Accéder au contenu principal

Toute la vérité, rien que la vérité

On m'a souvent demandé quelle était la part de vérité historique dans Crusades (cette fabuleuse série que j'ai co-signée aux Humanos). Il faut dire qu'on a pris un malin plaisir à entremêler le vrai et le faux, l'historique et le complètement farfelu, le fantasme et le fait avéré. C'est, il faut le dire, dans la nature de l'exercice. Autant, sur un truc comme Burton, même si je peux broder ou mixer des événements, je dois quand même coller au plus près de la réalité, autant sur Crusades, il y avait de la marge (on m'a signalé néanmoins qu'un lecteur avait écrit aux Humanos pour dire que l'entrevue avec le Pape, au tome 1, était impossible : cette semaine-là, le Souverain Pontife était en déplacement ailleurs, et pas à ce palais lyonnais).


On va faire le tour des personnages, du coup.

Guillaume de Sonnac a réellement existé, il a vraiment été grand-maitre de l'ordre du Temple, et a bien été tué à Mansourah. Par contre, rien ne prouve qu'il ait été agent de l'Empereur, et la Commission des Mires n'a jamais existé.

Gautier de Sonnac aussi, a existé, et moi-même je ne l'ai appris que par hasard. On avait créé un frère à Guillaume, qui s'appelait Arnaud. C'est trois semaines avant le bouclage que je suis tombé sur une référence obscure à un Gautier de Sonnac, qui avait accompagné son frère aux croisades. Point, on n'en sait pas plus sur lui. Du coup, on a fait un "rechercher/remplacer" dans l'album, Arnaud s'appelait désormais Gautier, et la biographie du vrai était tellement inexistante qu'on a pu raconter ce qu'on voulait sur lui : qu'il était alchimiste, qu'il avait été marié, qu'il avait fait le tour de l'Europe, etc. Bien malin celui qui pourra prouver le contraire (ou alors, peut-être que des chroniques du temps jamais rééditées nous en apprendraient plus, mais je n'ai rien trouvé à ce stade).

Pour ce qu'on en sait, l'archi-méchant Pélage est bien mort à Monte Cassino. Et rien ne prouve que ses échecs à Damiette aient été dus à un plan tordu de sa part. Tout porte à penser que sur le plan stratégique, il était juste nul, et sur le plan diplomatique assez lamentable. Son sbire Thibault est une pure invention.

Clotilde, Giancarlo, Robert, Marc et Ulric sont de pures inventions. Tout comme le Pugnus Templi en tant que milice secrète du Temple. Et tout comme Jéhu le psychopathe. J'avais des plans pour ce pauvre Jéhu, d'ailleurs, comme pour Giancarlo, mais le fait qu'on ait dû boucler en trois tomes au lieu de cinq nous a obligé un peu à réduire la voilure à ce sujet. D'où d'ailleurs le retournement de veste de Jéhu.

Hülegü est bien réel, c'est même le petit fils de Gengis Khan. C'est lui qui a dirigé les opérations entre l'Egypte et l'Iran, et qui a mis fin au règne de terreur des Assassins. Historiquement, c'est aussi lui qui était entré en pourparlers avec Saint Louis. Mais il y a assez de trous dans sa biographie pour qu'on puisse y glisser quelques aventures (même si je me demande si on ne s'est pas très légèrement loupés sur sa chronologie).

Ali Musafir n'a peut-être pas voyagé autant que j'ai pu le dire (il s'appelait dans les fait Muzaffar, et pas Musafir, ce qui signifie "voyageur" et j'ai du coup un peu confusionné). Son animosité pour Hülegü est par contre tout à fait historique : ils ont été en guerre par la suite, une guerre brutale et sans merci.

J'ai peut-être chargé la mule sur Saint Louis, ne le peignant que sous les traits du fanatique religieux sûr de son fait, ce qu'il a d'ailleurs aussi été. Et je n'ai sans doute pas rendu justice à son compagnon d'armes Joinville en en faisant un simple sycophante. Et la haine inextinguible que le roi voue à sa sœur naturelle Clotilde ne repose sur rien, vu que Clotilde est inventée. J'avais aussi dans l'idée que les événements surnaturels dont Louis a été témoin le conduisent à organiser un genre de vengeance dynastique à l'encontre des Templiers, culminant sous son petit fils, Philippe le Bel. On n'a pas eu la place non plus.

Le temple juif de Léontopolis a bien existé, mais à l'époque des Croisades il n'en restait probablement plus rien. Le bouillonnement intellectuel, ésotérique et alchimique d'Alexandrie est un fait. Ce qui l'a provoqué, on n'en sait fichtre rien, mais si la Bibliothèque y est pour quelque chose, et que le nom d'Hermès revient souvent dès qu'il est question d'alchimie alexandrine (au point qu'il ait laissé son nom aux arts hermétiques), j'ai dans l'idée que le Hermès en question ne ressemblait guère à celui qui est un tout petit peu montré au tome 3, et dont le tombeau est découvert au tome 2.

