Accéder au contenu principal

Pour Nixon, le glas

Dans mon rêve de cette nuit, Richard Nixon me demandait de l'aider à planquer un wagon de chemin de fer. C'était un genre de voiture Pullman peinte en bleu, et le contenu en avait l'air très important. D'après la version officielle, glissée sur le ton de la lourde confidence par Tricky Dick, le wagon contenait des trucs qu'il valait mieux que Madame First Lady Nixon ne découvre jamais.   Des trucs un peu olé olé, quoi, des collections de revues, des photos de ses maitresses, voire ses maitresses elles-même, dûment lyophilisées pour une meilleure conservation. Sauf que connaissant ce vieux briscard, je me disais bien que le contenu du wagon était plus important que ça. Des plans de bombes atomiques, les cadavres de Woodward et Bernstein, les preuves d'un complot extraterrestre, la recette des escalopes de dinde au Fluff, l'Arche Perdue ou tout ça à la fois. Ou alors un truc encore plus indicible, non euclidien et gibbeux qu'il avait contemplé en face, mais qui rendrait fou tout humain normal.

Je faisais semblant de croire à ses explications, et nous essayions d'affecter au wagon un itinéraire compliqué, selon lequel il s'accrochait à tel train, pour s'en détacher et suivre tel autre, et ainsi de suite. Selon Nixon, il était impératif que le wagon passe par l'Ohio, pour des raisons qui semblaient aussi fumeuses qu'ésotériques. Je comptais le planquer au terminus de la Ligne Est, dans la gigantesque gare de triage à étages du New Jersey, où l'on pouvait jouer au bonneteau avec les plaques tournantes pendant des années (c'était là qu'était planqué Jimmy Hoffa, poursuivant sa cavale dans une draisine que la police ne rattrapait jamais) (Nixon sous entendait que Jimmy Hoffa n'était plus capable que de hurler "bib-bip"), mais Nixon refusait d'en entendre parler.

La carte géante de la War Room avait été convertie pour l'occasion en maquette de train électrique, sur laquelle nous faisions des simulations d'itinéraires, en présence de l'homme de confiance de Nixon : le caissier latino du McDo du coin de l'avenue, chez lequel il allait se ravitailler en douce en alimentation graisseuse que son médecin et madame lui avaient interdite. Connaissant les plus inavouables secrets, il était admis dans ce cénacle où même Kissinger ne pénétrait plus. Mais il ne participait pas aux débats, il ne proposait rien. Tout au plus opinait-il de sa calotte en papier jetable quand quelqu'un proposait le nom d'un patelin paumé au fin fond du New Arkansas ou du Nebrashire.

J'en venais à me demander si l'itinéraire bizarrement contourné du wagon bleu n'était pas un genre de pentacle maléfique. Je fus pris d'une étrange nausée. Pris de panique, je quittais en courant la War Room, bousculant les Men in Black du Secret Service, déboulant sur l'avenue, et me réfugiant dans la première boutique venue pour échapper aux regards.

Ce n'était pas l'œil dans la tombe qui regardait Caïn, mais le caissier latino, l'âme damnée, l'homme de confiance de Nixon qui, entre sa caisse enregistreuse et une gigantesque pile de cheeseburgers, me fixait fixement, avec une ironie déplaisante. Je me retournai, et tout le personnel du McDo n'était constitué que de sosies de cet homme, dont le regard collectif était braqué sur moi.

Puis je me suis réveillé.




Tiens, longtemps que je ne me suis pas fait spammer la War Zone. Et là où c'est bien drôle (et où ça prouve que les spammeurs sont des cons), c'est que c'était un spam pour une assurance auto bidon, envoyé justement parce qu'il y avait le mot "assurance auto" dans un de mes posts. Où j'expliquais justement que je n'avais aucun besoin d'une assurance auto, puisque je n'avais pas de bagnole.

Commentaires

JayWicky a dit…
Il est à se chier au froc, ce rêve.
abelthorne a dit…
Mais était-ce vraiment un rêve ou une simple réminiscence de souvenirs effacés par les Men in Black ci-dessus mentionnés ?

Posts les plus consultés de ce blog

Brumes du passé

Pour diverses raisons, notamment des textes sur lesquels je travaille et qui sont très différents les uns des autres, je remets le nez dans les ancienne mythologies slaves. J'en ai déjà parlé à propos de Tchernobog , c'est un abominable foutoir, une source infinie de frustration, plus encore que l'étude des mythes celtes ou germains. En Scandinavie, Islande, Irlande et ailleurs, on a su préserver des récits, des textes, parfois des fragments énigmatiques, qui nous éclairent un tout petit peu. Pour les Slaves, on est face à un champ de ruines (je ne vais pas dire que c'est traditionnel dans ces pays-là, mais bon, un peu quand même). Même les comparatistes s'y cassent les dents. Comment interpréter Perun ? De prime abord, c'est le cousin très proche de Thor/Donar et de Taranis. Est-il en fait le descendant d'une divinité primordiale vénérée à l'âge du bronze ? Possible. Mais les mondes slaves, germains et celtes n'ont jamais été des boîtes étanches. Le...

