Bon, je suis en pleine phase de retravail sur Les Canaux du Mitan, mon prochain roman qui sort en avril chez les Moutons électriques.
On essaie et on vire des trucs, et du coup, je me suis avisé qu'un bout de texte non retenu pourrait faire un joli teaser. Je le livre donc à vos mirettes…
On essaie et on vire des trucs, et du coup, je me suis avisé qu'un bout de texte non retenu pourrait faire un joli teaser. Je le livre donc à vos mirettes…
Dans sa cage trop étroite pour lui, Vautour tourne en rond. Il ne
saurait plus dire depuis combien de temps dure sa captivité. Lui qui
étendait ses ailes pour recouvrir le ciel, le voici confiné et jeté
à terre. Lui qui survolait les terres désertiques et se nourrissait
de soleil, le voici prisonnier des eaux.
Cela fait si longtemps qu’il passe de cage en cage, au gré des
caprices du temps, qu’il en a oublié le nombre.
De petites voix lui disent parfois « souviens-toi, Vautour, tu
n’es pas là pour rien », mais il essaie de ne pas les
écouter. L’oubli lui semble plus miséricordieux que ces souvenirs
cuisants. Quand il le peut, il dort. Il rêve à sa grandeur d’antan.
Mais toujours, les petites voix reviennent. Et trop souvent, on ouvre
sa cage, et il se croit libre, enfin, mais ne fait que passer vers la
suivante. Certaines, il a appris à les aimer, à en apprécier le
contour torturé. D’autres l’ont plongé dans la léthargie.
Parfois, la cage prend soin de le nourrir un peu, afin de calmer sa
rage. Parfois, on le laisse si longtemps mourir de faim.
Et puis, quelle rage ? Oui, il a ressenti une grande colère,
quand on l’a enfermé il y a si longtemps. Sans s’être résigné,
il l’a vu s’éteindre peu à peu, comme un feu sur la plaine,
oublié au matin. Les dernières braises réchauffent encore sa
captivité. La faim, parfois, le tient éveillé.
Et parfois, il lui semble qu’elle a changé de nature. Il sent bien
les petites créatures qui tournent autour de sa cage, trop étranges
pour qu’il les comprenne tout à fait. Aucune d’entre elle ne
veut lui parler, au travers des barreaux.
Vautour aimerait pourtant qu’on réponde à ses appels. Qu’on
compatisse à sa longue misère. Qu’on le comprenne.
Il lui faudra bientôt changer de cage à nouveau. Alors Vautour
espère, confusément.
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