« Mon ami ! s’exclama-t-il. Vos visites comblent de joie mon vieux cœur ! Quelles nouvelles apportez-vous du vaste monde ?
— Oh, il va toujours aussi mal. Vous ignorez à quel point vous vous trouvez ici à l’abri de bien des vicissitudes de la civilisation.
— Ou peut-être en suis-je au contraire plus que conscient, mon ami. N’oubliez pas que j’ai étudié dans vos universités de l’ouest avant de me réfugier ici, terrorisé. »
L’homme au chapeau éclata d’un rire sonore et tonitruant qui fit trembler les chandelles dispensant leur faible lumière. Au mépris de toutes les convenances du pays, il asséna à son hôte une accolade qui manqua de se briser sous le choc, mais ne sembla pas s’en formaliser pour autant.
« Vous n’avez pas changé, mon cher Dakota. Toujours le même.
— Toujours le même, mon vieux S.T. »
Ce petit Hindou affable qui accueillait ainsi Herbert Williams, dit « Dakota », car l’homme au chapeau était bien évidemment le célèbre archéologue, s’était taillé au fil des ans une réputation de savoir absolu et intégral concernant des arcanes mystérieux. Retiré par goût de la discrétion dans son ermitage d’Himachal Pradesh Lakhmi, le yogi connu uniquement par ses initiales, S.T. avait déjà reçu Dakota Williams en ses murs quelques années auparavant. Mais surtout, ils avaient été condisciples pendant un an à la célèbre université Miskatonic d’Arkham, dont Williams était devenu depuis l’un des professeurs les plus émérites.
Williams fut conduit au réfectoire de l’ashram, où on lui servit du riz coloré et des légumes bouillis dans des épices. Habitué à voyager dans des conditions de confort toutes relatives, il ne fit pas la fine bouche devant ce plat qui aurait pourtant eu de quoi rebuter tout Américain normalement constitué et y fit même grand honneur.
C’est quand il s’essuya la bouche d’un geste assuré que le yogi vint s’asseoir devant lui.
« Et si vous m’expliquiez ce que vous venez faire au sommet de cette montagne, mon ami ?
— J’ai besoin de vos cartes.
— Elles sont sous clé, rétorqua S.T. sur un ton égal.
— Mais la clé, vous l’avez.
— Il y a une raison pour laquelle je conserve ces cartes à l’abri des regards indiscrets. Mais dites-moi laquelle vous souhaitez consulter. Celle qui mène à Shangri-La l’inaccessible ? Celle de Shamballa l’interdite ? Ou plus simplement celle de Nanda-Parbat la secrète ? »
Dakota Williams frappa du plat de la main sa lourde veste de cuir.
« Nanda-Parbat, j’y suis déjà allé, et j’y ai délivré les sages d’un grand péril. Ils m’ont confié pour l’occasion un vêtement me protégeant des attaques physiques.
— Porteriez-vous là-dessous un gilet-Parbat, mon ami ? »
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Par ailleurs, Les Canaux du Mitan sort enfin en version papier, le 21 août, et le 11 septembre ce sera au tour de la réédition de Mythe & Super-Héros, augmentée et toute en couleurs. L'automne est donc chargée.
Commentaires
N'y aurait-il pas quelque chose qui cloche dans cette phrase?
Ceci dit, permettez-moi d'exprimer ma joie devant ces bonnes nouvelles en échangeant avec vous une virile accolade (l'exemple vient d'en-haut!).