Voilà. Vous en savez peut-être un peu plus sur tout ça, du coup.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Ressortie

 Les éditions Delcourt ressortent Torso , un des premiers gros projets de Brian M. Bendis, avant qu'il ne devienne une star suite à ses travaux chez Marvel, Daredevil et Alias en tête, puis ne se crame les ailes à devenir grand manitou des Avengers et des X-Men . Bendis est très bon dans un domaine, celui du polar à échelle humaine, et beaucoup moins dans les grandes conflagrations super-héroïques. Torso , ça relève de la première catégorie. Je pense que c'est justement le genre de bouquin qui a conduit Joe Quesada à lui confier Daredevil , d'ailleurs, c'est là que l'auteur s'impose aux yeux de tous. Le sujet est chouette, déjà : une des premières grosses affaires de tueurs en série en Amérique, le tueur aux Torses (ou Boucher de Cleveland , dans la version romancée par Max Allan Collins, auteur dont j'ai déjà parlé dans le coin). Particularité, au moment des sinistres exploits du tueur, la sécurité publique de la ville vient d'être confiée au célèbre...

Fais tourner le juin

Bon, il est temps que je sorte un peu de mon bunker. Ça tombe bien, je suis invité à deux événements que je connais. Le samedi 31 mai et le dimanche 1er juin, je serai au Geek Up Festival des Clayes sous Bois (78). C'est dans un part, y a des animations, d'autres auteurs, j'aurai un peu de stock de mes bouquins chez les Moutons électriques, et normalement y aura des exemplaires du Pop Icons Tolkien.  Le dimanche 15 juin après-midi, je serai au Salon des auteurs du coin, à la péniche Story Boat de Conflans Ste Honorine (78). Super cadre, c'est très cosy et ça vaut le coup de passer même en coup de vent parce qu'il y a de belles balades à faire aux alentours. Voilà, c'est tout pour l'instant, je sais pas encore trop comment ça va se passer pour la suite, mes prochaines dates sont en octobre, à Marmande et à Limoges. Je vous tiens au courant d'ici là.

L’image de Cthulhu

J'exhume à nouveau un vieil article, celui-ci était destiné au petit livret de bonus accompagnant le tirage de tête de Celui qui écrivait dans les ténèbres , mon album consacré à H.P. Lovecraft. Ça recoupe pas mal de trucs que j'ai pu dire dans d'autres articles, publiés dans des anthologies ou des revues, mais aussi lors de tables rondes en festival ou en colloque (encore cet hiver à Poitiers). J'ai pas l'impression que ce texte ait été retenu pour le livret et du coup je crois qu'il est resté inédit. Ou alors c'est que je l'avais prévu pour un autre support, mais dans ce cas, je ne me souviens plus duquel. Tant pis, ça date d'il y a sept ou huit ans...   L’œuvre d’H.P. Lovecraft a inspiré depuis longtemps des auteurs de bandes dessinées. D’ailleurs, l’existence de nombreuses passerelles entre l’univers des pulps (où a officié Lovecraft) et celui des comic books n’est plus à démontrer, ces derniers empruntant une large part de leurs thèmes aux revue...

Nébulosités

 Ah, que je n'aime pas le cloud. Vraiment pas. Vous allez me dire, je suis un vieux encroûté dans ses petites habitudes de travail, ses sauvegardes à droite et à gauche, ses fichiers à portée de la main comme le tas d'or d'un dragon. Fondamentalement, c'est un portrait assez exact. Mais... Mais j'ai eu suffisamment de soucis de connexion pour être méfiant.   Et puis, y a les éditeurs qui bossent avec des ayants droits chiants. Ce qui fait que les documents de travail se retrouvent verrouillés sur des serveurs auxquels ont vous ouvre l'accès pour pouvoir bosser dessus. Et là, bien entendu, j'avais une très grosse traduction traitée comme ça. Je demande si on peut quand même m'envoyer une copie du pdf, histoire d'avoir un truc "en dur", et ça n'a pas été possible. Le document est ultra protégé. Et, ce matin, alors que le café finit de couler, j'ouvre le truc... Qui m'annonce que l'autorisation a expiré. Oui, apparemment il fal...

Another brick in the wall

Je causais y a quelques semaines de ça, dans une note sur Conan , de l'époque où Walt Simonson, connu notamment pour son excellent passage sur Thor dans les années 80, dont il donne une sorte d'épilogue pirate dans sa récente série Ragnarök, que je recommande assez, était tombé dans une pleine marmite de Druillet, tout comme son pote Jim Starlin (le papa de Thanos). Ça doit correspondre à l'époque où René Goscinny était allé démarcher des éditeurs US avec sous le bras des albums tirés de Pilote. Y avait du Mézières, du Moebius, et du Druillet. Et ça a complètement fait vriller pas mal de gens, même si Goscinny était rentré déçu, sans explosion de la publication d'auteurs franco-belges outre-Atlantique, le format de publication des oeuvres de chez nous n'existant tout simplement pas là-bas dans les années 70 (Starlin, encore lui, sera un peu plus tard un pionner de ce format "graphic novel" avec Death of Captain Marvel).  L'influence de Druillet (qui re...

