Bon, je suis sur les corrections des Canaux du Mitan, qui comme vous le savez sans doute (et sinon, faut suivre, un peu) sort en avril chez les Moutons électriques.
Alors, la phase de corrections, sur un roman, c'est un moment très curieux. Que j'appréhende, en général. C'est chose connue que le premier jet d'un bouquin est rarement publiable en l'état, et ça vaut pour moi comme pour à peu près tous les collègues que je connais. Sur Peter et les Coracles, fort de l'expérience accumulée lors de la phase chaotique des relectures d'Eschatôn, je me suis bien gardé d'envoyer le premier jet à l'éditeur, d'ailleurs. Je retravaillais pas mal le manuscrit, en plusieurs phases, avant de le montrer. Relecture, bricolages divers, repérage de choses arrivant à tel ou tel endroit du bouquin, mais qu'il s'agit de préparer un peu dans les pages et les chapitres précédents, etc. Ce que l'éditeur reçoit, en général, c'est au moins une version 1.5, voire 2.0.
Souvent, j'ai même déjà fait tourner le manuscrit à une ou deux personnes de confiance qui m'ont repéré des soucis.
Parce que les corrections, figurez-vous, ça ne concerne pas que les phrases bancales ou les fautes d'orthographe. C'est repérer tous les trucs qui semblent tirés d'un chapeau sans avoir été mis en place avant (vous savez, comme tous ces pains d'écriture du dernier Star Wars, par exemple*). Parfois, il suffit d'un petit paragraphe bien placé, voire d'une ou deux phrases réparties dans le corps du texte, et le lecteur, au moment de tel ou tel coup de théâtre, est là en mode "ah, mais bien sûr" et le truc a l'air vachement bien pensé. En fait, il a juste été bien retravaillé pour faire croire que l'auteur est plus malin qu'il ne l'est en réalité.
C'est aussi l'occasion de débusquer toutes les petites incohérences de l'univers, les trucs pas expliqués, ou au contraire de tailler dans les passages trop démonstratifs. Et puis d'affiner l'univers. Et ça, je le fais tôt. Et ça, je n'ai pas eu le temps de le faire cette fois-ci, vu que l'année a été chaotique et que j'ai écrit ce bouquin essentiellement sur quatre périodes à chaque fois assez courtes, mais réparties sur quatorze mois. Et donc, là, on est sur un premier jet à peine relu.
Du coup, je fais tout ce travail à la volée. En deux jours, j'en suis à la deuxième passe. La première m'a permis de traiter toutes les corrections orthographiques et stylistiques de base proposées par l'éditeur. C'est ce que j'appelle "le branlage de virgule" quand j'ai envie d'employer des termes techniques. Ça va assez vite.
Là, j'arrive en fin de phase deux, où on est plus dans le remaniement de paragraphes entiers, ajouter une description ici, retirer une incohérence là, atténuer le traitement trop caricatural d'un personnage à tel ou tel endroit.
La phase trois, ça va être le dur. Renforcer la cohérence de l'univers, le détailler, l'amender parfois. En tenant compte des suggestions de l'éditeur, mais pas tout, pas que… Et je m'aperçois que là, y a du taf pour plein de raisons. J'ai pourtant passé du temps sur le "world building", agglomérant les idées, les retaillant, supprimant des trucs, en ajoutant d'autres… Globalement, ça se tient, mais il y a des détails, des petits trucs, des manques aussi, que l'éditeur me souligne. Et comme ça touche à l'univers… Chaque modification du roman dans ce domaine risque d'impacter tout le reste si l'on n'y prend pas garde.
Bref… Tout ce boulot que j'essaie de faire sur la longueur, en prenant mon temps, là je me le tape d'un coup. C'est intéressant, ça oblige à des choix drastiques. Mon entourage a bien compris que je serai en mode râleur et stressé pendant quelques temps.
*J'y suis allé cet aprème, au Star Wars IX. Peut-être que j'en recauserai ici, dans quelques jours, après l'avoir digéré. C'est un gros spectacle, généreux visuellement, parfois même trop, mais ses paresses d'écriture sont absolument hallucinantes.
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