Aïe glandeur

Ça faisait bien longtemps que je ne m'étais pas fendu d'un bon décorticage en règle d'une bonne bousasse filmique bien foireuse. Il faut dire que, parfois, pour protéger ce qu'il peut me rester de santé mentale, et pour le repos de mon âme flétrie, je m'abstiens pendant de longues périodes de me vautrer dans cette fange nanardesque que le cinéma de genre sait nous livrer par pleins tombereaux. Et puis parfois, je replonge. Je repique au truc. De malencontreux enchaînements de circonstances conspirent à me mettre le nez dedans. Là, cette fois-ci, c'est la faute à un copain que je ne nommerai pas parce que c'est un traducteur "just wow", comme on dit, qui m'avait mis sur la piste d'une édition plus complète de la musique du film Highlander . Et qu'en effet, la galette était bien, avec de chouettes morceaux qui fatalement mettent en route la machine à nostalgie. "Fais pas le con, Niko ! Tu sais que tu te fais du mal !" ...

Send in the clowns

Encore un vieux texte : We need you to laugh, punk Y'avait un cirque, l'autre week-end, qui passait en ville. Du coup, on a eu droit aux camionnettes à hauts-parleurs qui tournaient en ville en annonçant le spectacle, la ménagerie et tout ça, et surtout aux affiches placardées partout. Et pour annoncer le cirque, quoi de plus classique qu'un portrait de clown, un bel Auguste au chapeau ridicule et au sourire énorme ? Démultiplié sur tous les murs de la ville, ce visage devient presque inquiétant. Un sourire outrancier, un regard masqué sous le maquillage, une image que la répétition rend mécanique. Ce sourire faux, démultiplié par le maquillage, voire ce cri toutes dents dehors, que le maquillage transforme en sourire, c'est la négation de la notion même de sourire. Le sourire, c'est une manière de communiquer, de faire passer quelque chose de sincère, sans masque. Un faux sourire, a fortiori un faux sourire maquillé et imprimé, fracasse cet aspect encor...

Sonja la rousse, Sonja belle et farouche, ta vie a le goût d'aventure

 Je m'avise que ça fait bien des lunes que je ne m'étais pas penché sur une adaptation de Robert E. Howard au cinoche. Peut-être est-ce à cause du décès de Frank Thorne, que j'évoquais dernièrement chez Jonah J. Monsieur Bruce , ou parce que j'ai lu ou relu pas mal d'histoires de Sonja, j'en causais par exemple en juillet dernier , ou bien parce que quelqu'un a évoqué la bande-son d'Ennio Morricone, mais j'ai enfin vu Red Sonja , le film, sorti sous nos latitudes sous le titre Kalidor, la légende du talisman .   On va parler de ça, aujourd'hui Sortant d'une période de rush en termes de boulot, réfléchissant depuis la sortie de ma vidéo sur le slip en fourrure de Conan à comment lui donner une suite consacrée au bikini en fer de Sonja, j'ai fini par redescendre dans les enfers cinématographiques des adaptations howardiennes. Celle-ci a un statut tout particulier, puisque Red Sonja n'est pas à proprement parler une création de Robert H...

Images du soir

Je ne sais pas si vous allez parfois faire un tour sur les blogs dont je donne opportunément l'adresse dans la barre latérale du mien. Dans le tas, il y en a qui se font une spécialité de diffuser de vieilles images d'autres temps, genre par exemple des illustrations de SF antédiluvienne à grand papa. Le genre de truc dont je suis grave fan. Celle-ci convoque tellement de symboles disparates que je me refuse même à les énumérer. Ça flirte bien avec le notion de dissonance cognitive dont je vous rebat régulièrement les esgourdes C'est aussi pour des raisons comme ça que je voulais devenir héros de la conquête spatiale Ça, c'est une couverture de Keleck pour un roman de Norman Spinrad J'aime beaucoup son boulot, à Keleck, il est bien dérangeant. Un seul artbook était sorti à ma connaissance, à une époque où j'avais pas le rond. Il est introuvable de nos jours, bien entendu. Décidément, je ne connaissais pas ce Cartier mais j...