Le nouveau Eastern

 Dans mon rêve de cette nuit, je suis invité dans une espèce de festival des arts à Split, en Croatie. Je retrouve des copains, des cousins, j'y suis avec certains de mes rejetons, l'ambiance est bonne. Le soir, banquets pantagruéliques dans un hôtel/palais labyrinthique aux magnifiques jardins. Des verres d'alcools locaux et approximatifs à la main, les gens déambulent sur les terrasses. Puis un pote me fait "mate, mec, c'est CLINT, va lui parler putain !"   Je vais me présenter, donc, au vieux Clint Eastwood, avec un entourage de proches à lui. Il se montre bienveillant, je lui cause vaguement de mon travail, puis je me lance : c'est ici, en Dalmatie, qu'il doit tourner son prochain western. Je lui vante les paysage désolés, les déserts laissés derrière eux par les Vénitiens en quête de bois d'ouvrage, les montagnes de caillasse et les buissons rabougris qui ont déjà servi à toutes sortes de productions de ce genre qui étaient tellement fauchées ...

L'iron Man de la Cannebière ?

 Dans mon rêve de cette nuit, j'étais en train de participer au tournage d'un film de guerre/catastrophe. Je faisais partie de l'équipage d'un véhicule blindé , bardé de mitrailleuses, opérant sur une côte. On était en ville, zigzaguant entre les voitures du quai, aux aguets. L'ambiance était vaguement post-nucléaire, les conducteurs avaient des gueules d'irradiés ou d'intervenants sur C-News, c'était moche en tout cas, ça puait la dégénérescence à plein nez. "Ça risque encore de péter" nous dit le lieutenant, joué par Matthew McConaughey. Inquiet, je regarde autour de moi, on est sur une voie des quais et soudain je vous l'eau enfler. Quelqu'un a déclenché un tsunami, peut-être à l'aide d'une bombe sous-marine. "Accrochez-vous, il va nous tomber dessus!" je hurle en me disant que ça va être la fin du film et qu'on aura droit à un freeze-frame juste avant que l'eau ne s'abatte sur nous, vaillants soldats al...

Ça gaze ?

 Pour diverses raisons, personnelles, je n'ai pas trop mis à jour cet espace. Mais, hier, alors que j'avais passé la soirée à être l'interprète de Guy Gavriel Kay lors d'une rencontre en librairie, et c'est un homme tout à fait charmant, en plus d'être un auteur dont certaines préoccupations recoupent dangereusement les miennes, une conversation sans rapport avec des lecteurs est tombée sur mon boulot dans Le château des étoiles.    Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, j'accompagne depuis l'origine l'excellente série d'Alex Alice, consacrée à la conquête des espaces éthériques sous le Second Empire. Alex m'a demandé de rédiger les bonus de la Gazette des étoiles , une prépublication au format journal (on retrouve désormais ces textes également dans l'intégrale débutée cet automne), puis ceux de l'édition grand format des albums, et enfin les textes de l'artbook sorti l'an passé. J'accompagne également le spin-off Les...

My mama said to get things done...

Je suis passé à Aurore Système, petit salon de SF organisé à Ground Control, à Paris, par la librairie Charybde. Je ne connaissais pas le lieu, que j'ai découvert et qui est très chouette. Je venais surtout pour une table ronde sur l'IA, qui est un des sujet importants de nos jours et déchaîne les passions, surtout sous sa forme "générative", les chat GPT, Midjourney et autres. Je me suis tenu un peu à l'écart de ces trucs-là, pour ma part. Je suis très méfiant (même s'il m'est arrivé d'employer Deep-L professionnellement pour dégrossir des traductions du français vers l'anglais, que je retravaillais en profondeur ensuite), parce que l'ai bien conscience du processus et des arrières pensées derrière. J'en ai déjà causé sur ce blog, ici et ici .  La table ronde réunissait trois pointures, Olivier Paquet, Catherine Dufour et Saul Pandelakis, qui ont écrit sur le sujet, et pas mal réfléchi. Lors des questions qui ont suivi, on a eu aussi une...

Injustice dans la voirie !

J'étais sur Paris ce matin. Et, en remontant la rue Lamarck, j'ai découvert un fait curieux : on a filé une rue plus longue à un certain Abbé-Patureau (qui n'a pour lui que d'avoir été curé dans le quartier) qu'à Alfred Nobel et Pierre Dac, qui sont quand même deux bienfaiteurs de l'humanité, l'un, pour avoir avec l'invention de la dynamite trouvé un moyen tout à fait darwinien d'éliminer les artificiers maladroits, et l'autre pour avoir inventé la recette de la confiture de nouille qui compte au rang des plus grandes conquêtes de l'esprit humain. Cette inégalité des rues prouve bien qu'on n'en a pas fini du sinistre pouvoir de la soutane. Y a des trucs à faire avec les tripes des derniers patrons et les derniers curés, je vous raconte même pas. Bref, je suis scandalisé de voir qu'en ce pays de la laïcité, on en fait plus pour les calotins que pour les philosophes (les vrais, ceux dans la tradition de Nasr'uddin Hodja, pas...