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La baleine qui cache la forêt

C'est dimanche, alors bon dimanche, et je m'avise que ça faisait un bail que je ne l'étais pas livré à une homélie dominicale en mode vieux moine sur le retour (vous énervez pas, je suis pas certain que la bure m'aille au teint).

Vous connaissez tous l'histoire de Jonas. Le prophète que Dieu envoie à Ninive, et qui vu la réputation des Ninivites, prend un bateau dans l'autre direction, se fait rattraper par une tempête du tonnerre de Zeus l'autre barbu céleste, est jeté à la baille par les marins qui ont bien pigé qu'il leur portait la scoumoune, est bouffé par une baleine Pinocchio style puis est recraché sur une plage et finit par obéir. C'est un classique de l'Histoire Sainte.



ce type-là, quoi

 La morale de l'histoire, c'est que, quand Dieu cause, ses prophètes ont intérêt à filer doux.

Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Et si la suite est moins spectaculaire, c'est elle qui est intéressante. Il finit par débarquer à Ninive, faire le tour de la ville en mode "repentez-vous, la fin est proche" puis se casse sur une colline toute proche pour assister au feu d'artifice que l'Eternel ne manquera pas de faire tomber sur cet antre d'iniquité (rappelons que pour les lecteurs de la Bible, les Assyriens sont des ennemis. Ce peuple dont Ninive est la capitale à un moment, dégomme pour le compte le royaume d'Israel).

Et c'est là que ça déraille. Les Ninivites l'écoutent. Ils se repentent. Ils le croient. Notez qu'il n'est pas dit qu'ils se convertissent à quoi que ce soit. Ils croient, juste.

Et donc, Jonas attend comme un con sur sa colline, sous une plante que Dieu lui a gentiment fait pousser pour pas qu'il aille se prendre une insolation. Et comme les Ninivites jeûnent et font pénitence, le feu du ciel ne leur tombe pas sur la gueule. Le fleuve ne déborde pas pour tous les emporter. Il n'y a même pas une pluie de grenouilles ou une invasion de sauterelle. Et comme le premier fan de Star Wars venu, Jonas se sent floué. Il gueule. Il voulait son petit fix de Schadenfreude.

Pour lui donner une leçon, Dieu crame la plante qui abritait Jonas, et celui-ci s'énerve pour de bon avant de se faire souffler dans les bronches par l'Eternel.

Toute cette partie-là est curieusement oubliée par les ultra-cathos, évangéliques pro-Trump et autre, on se demande pourquoi. Les gens n'aiment pas, sans doute, qu'on leur rappelle qu'ils sont des connards quand ils souhaitent des génocides au Nom de leur Dieu. Ils préfèrent les plans à la Sodome et Gomorrhe (nonobstant le fait qu'il n'aurait pas manqué grand-chose, dix justes tout au plus, pour qu'elles soient sauvées) avec pluies de flammes et de soufre, ça ils kiffent. C'est le christianisme version Michael Bay, quoi.

Commentaires

Tonton Rag a dit…
Petite information technique : on peut dater la mission diplomatique de Jonas. 824 avant notre ère. Le roi Shalmaneser III était mourant et son fils Shamshi-Adad V régnait depuis la nouvelle capitale Kalhu, pendant que son frère Assur-danin-pal dirigeait une révolte depuis Ninive. C'est pourquoi le récit biblique parle uniquement de Ninive et pas de l'ASSyrie.
Succès de la mission de Jonas puisque toute expansion de Ninive et de l'Assyrie vers la méditerranée et Israël est stoppée pour plus de 80 ans.

Brillant commentaire étique de Nikolavitch sur la morale qui se dégage du récit.
Alex Nikolavitch a dit…
étique ou éthique.

et merci de contextualiser !

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