L'autre jour, j'évoquais mes recettes plus ou moins foireuses pour trouver des titres à mes histoires.
Aujourd'hui, je vais vous expliquer comment j'ai trouvé certains noms de personnages.
Dans Trois Coracles, sorti tout récemment (plug de pub : il est chez votre libraire, foncez l'acheter / il n'est pas chez votre libraire, changez de libraire ou demandez au vôtre de le commander), certains personnages avaient un nom prédéterminé : Uther (quoique j'aie hésité à y préférer la forme galloise Ythir), Ambrosius ou Coel ont existé, ou existent dans les sources. Pareil pour Gordiern, même si son nom dans le livre est un bricolage, une synthèse à partir des formes britonniques (je ne voulais pas employer la forme saxonne Vortigern, pour diverses raisons).
Pour les autres personnages, j'ai tapé dans les lexiques de noms en langue bretonne, comme Braith (dont le nom évoque, dans sa langue, la tache de naissance qui lui macule le visage), Gwen (la blancheur annoncée par ce nom contrebalance la description de ses bras noirs de forgeron), Brude le picte (assonance avec les mots germaniques signifiant "frère", ce qui avait ici du sens) ou Maeth le taciturne (dont le nom sonne un peu comme "mute", ce qui là aussi fait sens).
Le barde Cynddylan Ci-Du a été travaillé de ce point de vue-là. "Ci-Du" signifie tout simplement le "chien noir", en breton. Ceux qui connaissent les anciens mythes celtiques ou ont lu le livre comprennent la pertinence de la chose. "Cynddylan" était par ailleurs le nom d'un vrai barde des temps anciens (pas contemporain de mon histoire, ceci dit), mais le début en "Cyn" me permet d'appuyer l'image du chien, même si c'est au prix d'un détour par le grec.
Ces jeux sur plusieurs langues ne sont que ça : des jeux. Ou une forme d'aide-mémoire. En fixant, même de façon un peu secrète, certaines caractéristiques des personnages, ils me permettent de leur donner chair et consistance, d'appuyer un trait de caractère ou une caractéristique physique, ou une fonction dans le récit. Ignorer ces jeux ne change rien à la compréhension de l'histoire elle-même, mais en prendre conscience permet d'y ajouter un petit peu d'éclairage.
Je me livre à ces amusettes depuis un bail.
Dans Central Zéro, le héros a un nom de loup solitaire, Wolff, ce qui rétrospectivement me semble un peu faible, un peu forcé. Son acolyte, Franz Junge, évoque de façon discrète la musique qui m'aurait semblé parfaite pour accompagner l'album, celle des Young Gods. Leandra Jaeger est une chasseresse, à sa façon, et le commissaire Swanwick renvoie au nom de l'acteur chauve incarnant le Contrôleur, dans la série Le Prisonnier, ce qui recoupe bien le côté manipulateur de mon personnage.
Parfois, il arrive des accidents amusants. Milton Burke, dans l'Escouade des Ombres, tire son prénom de ma relecture, à l'époque, du Paradis Perdu, et son nom de l'espèce de crapule qui trahit tout le monde dans Aliens. Pourquoi lui ? Juste parce que la sonorité me plaisait, et qu'en ces matières, il est souvent bon de travailler à l'oreille. C'est l'année suivante que je m'avisai d'un fait curieux : il existait déjà un Milton Burke dans ma bibliothèque, un personnage secondaire du cycle de Rork, par Andreas. Cette BD a eu une influence déterminante, quand j'étais minot, sur ma formation esthétique. Qu'un de ses personnages ressurgisse ainsi n'était pas délibéré, mais ma vénération pour l'œuvre d'Andreas est telle que je ne renie aucunement cet hommage involontaire.
Wednesday, dans L'île de Peter, me pose désormais un problème intéressant. Il s'agissait d'avoir un nom pouvant rappeler Wendy, et il n'y en a pas forcément 36. Comme derrière je jouais sur les archétypes, la référence à Odin/Wotan tombait sous le sens. Manque de bol, je n'avais à l'époque lu American Gods qu'en VF, dans laquelle Mr. Wednesday s'appelle "Voyageur". Ce n'est qu'à la toute fin de la rédaction du bouquin que j'ai découvert avec horreur cette homonymie : Gaiman m'avait piqué mon idée quinze ans avant que je ne l'aie. Le salaud. J'ai sacrifié du coup un bout de ligne narrative qui devenait un peu dérivative, et qui ne me semblait d'un coup plus si intéressante. Je crois que le livre en a été amélioré.
Dans La Dernière Cigarette, Dorscheid tire son nom du coloriste qui travaillait avec Steve Rude sur Nexus. Juste parce que j'aimais le travail du gars et que son nom sonne bien. Pour Tchektariov, j'ai un peu plus galéré. Je voulais un nom indiscutablement russe, mais pas déjà vu mille fois, pas un Popov ou Raspoutine. Ne trouvant pas, j'ai pris un bouquin de Boulgakov dans l'étagère, je l'ai ouvert au pif et j'ai pris le premier nom propre qui venait.
Une fois encore, pas de méthode univoque, beaucoup de trucs instinctifs ("à l'oreille") et beaucoup d'autre très (trop) intellectualisés.
