Un truc qui m'arrive assez fréquemment, lors de l'écriture de romans, c'est d'introduire de nouveaux personnages en cours de route, selon les besoins de l'intrigue. Le risque étant bien sûr d'en faire des personnages-fonction, des catalyseurs commodes de choses et d'autres dans la mécanique du récit. Et surtout, des catalyseurs visibles. Et là, si le lecteur voit ce genre de ficelles, c'est foutu.
Il y a pourtant une astuce que je pratique à l'occasion, et qui permet de développer proprement ces personnages, sans que leur arrivée ne semble ad hoc.
Dans l'Ancelot, ça m'est arrivé plusieurs fois, lorsque je me suis rendu compte que la relative solitude de mon protagoniste rendait le récit extrêmement sec par moments. Il a fallu ajouter des personnages secondaires pour redonner un peu de pep's à certaines séquences, un peu de volume au texte ici et là, ou ralentir le rythme de certaines autres. Une fois cela fait, je disposais donc de plusieurs figures utilisables dans la suite du récit, que je pourrais développer.
L'astuce que j'évoquais plus haut, c'est ensuite de repartir en arrière et de trouver d'autres scènes, déjà écrites, où introduire précédemment ces personnages. Ou des interstices où rajouter une scène.
Je me refuse à vous dire qui sont les deux personnages de ce genre existant dans L'ancelot. (si vous voulez vous livrer à des hypothèses en commentaire, par contre, je ne vous en empêcherai pas. ça m'amusera sans doute. pas certain que j'y réponde, par contre).
Dans le roman sur lequel je travaille en ce moment (un Mitan 2, dont je commence à voir le bout, après en avoir écrit une partie conséquente l'été et l'automne dernier, et avoir un peu beaucoup ralenti la cadence entretemps), la situation est légèrement différente. On suit pour une large part du récit un petit corps expéditionnaire de soldats. Les officiers ont une grande place dans l'histoire, mais leurs subalternes sont nombreux, et pas tous nommé. Et, à partir du moment où l'on commence à en nommer quelques uns, on a naturellement tendance à n'utiliser que ceux-là, ce qui nuit à l'effet de nombre. Ces derniers jours, j'ai donc créé deux autres soldats, attachés à un genre de patrouille qui se dépare du gros de la troupe pour une mission particulière. Et, hier, j'ai passé ma soirée à les faire apparaître à d'autres endroits, dans des scènes précédentes, me permettant d'ailleurs de préciser quelques rapports entre personnages avec des indications qui auraient été lourdes et malvenues dans les scènes liées à cette mission. Cela m'a permis de les doter de caractéristiques supplémentaires, toujours utiles à donner au lecteur et à avoir sous le coude.
Avec sa forme si particulière, le Dossier Arkham a également fait l'objet d'attentions de ce genre, qui permettaient de jeter des ponts entre chapitre très disparates, renforçant le côté toile d'araignée de l'ensemble, même si parfois, ces insertions de personnages se faisaient sur un mode quasi allusif.
Le père de tous ceux là (je ne crois pas avoir utilisé cette technique en BD, ou toute insertion pose d'autres problèmes techniques, vu que rajouter des cases conduit à décaler les suivantes, au point de complètement désynchroniser la narration des débuts et fins de pages, qui est un truc sur lequel je passe en général du temps, c'est pas pour le sagouiner ensuite), il se trouve dans mon premier roman, Eschatôn. Et il s'agit de Lothe, l'homme à la robe jaune, introduit en cours de route pour me sortir d'un gros problème qui se posait à moi après avoir changé en profondeur une partie de la structure du bouquin, et la totalité du destin d'un de ses protagonistes. Lothe me permettait de retendre l'écheveau, mais pour ce faire il m'a fallu le retricoter dans les parties déjà écrites et existantes. Et au bout du compte, il est devenu sans doute le meilleur personnage du bouquin.
Dites vous bien que, tant qu'un roman n'est pas imprimé, tous les tripatouillages de ce genre demeurent possibles. Et c'est une bonne chose, je crois.
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