivier Paquet, Catherine Dufour et Saul Pandelakis, qui ont écrit sur le sujet, et pas mal réfléchi. Lors des questions qui ont suivi, on a eu aussi une...

Injustice dans la voirie !

J'étais sur Paris ce matin. Et, en remontant la rue Lamarck, j'ai découvert un fait curieux : on a filé une rue plus longue à un certain Abbé-Patureau (qui n'a pour lui que d'avoir été curé dans le quartier) qu'à Alfred Nobel et Pierre Dac, qui sont quand même deux bienfaiteurs de l'humanité, l'un, pour avoir avec l'invention de la dynamite trouvé un moyen tout à fait darwinien d'éliminer les artificiers maladroits, et l'autre pour avoir inventé la recette de la confiture de nouille qui compte au rang des plus grandes conquêtes de l'esprit humain. Cette inégalité des rues prouve bien qu'on n'en a pas fini du sinistre pouvoir de la soutane. Y a des trucs à faire avec les tripes des derniers patrons et les derniers curés, je vous raconte même pas. Bref, je suis scandalisé de voir qu'en ce pays de la laïcité, on en fait plus pour les calotins que pour les philosophes (les vrais, ceux dans la tradition de Nasr'uddin Hodja, pas...