Et vous, quelles sont vos techniques pour nommer vos personnages ?
Aujourd'hui, je vais vous expliquer comment j'ai trouvé certains noms de personnages.
Dans Trois Coracles, sorti tout récemment (plug de pub : il est chez votre libraire, foncez l'acheter / il n'est pas chez votre libraire, changez de libraire ou demandez au vôtre de le commander), certains personnages avaient un nom prédéterminé : Uther (quoique j'aie hésité à y préférer la forme galloise Ythir), Ambrosius ou Coel ont existé, ou existent dans les sources. Pareil pour Gordiern, même si son nom dans le livre est un bricolage, une synthèse à partir des formes britonniques (je ne voulais pas employer la forme saxonne Vortigern, pour diverses raisons).
Pour les autres personnages, j'ai tapé dans les lexiques de noms en langue bretonne, comme Braith (dont le nom évoque, dans sa langue, la tache de naissance qui lui macule le visage), Gwen (la blancheur annoncée par ce nom contrebalance la description de ses bras noirs de forgeron), Brude le picte (assonance avec les mots germaniques signifiant "frère", ce qui avait ici du sens) ou Maeth le taciturne (dont le nom sonne un peu comme "mute", ce qui là aussi fait sens).
Le barde Cynddylan Ci-Du a été travaillé de ce point de vue-là. "Ci-Du" signifie tout simplement le "chien noir", en breton. Ceux qui connaissent les anciens mythes celtiques ou ont lu le livre comprennent la pertinence de la chose. "Cynddylan" était par ailleurs le nom d'un vrai barde des temps anciens (pas contemporain de mon histoire, ceci dit), mais le début en "Cyn" me permet d'appuyer l'image du chien, même si c'est au prix d'un détour par le grec.
Ces jeux sur plusieurs langues ne sont que ça : des jeux. Ou une forme d'aide-mémoire. En fixant, même de façon un peu secrète, certaines caractéristiques des personnages, ils me permettent de leur donner chair et consistance, d'appuyer un trait de caractère ou une caractéristique physique, ou une fonction dans le récit. Ignorer ces jeux ne change rien à la compréhension de l'histoire elle-même, mais en prendre conscience permet d'y ajouter un petit peu d'éclairage.
Je me livre à ces amusettes depuis un bail.
Dans Central Zéro, le héros a un nom de loup solitaire, Wolff, ce qui rétrospectivement me semble un peu faible, un peu forcé. Son acolyte, Franz Junge, évoque de façon discrète la musique qui m'aurait semblé parfaite pour accompagner l'album, celle des Young Gods. Leandra Jaeger est une chasseresse, à sa façon, et le commissaire Swanwick renvoie au nom de l'acteur chauve incarnant le Contrôleur, dans la série Le Prisonnier, ce qui recoupe bien le côté manipulateur de mon personnage.
Parfois, il arrive des accidents amusants. Milton Burke, dans l'Escouade des Ombres, tire son prénom de ma relecture, à l'époque, du Paradis Perdu, et son nom de l'espèce de crapule qui trahit tout le monde dans Aliens. Pourquoi lui ? Juste parce que la sonorité me plaisait, et qu'en ces matières, il est souvent bon de travailler à l'oreille. C'est l'année suivante que je m'avisai d'un fait curieux : il existait déjà un Milton Burke dans ma bibliothèque, un personnage secondaire du cycle de Rork, par Andreas. Cette BD a eu une influence déterminante, quand j'étais minot, sur ma formation esthétique. Qu'un de ses personnages ressurgisse ainsi n'était pas délibéré, mais ma vénération pour l'œuvre d'Andreas est telle que je ne renie aucunement cet hommage involontaire.
Wednesday, dans L'île de Peter, me pose désormais un problème intéressant. Il s'agissait d'avoir un nom pouvant rappeler Wendy, et il n'y en a pas forcément 36. Comme derrière je jouais sur les archétypes, la référence à Odin/Wotan tombait sous le sens. Manque de bol, je n'avais à l'époque lu American Gods qu'en VF, dans laquelle Mr. Wednesday s'appelle "Voyageur". Ce n'est qu'à la toute fin de la rédaction du bouquin que j'ai découvert avec horreur cette homonymie : Gaiman m'avait piqué mon idée quinze ans avant que je ne l'aie. Le salaud. J'ai sacrifié du coup un bout de ligne narrative qui devenait un peu dérivative, et qui ne me semblait d'un coup plus si intéressante. Je crois que le livre en a été amélioré.
Dans La Dernière Cigarette, Dorscheid tire son nom du coloriste qui travaillait avec Steve Rude sur Nexus. Juste parce que j'aimais le travail du gars et que son nom sonne bien. Pour Tchektariov, j'ai un peu plus galéré. Je voulais un nom indiscutablement russe, mais pas déjà vu mille fois, pas un Popov ou Raspoutine. Ne trouvant pas, j'ai pris un bouquin de Boulgakov dans l'étagère, je l'ai ouvert au pif et j'ai pris le premier nom propre qui venait.
Une fois encore, pas de méthode univoque, beaucoup de trucs instinctifs ("à l'oreille") et beaucoup d'autre très (trop) intellectualisés.
Et vous, quelles sont vos techniques pour nommer vos personnages ?
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