Le diable dans les détails

 La nouvelle série Daredevil, Born Again vient de commencer chez Disney, reprenant les mêmes acteurs que l'ancienne et développant des choses intéressantes, pour ce qu'on en voit jusqu'ici, faisant évoluer la relation entre Fisk et Murdock, le Kingpin étant désormais traité sous un angle plus politique, avec quelques coups de pieds de l'âne envers Trump et ses thuriféraires, ce qui après tout est de bonne guerre. J'étais un peu passé à côté de la vieille série, dont je n'avais pas vu grand-chose, mais je j'ai tranquillement rattrapé ces derniers temps, la réévaluant à la hausse.   Du coup, ça m'a surtout donné envie de me remettre aux comics. Daredevil, c'est un personnage que j'ai toujours bien aimé. Je me suis donc refait tous les Miller en une petite semaine. Hormis quelques épisodes, je n'avais pas relu ça d'un bloc depuis une bonne dizaine d'années. Ça reste un des runs fondamentaux sur le personnage, et tout ce qui vient après...

Plein les mirettes en attendant

Hop, deux petits extraits du Livre de Sod , qui est, vous le savez si vous avez tout bien suivi, le tome 3 de Crusades , cette tonitruante saga que j'écris avec Izu, et qui est illustrée par rien moins que Zhang Xiaoyu, qui sait y mettre la petite dose de Carmina Burana qui va bien.

Hail to the Tao Te King, baby !

Dernièrement, dans l'article sur les Super Saiyan Irlandais , j'avais évoqué au passage, parmi les sources mythiques de Dragon Ball , le Voyage en Occident (ou Pérégrination vers l'Ouest ) (ou Pèlerinage au Couchant ) (ou Légende du Roi des Singes ) (faudrait qu'ils se mettent d'accord sur la traduction du titre de ce truc. C'est comme si le même personnage, chez nous, s'appelait Glouton, Serval ou Wolverine suivant les tra…) (…) (…Wait…). Ce titre, énigmatique (sauf quand il est remplacé par le plus banal «  Légende du Roi des Singes  »), est peut-être une référence à Lao Tseu. (vous savez, celui de Tintin et le Lotus Bleu , « alors je vais vous couper la tête », tout ça).    C'est à perdre la tête, quand on y pense. Car Lao Tseu, après une vie de méditation face à la folie du monde et des hommes, enfourcha un jour un buffle qui ne lui avait rien demandé et s'en fut vers l'Ouest, et on ne l'a plus jamais revu. En chemin, ...

En repassant loin du Mitan

 Bilan de la semaine : outre un peu de traduction, j'ai écrit  - 20000 signes d'un prochain roman - 20000 signes de bonus sur le prochain Chimères de Vénus (d'Alain Ayrolles et Etienne Jung - 30000 signes d'articles pour Geek Magazine    Du coup je vous mets ci-dessous un bout de ce que j'ai fait sur ce roman (dans l'univers du Mitan, même si je n'ai plus d'éditeur pour ça à ce stade, mais je suis buté). Pour la petite histoire, la première scène du bouquin sera tirée, poursuivant la tradition instaurée avec Les canaux du Mitan, d'un rêve que je j'ai fait. Le voici (même si dans la version du roman, il n'y aura pas de biplans) . On n'est pas autour de la plaine, cette fois-ci, je commence à explorer le vieux continent :   Courbé, il s’approcha du fond. À hauteur de sa poitrine, une niche était obstruée par une grosse pierre oblongue qu’il dégagea du bout des doigts, puis fit pivoter sur elle-même, dévoilant des visages entremêlés. Une fo...

Coup double

 Ainsi donc, je reviens dans les librairies le mois prochain avec deux textes.   Le premier est "Vortace", dans le cadre de l'anthologie Les Demeures terribles , chez Askabak, nouvel éditeur monté par mes vieux camarades Melchior Ascaride (dont vous reconnaissez dans doute la patte sur la couverture) et Meredith Debaque. L'idée est ici de renouveler le trope de la maison hantée. Mon pitch :   "Les fans d'urbex ne sont jamais ressortis de cette maison abandonnée. Elle n'est pourtant pas si grande. Mais pourrait-elle être hantée par... un simple trou dans le mur ?" Le deuxième, j'en ai déjà parlé, c'est "Doom Niggurath", qui sortira dans l'anthologie Pixels Hallucinés, première collaboration entre L'Association Miskatonic et les éditions Actu-SF (nouvelles).  Le pitch :  "Lorsque Pea-B tente un speed-run en live d'un "mod" qui circule sur internet, il ignore encore qu'il va déchainer les passions, un ef...